15. Interview Jeremy Power Regimbal

Nous avions déjà eu l'occasion de voir IN THEIR SKIN, titré à ce moment là REPLICAS, au Marché du Film à Cannes. Le film a tendance à nous partager et le PIFFF nous a donné l'occasion de rencontrer, le 20 novembre 2012, son réalisateur de manière à discuter de son premier long-métrage et d'en savoir un peu plus sur ses intentions.

DeVilDead : Vous vous occupez d'un magazine, The Lab, mais qu'est ce qui vous a amené à faire cela puis à réaliser un long-métrage ?

Jeremy Power Regimbal : J'ai commencé par faire des trucs dans le milieu du sport extrême comme des vidéos de skate-board ou de snow-board. Je travaillais surtout sur la partie sonore comme le mixage ou bien le montage. J'ai fait beaucoup de montage pour des clips musicaux et des publicités. J'ai alors commencé à faire mes propres courts métrages. J'ai rencontré Justin Close qui produisait des clips et des publicités pour les mêmes boîtes dans lesquels je travaillais. Et nous avons alors décidé de lancer, tous les deux, un magazine avec The Lab Media Group. Et la prochaine étape fut donc de faire IN THEIR SKIN.

Quand on s'intéresse à The Lab, on se rend compte qu'il y a une approche artistique très "mode", que ce soit dans les photos ou les sujets traités. Cela tranche radicalement avec le type de film auquel se rattache IN THEIR SKIN. Le film est joli d'un point de vue visuel mais il s'écarte radicalement de ce que vous faisiez avec The Lab. Pourquoi avoir choisi de faire ce type de film ?

Vous savez, pour être tout à fait honnête avec vous… C'était un premier film et nous voulions être sûrs… Vous savez, nous ne voulions pas que ce soit un autre film de type artistique qui ferait les festivals et disparaîtrait. Vendre le film nous permet d'en faire un autre ensuite. Donc, c'était la motivation originale. Mais je pense que nous sommes toujours sur une même ligne en faisant quelque chose dans lequel on croit avec une intégrité artistique mais aussi avec une approche un peu plus commerciale. Si vous faites un film que vous aimez et que personne ne va le voir, cela n'a aucun intérêt. (Rires)

On doit de toutes façons faire des choses plus commerciales de manière à pouvoir faire ce que l'on veut. Par exemple, j'ai vu que vous aviez travaillé sur AIR BUDDIES ou encore ROGUE…

(Rires) Oui, en effet, j'ai travaillé sur AIR BUDDIES en tant que technicien. J'ai du faire une journée dessus. A ce moment, je travaillais sur des tournages pour aider sur la lumière ou la caméra. Ce fut pareil pour ROGUE. Mais j'ai du seulement travailler une journée là dessus et c'était plutôt marrant. Mais j'imagine que cela provoque une certaine confusion de me voir crédité sur ce type de films...

AIR BUDDIES, The Lab, IN THEIR SKIN... Oui, cela décontenance un peu. Au même titre que dans votre film, on a un peu l'impression qu'au final, une catastrophe résout les problèmes d'un couple…

Je pense que l'idée est surtout d'explorer l'impact que peut avoir une catastrophe ou un événement horrible, la manière dont cela peut pousser les gens dans leurs derniers retranchements, de manière à mettre en perspective le passé. Mais je ne recommande cela à personne pour régler les problèmes de leur vie. Nous avons pas mal réfléchi sur la fin, nous l'avons changée plusieurs fois mais c'était celle qui nous semblait la meilleure. Car cela ramenait à ce que l'histoire était pour nous, à savoir le parcours d'une famille.

En tant que père d'une petite fille… Je ne sais pas si un événement de ce type me ferait oublier, en quelque sorte, un tel deuil puisque c'est apparemment le cœur du problème dans le couple du film au départ.

Oh, non, non !

C'est un peu ainsi que je l'ai perçu.

Ce n'était vraiment pas l'intention. Car ce n'est certainement pas quelque chose qui peut s'oublier. Mais c'est plutôt dans le sens où le couple a fait ses études, est tombé amoureux et s'est éloigné. Ce n'est donc pas lié au décès de leur fille mais ce qui leur arrive dans le film leur permet de se rappeler pourquoi ils s'aimaient. D'une manière horrifique, cela permet de se focaliser là dessus et de se souvenir pourquoi ils sont ensemble.

Du coup, on peut se demander si le problème est lié aux simples tracas d'une vie de couple ou plus spécifiquement à la culpabilité que porte les parents à propos de la mort de leur petite fille.

Je ne pense pas qu'on puisse résumer cela à un seul problème. Car, oui, il y a un sentiment de culpabilité mais c'est probablement aussi du au fait qu'ils étaient tellement occupés par leur travail qu'ils se sont éloignés l'un de l'autre.

Mais alors le décès de la petite fille n'est pas vraiment important et cela aurait marché aussi bien sans cela. Voire mieux, justement en prenant deux personnes ayant seulement des problèmes très communs de couple… Quelque chose qui arrive finalement à tout le monde, de s'éloigner un peu, d'avoir des problèmes de communication après un an, deux ans ou trois ans de vie commune…

Je ne sais pas, c'est difficile à dire. Ca reste du domaine de l'interprétation de chacun. Pour nous, c'était vraiment quelque chose que l'on voulait explorer. Il y a un film qui s'appelle RABBIT HOLE et cela va un peu dans le même sens de ce que nous voulions faire.

Etant donné que votre film est souvent vu comme un "Home Invasion", est ce que vous avez vu certains de ces films ? Sachant que cela s'avère quelque chose de très flou puisque l'on va par exemple de prises d'otages comme dans LA MAISON DES OTAGES à des choses radicalement très différentes comme JF PARTAGERAIT APPARTEMENT. Je me suis donc demandé si vous aviez été intéressé par cela…

Je ne me suis pas tellement intéressé aux films de la veine des "Home Invasion". Je suis davantage attiré par les films mystérieux et les thrillers. Mais je ne me suis pas tellement intéressé en particulier aux "Home Invasion". Je suis plus intéressé par des cinéastes plutôt que par un sous-genre. Comme David Fincher, par exemple. Mais je ne peux pas cacher, bien évidemment, que j'ai vu FUNNY GAMES ou encore HARRY, UN AMI QUI VOUS VEUT DU BIEN. Mais on ne s'est pas dit qu'on allait proposer quelque chose qui changerait ce sous-genre, on voulait simplement raconter une histoire dans laquelle on croyait.

En réalité, en voyant le film, on a plus l'impression qu'il s'agit d'une "Life Invasion" car les personnages ne s'introduisent pas seulement dans la demeure et cherchent à aller bien plus loin…

J'aime bien ça. "Life Invasion", je préfère ça ! Car au départ, nous n'avons jamais voulu nous placer dans le domaine du "Home Invasion" mais plutôt explorer la relation des personnages face à des situations difficiles. Mais je suis d'accord avec vous, c'est plus une intrusion dans la vie des gens. C'est effectivement plus lié à l'identité.

Dans le film, on pourrait être amené à croire que les gens qui ont peu d'éducation envient la vie de ceux qui ont un meilleur statut social. Cela peut être perçu de manière assez ambiguë.

Je ne pense pas que ce soit nécessairement le cas. En surface, c'est peut être vu ainsi mais le plus important, pour moi, c'est de déclarer que justement beaucoup de gens pensent cela alors que c'est une monumentale erreur. Car le personnage de Bobby cherche justement à atteindre le niveau supérieur, à atteindre une vie parfaite. Mais, à la fin, on se rend compte que la perfection n'existe pas. Personne n'est parfait. Tout le monde a des problèmes, même dans le cadre d'une riche famille.

Alors, justement, la perfection, c'est quelque chose qui est mise en avant par les magazines, par l'univers de la mode. En quelque sorte, votre magazine, The Lab, montre de belles images, parle de la mode et il participe au fait de nous exposer une certaine perfection…

Oui, c'est vrai. Moi, j'ai grandi au milieu de nulle part. Eloigné de tout cela, je veux dire les médias et le monde de la mode. Et c'est peut être pour cela que cela me fascine. Je pense que je vais continuer à explorer cette idée de savoir ce qu'il se passe lorsque l'on va trop loin dans ce sens. Peut être même explorer ce qu'il m'est arrivé dans ma propre vie. C'est pourquoi faire des films est captivant, entre autres choses, car c'est un peu une façon de réfléchir sur ce en quoi on s'intéresse et ce qui nous entoure.

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Dossier réalisé par
Emmanuel Denis, Xavier Desbarats, Christophe Lemonnier & Salomé Costa
Remerciements
Jeremy Power Regimbal, Blanche Aurore Duault, Nathalie Iund, Roxane de Quirini, Cyril Despontin ainsi qu'aux organisateurs et à tous les bénévoles du festival