5. Lundi 19 novembre
Après un week-end chargé, le PIFFF, Paris International Fantastic Film Festival, se calmait un peu pour la semaine. Ce qui n'était finalement pas une mauvaise idée pour ceux qui n'étaient pas en congé ou bien libre de leurs mouvements en journée. Du coup, le lundi 19 novembre, le festival ne proposait que deux projections à partir de 19h30, il était donc difficile de trouver une excuse pour ne pas être au rendez-vous ! C'est donc un nouveau film en compétition que nous avons pu découvrir avec IN THEIR SKIN. Si le titre ne vous dit rien, en fait, nous en avions déjà parlé après l'avoir vu au mois de mai dernier dans le cadre du Marché du Film à Cannes. Le film s'intitulait alors REPLICAS et c'est d'ailleurs toujours ce nom qui se trouve au générique de la copie projetée au PIFFF. Le métrage suit le parcours d'un couple et de leur enfant qui font la rencontre de voisins un peu envahissants. Le film aurait plutôt tendance à diviser, en tout cas au sein de notre équipe. Mais la première partie du film est plutôt bien vue, jouant avec le suspense de l'attente d'un inévitable pêtage de plomb. La suite se montrant un peu plus convenue et se terminant même sur un plan un poil gênant… Vous pouvez retrouver notre chronique datant du Marché du Film à Cannes ci-dessous...
En
deuxième partie de soirée, le PIFFF avait l'excellente idée de diffuser
un documentaire à propos de la transition entre la pellicule et le numérique.
SIDE BY SYDE nous emmenait donc dans un voyage entre l'éducatif très
simplifié et les interventions de grands noms du cinéma, réalisateurs évidemment
mais aussi les directeurs de la photographie. Le documentaire mettant en lumière
ceux qui sont plus souvent en train de la régler. Bizarrement, le film se
sert de Keanu Reeves
se mettant dans la peau d'un reporter interviewant les différents protagonistes.
Pourquoi pas, cela fonctionne par endroits mais certains passages sont assez
curieux comme lorsque le comédien s'esclaffe bruyamment à un bon mot de Martin
Scorsese, une mise en scène pas forcément à sa place au sein d'un documentaire.
A la limite, peu importe, SIDE BY SIDE permet à l'arrivée d'exposer
des faits et, en même temps, de soulever des interrogations qui resteront
un peu sans réponse. Ce qui s'avère normal puisqu'il n'existe pas de réelle
alternative à la révolution technologique et économique du cinéma. Certains
sont donc enthousiasmés, d'autres se plient à l'évolution en espérant ne pas
disparaître comme les dinosaures alors qu'une poignée de résistants affirment
qu'ils continueront de tourner sur pellicule tant que ce sera possible. Et
c'est là tout le véritable problème, la pellicule est vouée à disparaître…
Reste à savoir quand ! Toutefois, il faut être réaliste, le numérique a des
avantages et SIDE BY SIDE les explique clairement que ce soit au niveau
du montage, de la flexibilité, du prix ou encore de la fameuse 3D. Néanmoins,
on sera tout de même un peu surpris d'entendre un intervenant nous expliquer
que la 3D, c'est doubler les contraintes alors que les problèmes étaient certainement
bien plus importants dans les années 80 et encore bien plus lors de son émergence
durant les années 50. Car justement le relief s'avère bien plus facile à mettre
en œuvre de nos jours avec le numérique, que ce soit pour le tournage et la
post-production mais aussi la diffusion dans les salles. A l'arrivée, SIDE
BY SIDE est un documentaire étrange. Très intéressant mais aussi très
étrange ! En effet, il ne répond pas aux questions, se montre tellement neutre
qu'on passe d'intervenants louant des caméras numériques, comme dans une publicité,
à d'autres bien plus critiques. Des changements de tons qui peuvent surprendre
et qui laissent sur l'impression que nous sommes effectivement dans un monde
qui change, en bien et en mal, et on ne peut que constater qu'il faudra faire
avec et s'arranger au fur et à mesure… Outre le manque d'un véritable point
de vue du réalisateur, plutôt que mettre dos à dos les différents intervenants,
SIDE BY SIDE expose la création cinématographique comme une démarche
purement artistique. Cela peut sembler logique mais c'est sans doute oublier
que cette révolution numérique est en grande partie dictée par des notions
d'économie et de confort. Sans quoi, aujourd'hui, dans les salles de cinéma,
on verrait encore des films en 70mm, format de pellicule affichant une qualité
d'image époustouflante mais qui a totalement disparu de nos jours pour des
raisons de coût ! Enfin, SIDE BY SIDE survole un problème inattendu
au sein d'un tel documentaire. A savoir la consommation des films par les
spectateurs, le numérique permet aujourd'hui de regarder des oeuvres cinématographiques
un peu partout jusqu'à l'aberration d'un visionnage sur téléphone portable.
Et si l'aspect positif du numérique pour la diffusion en salles est évoqué,
le côté pernicieux du problème est totalement occulté. Car le numérique a
malheureusement aussi développé de manière exponentielle le piratage des oeuvres
cinématographiques (ou musicales). Une partie des spectateurs
découvre aujourd'hui des métrages compressés à la truelle sans trop se poser
de question, une diffusion parallèle qui touche inévitablement l'industrie
cinématographique et sa diffusion dans les salles. Cette nouvelle consommation
influe directement sur l'aspect magique d'une oeuvre cinématographique, de
plus en plus réduite à un programme jetable ou sur lequel on peut zapper.
Mais plus généralement, les problématiques soulevées par SIDE BY SIDE
ne sont en réalité qu'une petite partie de la violente révolution de notre
société actuelle par le numérique, que ce soit dans le domaine de la communication,
du divertissement ou bien du commerce et donc de l'économie. Du coup, on peut
difficilement voir dans SIDE BY SIDE une réussite, du moins
dans les intentions. Le documentaire se montrant bien trop léger dans
son aspect didactique à propos de la technique et bien trop confus dans
l'opposition des points de vue des intervenants ainsi que leur mise en valeur.
Mais ce qui s'avère au final le plus intéressant, c'est une tirade de David
Lynch évoquant la démocratisation des outils techniques pour en arriver
à un bilan évident, le numérique ne donnera pas du talent à ceux qui n'en
ont pas !
A noter que le documentaire nous était présenté dans sa version longue
puisqu'il sera aussi diffusé sous la forme d'un 56 minutes (au lieu de 98)
lors de ses passages télévisés.
Si le sujet vous intéresses, nous avions discuté l'année dernière avec Steve Johnson, un spécialiste des effets spéciaux ayant travaillé sur SOS FANTOMES, ABYSS ou encore SPIDER-MAN. Une discussion qui portait sur sa carrière et l'avènement du numérique au sein des effets spéciaux mais aussi sur les autres aspects du cinéma où l'on évoquait déjà plusieurs des problématiques exposées dans SIDE BY SIDE...