2. Cinerama : bande à part

Privé de vrai Cinerama, donc. Quelques morceaux dans la partie Best Of nommée «Cineramacana» où les participants ramènent quelques précieux morceaux de films ou des hommages sont projetés au gré des occasion. Ici, la nouvelle diffusion de la publicité Renault Dauphine, filmée en Cinerama à l'usines de Flins, notamment, sur la fabrication de cette voiture en 1959. Déjà diffusée il y a quelques années, l'objet n'en est toujours pas pour moins saisissant dans sa projection en 3 bandes.

Autre curiosité, et pour la première fois car retrouvé dans les archives Warner en 2002, un film annonce en Cinerama pour LA CONQUETE DE L'OUEST, avec les 7 pistes sonores retrouvées également pour l'occasion, vrombissantes le temps de mettre en avant les moments les plus spectaculaires du western mythique. Trop court, trop peu. A noter qu'il n'existe plus qu'un seule personne au monde capable de pouvoir traiter une piste sonore sur 7 canaux depuis que Chase s'est débarrassé du matériel adéquat. Il s'agit d'un passionné du Cinerama, l'australien John Mitchell,qui à force de collectionner et copies, a pu réaliser des duplications des pistes sonores magnétiques afin de les préserver. D'autant que les 7 canaux magnétiques originaux ont depuis longtemps été perdus ou ne sont plus utilisables.

Il aura fallu cette année se contenter des sauvetages/remastérisations 2K des deux derniers films en Cinerama restant de l'époque travelogue avec SEARCH FOR PARADISE et SEVEN WONDERS OF THE WORLD. là encore un travail de titan menée à la baguette par Dave Strohmaier, déjà responsable des digitalisations de THIS IS CINERAMA, CINERAMA HOLIDAY, WINDJAMMER (filmé lui en CineMiracle, pour mémoire) et SOUTH SEAS ADVENTURE.

Les festivités commencent avec LES SEPT MERVEILLES DU MONDE, où le voyage amène le spectateurs aux quatre coins du monde, à la recherche des nouvelles merveilles. Partant de la seule restant encore parmi nous, les pyramides de Gizeh, le film va s'ingénier à survoler les constructions humaines les plus gigantesques en passant par les vraies merveilles de la nature. Une spectaculaire vue aérienne des Chutes d'Iguazu ou celles de Victoria, probablement les plus belles jamais tournées. Saisissant de réalisme et de grandeur. le clou étant le plongeon de l'avion conduit par Paul Mantz au creux d'un volcan en éruption! L'aviateur Paul Mantz fut d'ailleurs le pilote officiel des caméras aériennes Cinerama durant toutes ces années, volant sous l'ensemble des ponts de New York et survolant les 4 quatre coins du monde. Il fut également responsable des plans aériens d'UN MONDE FOU FOU FOU.

Le négatif étant dans une état lamentable, David Strohmaier a indiqué qu'il ne put faire faire mieux avec la technologie actuelle, au regard de ce qu'il restait du film. Les parties filmées en Eastmancolor ont toutes viré au rose. Avec les morceaux retrouvés sur chaque bande gauche/centrale/droite et vu que les différentes images étaient de qualité différente : Il a fallu donc abaisser la qualité des meilleurs morceaux, pour mettre à niveau en fonction des scènes les plus détériorées. Puis de remonter les images synchronisées afin de pouvoir retrouver un niveau égal en terme de colorimétrie, contrastes, etc. La version est complète et malgré tout, on ne peut que le louer le travail technique expert opéré… mais si au final, projeté sur le grand écran incurvé spécial Cinerama du cinéma Pictureville, la projection numérique apparait quelque peu faible. Et forcément, sur une écran de cette taille - à moins d'une source d'au moins, allez, 16K et de projecteur dotés de lampes suffisamment puissantes, le niveau qualitatif attendu comme il fut le cas il y a près de 60 ans, ne sera jamais là. Il faut aussi préciser que le négatif original se trouva dans un état lamentable - donc la projection resta au stade d'honorable, nous ne pourrons hélas avoir guère mieux aujourd'hui.

Outre la maestria technique du film, LES SEPT MERVEILLES DU MONDE apparait comme le plus faible des Cinerama non narratifs. Cinq réalisateurs ont mis la main à la pâte, dont Tay Garnett, Ted Tezlaff ou Andrew Marton (QUAND LA TERRE S'ENTR'OUVRIRA). Plusieurs compositeurs se relient en fonction des segments. 106 minutes et un manque flagrant d'homogénéité, une voix off pompeuse plus qu'envahissante du producteur Lowell Thomas, et le film sombre dans un pensum religieux de la pire espèce. Un cinquième du film est dédié aux endroits où le Christ et sa famille ont séjourné. Les vues aériennes se succèdent mollement et on se rend compte que la voix nous raconte la Bible. Le mot Jesus est prononcé une douzaine de fois, des origines de l'ancien testament jusqu'à la Résurrection. Pour couronner le tout, le film file droit vers la Basilique Saint Pierre pour un rassemblement autour d'une apparition du sinistre Pape Pie XII qui s'est prêté au jeu pour l'occasion ! Procession d'entrées à la basilique, procession de sortie, beaucoup de monde et un élément comique d'une famille romaine typique qui manque le tout. Encore une louche ? OK : le film remet le couvert en suivant le pape jusqu'à sa demeure de Castelgandolfo - est-ce vraiment une des 7 merveilles du monde actuelles, franchement ?- pour une ovation générale, des scènes de liesse… et notre famille romaine qui finalement peut avoir sa ration de bénédiction. La coupe est pleine? Pas encore, car le final du film nous emmène vers les vraies merveilles du monde : les traditionnelles églises blanches méthodistes et les 7 enfants de la mère modèle américaine qui prépare le pique-nique dominical. le message est clair : on a beau vouloir trouver les 7 nouvelles merveilles du monde, elles sont juste sous notre nez, aux Etats-Unis. Une vision très américanisée du monde, à l'heure où le béton, le pétrole et l'acier étaient synonymes de progrès et surtout, de sentiment de domination du continent nord-américain - à la fois économique et spirituelle, sur le reste du monde. Mais surtout, une bonne famille avec chacun à sa place. Un bon matriarcat de base que James Cameron n'eut pas renié.

SEARCH FOR PARADISE

Hormis le film rejeté en 2K Via le procédé Smilebox, le festival offrit la projection d'un documentaire de 30 mn par David Coles sur l'élaboration de SEARCH FOR PARADISE. Ce qui fut à la fois amusant et illuminant pour la compréhension de mise en branle d'un tel projet. Même si ce documentaire ne fût pas d'un professionnalisme aigu, le fruit d'un passionné du Cinerama est toujours plus impliquant. Un vrai travail de fourmi, pour la moindre photo de tournage, le moindre article, la plus infime image pour ce qui fut le film ayant rencontré le moins de succès au monde. Drôle, incisif, doté de précieuses informations sur le tournage et l'exploiTation, le fanwork permet une mise en perspective insoupçonnée.

SEARCH FOR PARADISE ne tint qu'à peine 36 semaines d'exploitation à New York, plus de la moitié moins que LES SEPT MERVEILLES DU MONDE. Pourtant, le tournage probablement le plus complexe du lot. Tout en sachant que le film n'avait strictement aucun scénario à la base, et qu'il fut pleinement élaboré à partir des rushes tournés par Otto Lang. Le réalisateur était par ailleurs un ancien skieur autrichien, venu à Hollywood pour tourner des séquences de ski, notamment dans TU SERAS MON MARI, une romance montagnarde avec Sonja Henie de 1941. Producteur de quelques films à succès, comme FIVE FINGERS, Otto Lang fut engagé après son départ de la Fox en 1956 pour tourner donc SEARCH FOR PARADISE.

Hormis le fil conducteur menant à l'actuel couronnement du roi du Népal en mai 1956, le film fut tristement célèbre pour sa scène à couper le souffle sur l'Indus. Elle se termina par le renversement du bateau et la mort d'un des acteurs, James Parker, noyé corps et biens en même temps que la caméra n°5. Revoir ce moment mélange inévitablement un sentiment de grandeur, la mâchoire à demie-ouverte de par la violente beauté du moment et la mort qui hante les images.

A noter enfin que David Strohmaier annonça la sortie en Blu Ray (et combo DVD) de ces deux rescapés cineramesques cet automne via l'éditeur Flickr Alley. SEVEN WONDERS OF THE WORLD sera en format 2.89:1 incurvé via le procédé SmileBox - tout comme SEARCH FOR PARADISE. Un documentaire de 30 minutes a été prévu pour l'occasion sur les compositeurs embauchés par Cinerama Corp, adjoint à la 1ere mondiale à New York, une galerie de photos et le film annonce. On y reviendra en temps voulu.

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Dossier réalisé par
Francis Barbier