L'énigme du Rieur, un hacker exceptionnellement brillant mais très dangereux, continue de donner du fil à retordre à la Section 9, un organisme cyberpolicier souterrain. Tandis que la population se prend de passion pour le criminel, le major Kusanagi et ses hommes remontent peu à peu sa trace, mettant à jour plus de questions que de réponses.
Après un démarrage un peu trop mou et trop collé à l'inspiration des films de cinéma sans en égaler les enjeux, la deuxième salve d'épisodes nous avaient rassurée quant à la direction de la série. Plus d'action, plus de folie tout en restant cohérent avec l'univers de GHOST IN THE SHELL, STAND ALONE COMPLEX parvenait à se dégager une identité propre tout en honorant son contrat de programme de télévision (s'autorisant à l'occasion quelques incartades plutôt osées pour son médium). La vision des quatre prochains épisodes issus de ce Volume 3 permet d'asseoir encore un peu plus la qualité de la série en utilisant cette fois une tonalité très sombre et parfois déconcertante.
Les longues séquences dialoguées n'étant pas véritablement le point fort du programme (l'écriture étant un peu trop fade et impersonnelle), nous avons l'étrange surprise de découvrir en ouverture de ce Volume 3 un segment entièrement basé sur le texte. Les personnages principaux y sont d'ailleurs congédiés, ces derniers n'apparaissant que quelques minutes avant le générique de fin. Le principe de cet épisode est de figurer un forum de discussion internet en représentant les intervenants assis à une table virtuelle et échangeant leurs opinions de vive voix. L'ensemble de la discussion s'axe bien évidemment sur le Rieur et revient, images d'archives à l'appui, sur les différents méfaits opérés par le mystérieux criminel depuis le début de la série (nous donnant parfois un autre point de vue sur des évènements déjà vus).
Le but de l'épisode est de nous englober encore une fois dans le mystère du Rieur en nous pointant des subtilités ou des détails qui auraient pu nous échapper jusqu'alors. Série télé oblige, les semblants d'ébauches de réponses amènent des wagons de nouvelles questions. En nous montrant la population se passionner pour ce personnage de hacker et son mystérieux logo, la série nous suggère l'idée d'un culte bouillonnant autour du personnage. Cela aura-t'il des conséquences sur la narration future ? De même, cet épisode insiste grandement sur un nouveau personnage tandis que ce dernier ne nous est pas clairement présenté…
S'il ne manque pas d'intérêt, cet épisode demande un certain enthousiasme pour ne pas sombrer dans l'ennui face à un flot quasi-ininterrompu de dialogues. De l'aveu du réalisateur Kenji Kamiyama, le but est ici d'insérer le maximum de textes dans le temps autorisé par le format du programme. En résulte une logorrhée d'une vingtaine de minutes non-stop, à éviter les jours de grosse fatigue. Heureusement, le deuxième épisode "Complex" de ce Volume 3 (en troisième position sur le disque) vient poursuivre l'affaire du Rieur d'une manière plus trépidante.
Ce segment se focalise sur Togusa, le seul individu de la Section 9 à ne pas être amélioré artificiellement. Ce dernier va enquêter sous couverture en se faisant embaucher dans un centre d'aide social gouvernemental, source théorique d'un complexe piratage. Sur place, Togusa s'aperçoit que le centre stimule les fonctions intellectuelles et motrices d'enfants autistes en les entraînant massivement à la création et au désamorçage de barrières informatiques de sécurité. Curieux épisode que celui-ci. Nous sommes d'une part étonné qu'une série de divertissement utilise le thème des enfants handicapés, et d'autre part surpris de ce traitement cotonneux de l'action. Avec l'impossibilité de succomber aux délires physiques opérés par le cyborg Kusanagi avec Togusa l'humain, le segment utilise l'étrange et le doute comme moteur narratif de sa mini-histoire. Le résultat, très réussi, se suit avec beaucoup d'intérêt. A noter que cet épisode ne fut jamais diffusée sur la télévision hertzienne, suite à son contenu «subversif» quant aux enfants handicapés.
Les deux épisodes "Stand Alone" du Volume 3 sont tout autant surprenants. Un tueur en série écorche ses victimes et enregistre ses meurtres (grâce à ses yeux caméras) sur des supports qu'il laisse soigneusement sur les lieux du crime. La Section 9 va s'occuper de sa traque dans la mesure où ce tueur est un ancien mercenaire, compagnon de guerre de Batou dans un passé qui ne cesse de hanter ce dernier. Petit chef d'œuvre en soit, ce segment est d'une crudité et d'un glauque qui laissent pantois pour un produit télévisé (la chaîne Nippon TV refusera d'ailleurs de le diffuser). On pense à des films tels que MANIAC de William Lustig ou HENRY, PORTRAIT D'UN SERIAL KILLER de John McNaughton dans la description minutieuse et putride de ce tueur fou. Quant au déroulement des meurtres, dont le point de vue du meurtrier est envoyé par réseau à la victime (cette dernière se voyait mourir via les yeux de son bourreau), on pense à STRANGE DAYS de Kathryn Bigelow et même à LA CITE DES ENFANTS PERDUS de Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet (qui mettait en scène une séquence similaire).
Présenté d'ordinaire comme un bon bougre, bourrin et débonnaire, Batou est renvoyé ici à la douloureuse introspection que lui offrait INNOCENCE, la séquelle cinéma de GHOST IN THE SHELL. La folie tente même de s'emparer de son personnage tout au long de cet épisode alternant cruauté, sadisme de guerre, ainsi qu'une certaine poésie morbide. Inutile de dire que ces vingt minutes très intenses constituent ce que la série nous a offert de mieux jusqu'à présent, même si l'ambiance de l'ensemble risque de mettre mal à l'aise certains.
Deuxième "Stand Alone" et dernier épisode à se mettre sous la dent pour ce troisième volume, un nouveau segment conçu en deux parties sans aucun rapport ou presque. Toujours dans cette idée de délaisser l'héroïne cyborg au profit des personnages secondaires, cette histoire met en vedette un Tachikoma (un tank arachnide) fuguant en centre-ville. Le robot fait alors la connaissance d'une petite fille à la recherche de son chien perdu. Commençant comme un intermède léger et enfantin, l'épisode s'enfonce dans la mélancolie et se teinte d'une tristesse pudique, le moment clef étant cet échange sur le concept de la mort entre le tank et la fillette perchée sur sa carapace.
La deuxième partie de cette histoire fait enfin appel au Major Kusanagi via l'exploration d'un cyber-cerveau particulier : celui d'un réalisateur ayant hacké des consciences humaines pour se constituer un public permanent de spectateurs. Véritable mini-sketch en soi, cette péripétie est une parenthèse agréable bien que mineure compte tenu de ce qui l'a précédé. Ce Volume 3 améliore encore donc la série grâce à sa liberté d'écriture et à son audace. Ca y est, nous sommes accros…
Aussi soigné que ces aînés, le Volume 3 offre une qualité d'image et de sons (en multicanal) optimale. Proposant une liste conséquente de bonus, il faut bien avouer que ces derniers varient peu d'un disque à l'autre. Nous nous attarderons donc sur les deux nouvelles featurettes de l'édition : une présentation de Kazuhiro Wakabayashi (ingénieur du son) et de Akio Otsuka (comédien doublant le personnage de Batou). Intéressant pour les fans, il faut reconnaitre que la qualité des interventions n'égale pas par exemple les paroles de Yoko Kanno (compositeur de la série) entendues sur le Volume 2.
GHOST IN THE SHELL STAND ALONE COMPLEX poursuit son envol qualitatif avec ce Volume 3. Etranges, mélancoliques et parfois très sombres, ces nouveaux épisodes surprennent autant qu'ils rassurent pour la suite.