En 2030, hommes et machines se confondent littéralement. Les avancées de la bio-cybernétique et la généralisation des réseaux reliant directement les cerveaux permettent cependant des opérations de piratage d'envergure. Une unité de police confidentielle est ainsi spécifiquement associée à tout crime lié à la cybernétique. Dirigée par une femme cyborg, le major Kusanagi, secondée par des humains plus ou moins améliorés artificiellement, la «Section 9» traque les hackers et les robots défaillants, jusqu'à se retrouver parfois au cœur de complexes énigmes politiques.
Si l'univers de GHOST IN THE SHELL est aujourd'hui mondialement connu grâce au film d'animation de Mamoru Oshii, il faut rappeler qu'il est initialement l'œuvre du mangaka Masamune Shirow. Superstar de la bande dessinée japonaise, auteur au mystère savamment entretenu (il n'apparaît nulle part et ne s'est jamais laissé photographié), Shirow commence sa carrière peu prolifique (pour un mangaka) avec la série Appleseed. On lui devra entre autre Dominion (adapté en animation sous le titre DOMINION TANK POLICE), Orion et bien entendu Ghost in the Shell, que Shirow développe sous deux volumes en 1990 (il signera plus de dix ans plus tard une suite graphique, Manmachine Interface).
C'est en 1995 que Mamoru Oshii s'empare de l'œuvre de Shirow pour livrer avec GHOST IN THE SHELL l'un des chefs d'œuvres du cinéma d'animation et de science fiction. Bien que fidèle par l'esprit à la bande dessinée originale, le film doit tout autant aux ambitions artistiques de Oshii. Ce dernier gomme ainsi des pans entiers du manga, supprimant les fameux Fujikomas (les tanks arachnides qui seront en outre les vedettes des adaptations en jeux vidéos du titre) ou encore les allusions trop sexy du manga. Oshii dégraisse de plus le récit de la majorité de son action pour placer le film dans un état de doute introspectif, que la formidable partition de Kenji Kawai fera toucher au sublime.
Avec le temps, GHOST IN THE SHELL est devenu un titre fort, une véritable licence commerciale (avec de nombreux produits dérivés, jeux vidéos, figurines). En amont de la mise en chantier de GHOST IN THE SHELL : INNOCENCE toujours de Mamoru Oshii (une suite cinématographique qui s'éloigne d'ailleurs radicalement de Manmachine Interface de Shirow), GHOST IN THE SHELL : STAND ALONE COMPLEX fait figure de rip-off en atterrissant sur les écrans de télévision nippons pour une série de 26 épisodes d'une vingtaine de minutes chacun.
Conçu par Production IG (JIN-ROH, BLOOD THE LAST VAMPIRE, GHOST IN THE SHELL : INNOCENCE ou encore la séquence animé de KILL BILL de Quentin Tarantino), GHOST IN THE SHELL : STAND ALONE COMPLEX justifie son existence en désirant se rapprocher de l'œuvre de Masamune Shirow. Oshii ne participe évidemment pas à cette série, et c'est le jeune Kenji Kamiyama (animateur sur les autres films de la maison, scénariste sur BLOOD THE LAST VAMPIRE) qui tient les rennes de la réalisation. Pour remplacer Kenji Kawai au poste de compositeur, la série mise sur une autre valeur sûr en la personne de Yoko Kanno (COWBOY BEBOP).
L'architecture de la série est donnée dans le titre puisque cette dernière s'organise sur l'alternance d'épisodes individuels (les «Stand Alone») et d'épisodes alimentant une trame à suivre tout au long de la saison (les «Complex»). Bizarrement, il faudra attendre le quatrième épisode pour tomber sur un "Complex", tandis que l'usage tend à poser les bases de l'intrigue principale dès le pilote : une prise d'otages par des robots geishas aux revendications louches, un tank ultra puissant qui décide subitement d'agir de son propre chef, une vague de suicide inexpliquée chez un modèle d'androïde féminin, et enfin l'apparition d'un hacker surnommé «le rieur» qui deviendra à n'en point douter le Puppet Master de cette série.
GHOST IN THE SHELL : STAND ALONE COMPLEX reprend les personnages du film tout en se situant dans une chronologie parallèle où la Section 9 n'aurait jamais croisée la route du Puppet Master. Les Fuchikomas sont réintroduits dans la série, et deviennent pour l'occasion des Tachikomas. Les incartades introspectives sur la place de la conscience, mamelles du film d'Oshii, sont toujours présentes mais à une place subalterne. Ces dernières forment souvent la base des intrigues mais ne constituent en aucun cas matière à réflexions ou à projections émotionnelles. Là où Oshii transformait un thriller d'action en crise existentielle, GHOST IN THE SHELL : STAND ALONE COMPLEX tente l'inverse en injectant de la bravoure à tout prix dans des récits techno-humanistes.
GHOST IN THE SHELL : STAND ALONE COMPLEX est une série de qualité si l'on s'en tient au strict aspect artistique. Passé un superbe générique en images de synthèses (sur une pièce musicale de Yoko Kanno chantée en russe, latin et anglais), le spectateur retrouvera vite ses marques avec un design des personnages qui n'a pas beaucoup bougé par rapport au film d'Oshii (mis à part les accoutrements sexy de Kusanagi, repris du manga). L'animation est soignée, les environnements variés et le rendu visuel parfaitement travaillé. Si beaucoup ne manqueront pas de tiquer en comparant cette série avec GHOST IN THE SHELL : INNOCENCE, n'oublions pas de préciser que GHOST IN THE SHELL : STAND ALONE COMPLEX est un produit à destination de la télévision, avec les restrictions budgétaires que cela implique.
C'est sur le contenu narratif que GHOST IN THE SHELL : STAND ALONE COMPLEX laisse perplexe. Lents et très peu denses, les épisodes ont du mal à accrocher suffisamment le spectateur. La série ne pouvant se reposer sur la même profondeur que le film, en résulte un démarrage timide et peu spectaculaire. GHOST IN THE SHELL : STAND ALONE COMPLEX a beau reprendre le début de PATLABOR 2 au détour d'un épisode, ou encore citer Godard au détour d'un autre, la mayonnaise reste bien conventionnelle. Heureusement, la continuité de la série s'améliorera par la suite grâce notamment aux épisodes "Complex", dont l'intrigue nous est pour l'instant à peine effleurée. Reste une petite surprise à la fin de chaque segment : une mini-série épurée et complètement délirante mettant en scène les Tachikomas, exclusivement produite pour l'édition DVD de GHOST IN THE SHELL : STAND ALONE COMPLEX.
Comptant 26 épisodes, GHOST IN THE SHELL : STAND ALONE COMPLEX sera édité via sept DVDs. Ce premier volume regroupant les quatre premiers segments est d'une qualité technique idéale. Aucun défaut d'image ou de compression est à noter. Certes destinée en premier lieu pour la télévision, la série propose pourtant des pistes en 5.1 détonantes en japonais, en français et en anglais.
Conscient de l'importance du titre, et histoire de justifier l'absence d'un coffret intégral, l'éditeur fait un effort sur les suppléments et les goodies. Une série de courts documentaires nous proposent ainsi de faire connaissance avec les créateurs de GHOST IN THE SHELL : STAND ALONE COMPLEX. Pour ce premier volume, ces featurettes s'attardent sur Kenji Kamiyama (le réalisateur) ainsi que sur Atsuko Tanaka (la comédienne doublant le personnage principal) pour une dizaine de minutes objectivement assez peu passionnantes. Reste une foule de notes de production très bien documentées, une multitude de bandes-annonces cachées aux quatre coins des menus et quelques gadgets comme une jaquette réversible ainsi que des cartes d'identités plastifiées à collectionner. A noter la présence de bonus cachés, dont un générique constitué d'images de la série qui fut utilisé au lancement du programme pour combler un retard de production du générique définitif.
Série télé fort attendue de tous les fans de science-fiction introspective, GHOST IN THE SHELL : STAND ALONE COMPLEX déçoit lors de son démarrage. A la fois trop lente et trop clinique, la série récupère les défauts des films de cinéma sans en retrouver la dimension émotionnelle et philosophique. Un constat provisoire et à revoir cependant lors de la vision des épisodes suivants, la série ayant finalement rencontré le succès à mi-parcours. Une nouvelle saison de 26 épisodes est d'ailleurs en production, avec la participation de Mamoru Oshii en gage de qualité.