Une tueuse professionnelle, membre des vipères assassines, est inexplicablement assassinée par son chef Bill et ses mercenaires en pleine cérémonie de mariage. A l'initiative de l'exécution, Bill donne le coup fatal malgré le fait que la mariée porte dans son ventre son enfant. Contre toute attente, cette dernière survit et se réveille même en pleine forme après des années de coma. Pour se venger et venger la mort de son enfant, la mariée va se mettre en quête de ses assassins.
On pensait la mode Tarantinesque épuisée après le semi-échec public du pourtant réussi JACKIE BROWN et l'annulation systématique des projets annoncés par l'ancien prodige du cinéma indépendant. Après un (quasi) silence radio long de près six ans, QT (comme disent certains) nous revient avec ce KILL BILL, une œuvre voulue à la hauteur de l'attente. Toujours aussi roublard, le bonhomme désigne KILL BILL comme étant son quatrième film (voir le générique), omettant de ce fait son médiocre (vrai) premier effort MY BEST FRIEND'S BIRTHDAY ou encore se dédouanant de son sketch dans l'embarrassant FOUR ROOMS.
Cinéphile compulsif, Tarantino avait pourtant essayé de limiter les références sur JACKIE BROWN pour tenter de s'imposer avec un polar original bien que prenant fortement racine dans la vague de la Blaxploitation des 70's. Cette tentative courageuse n'ayant pas été reçue à sa juste valeur, c'est un véritable retour aux sources qu'opère Tarantino avec KILL BILL, comprenez par là que le cinéaste ouvre ici grand les vannes de sa culture bis pour composer avec ce nouveau film une véritable mosaïque d'influences piquées en long, en large et en travers au film de genre et d'exploitation.
La trame volontairement simpliste (ce qui n'est pas nécessairement un défaut) est à chercher du côté des «rape and revenge», ces films où l'héroïne se retourne contre ses violeurs / agresseurs pour une vengeance à ne pas piquer des hannetons. KILL BILL évite pourtant le côté glauque de ce genre d'histoire en composant un univers tourné sur son propre médium. Le métrage s'ouvre sur le logo de la Shaw Brothers avant de nous présenter un carton psychédélique nous préparant à visionner «le grand film de la soirée» comme il y a 30 ans. A l'intérieur du film, Tarantino fait volontairement usage de vieux trucages peu discrets (les fils suspendant la maquette d'un avion) ou encore ose des changement de décors radicaux (voir l'arrivée dans le jardin japonais enneigé du «final») pour le plaisir de nous montrer les ficelles du cinéma. En ce sens, KILL BILL est un film sur les films, ce qui justifie de ce fait le collage qu'effectue Tarantino sur ce titre.
En première ligne de la moulinette à influences, nous trouvons pèle mêle le chambara, le film de yakuza, le cinéma chinois d'arts martiaux, le western européen, la japanimation, Meiko Kaji et les LADY SNOWBLOOD, L'HIRONDELLE D'OR, John Woo, Bruce Lee, Brian de Palma, Kinji Fukasaku, la guillotine volante de Wang Yu, les débordements gores à la Takashi Miike… Il serait fastidieux de tout vouloir noter ! Que les choses soient claires, il n'y a absolument RIEN qui puisse être considéré comme original dans KILL BILL. Replaçons de ce fait Tarantino dans son contexte : ce n'est pas un cinéaste de la création mais de la re-création (ou du remake) sauvé par un exceptionnel don d'écriture dès lors qu'il s'agit de rendre homogènes des éléments a priori antinomiques. L'aura de «génie» dont jouit le cinéaste auprès de certains spectateurs peu au fait de ses références peut ainsi rapidement agacer.
KILL BILL est donc un festival parfois brillant de scènes sorties tout droit d'un grand zapping cinéphile. Tarantino se fait visiblement plaisir et enchaîne les séquences fédératrices (l'amusante rééducation express de la Mariée) et parfois culottées (voir la jeunesse de l'un des personnages racontée sous la forme d'un dessin animé concocté par Production IG, le studio derrière GHOST IN THE SHELL ou BLOOD THE LAST VAMPIRE). Bien que la narration soit toujours (des)organisée en chapitres, QT délaisse son fond de commerce à base de dialogues absurdes montés en épingle pour se consacrer sur l'action. Une initiative étonnante compte tenu du fait que le cinéaste avait jusqu'alors justement cherché à l'éviter frontalement.
Dans le rôle de la Mariée (son vrai nom est bipé en guise de gimmick), Uma Thurman livre une performance admirable en tenant véritablement le film sur ses épaules. L'actrice s'est longuement entraînée au maniement du sabre, aux arts martiaux et s'est même initiée au japonais pour le rôle. Sa crédibilité est donc totale, quelque soit la séquence. Au rayon adversaires, le film est centré sur O-Ren Ishii, une japano-sino-américaine à la tête de la pègre de Tokyo. Interprété par Lucy Liu, le personnage se veut comme une incarnation moderne de Meiko Kaji (ELLE S'APPELLAIT SCORPION, LADY SNOWBLOOD) sans pour autant en trouver ni la force ni la grâce. Comme à son habitude, Tarantino boucle son casting avec sa sempiternelle frénésie référentielle. Nous retrouvons ainsi (pour notre plus grand plaisir d'ailleurs), et entre autre, Sonny Chiba (star de l'action japonaise), Liu Chia Hui alias Gordon Liu (LA 36e CHAMBRE DE SHAOLIN), Chiaki Kuriyama (BATTLE ROYALE, le méconnu SHIKOKU), Jun Kunimura (A TOUTE EPREUVE, ICHI THE KILLER), et même Kenji Oba (à jamais immortalisé par son rôle titre dans X-OR).
Nous ne faisons volontairement pas mention de Michael Madsen ou de David Carradine ici puisque que ces derniers sont à peine visibles dans KILL BILL. Ou devrait-on dire KILL BILL VOLUME 1. Ce n'est plus un secret pour personne, le projet KILL BILL a été coupé en deux pour une exploitation séparée. Contrairement à MATRIX ou LE SEIGNEUR DES ANNEAUX, cette césure n'a pas été prévue à l'écriture (quoiqu'en dise maintenant Tarantino). A l'heure où vous vous procurerez le VOLUME 1 en DVD, le VOLUME 2 sortira sur les écrans français. Pour voir ce «quatrième» film de Tarantino, il vous faudra donc payer deux fois votre place au cinéma, et deux éditions si vous voulez archiver le film complet chez vous en DVD. Un plan marketing limite malhonnête qui a malgré tout donné certaines libertés au cinéaste (sur la durée totale des métrages ou encore sur la violence de l'ensemble).
Il est donc beaucoup trop tôt pour visionner KILL BILL dans des conditions correctes (c'est à dire d'une traite ou sur un même support). Si l'on s'arrête à ce VOLUME 1, nous nous trouvons juste devant une moitié de film dont l'intérêt tombe comme un soufflé dès lors qu'il est privé de sa continuité directe. On a parfois l'impression désagréable de visionner à l'intérieur du film des scènes qui auraient dû être coupées (notamment les séquences avec Sonny Chiba) histoire de rallonger artificiellement la sauce. Pour couronner le tout, ce VOLUME 1 est censuré puisque le film entre autres passe au monochrome dans sa grande scène de furie gore. L'impact de l'ensemble s'en trouve considérablement réduit, ce qui fait retomber la promesse de Tarantino de nous offrir «l'une des plus grandes scènes d'action jamais filmées» (seuls les japonais, pour l'instant, ont le droit de visionner la séquence en couleur).
Avant de conclure à l'échec, c'est au cinéma qu'il va falloir faire un détour pour visionner le VOLUME 2 qui, très honnêtement, redonne tout son sens au projet. La «suite» de KILL BILL confie enfin la première place à ses personnages et non aux références de son auteur. Le film prend alors une épaisseur considérable, et ces mêmes références n'en deviennent plus autosuffisantes mais participent bel et bien à un réel hommage au cinéma de genre. Nous n'en dirons pas forcément plus maintenant (on s'en garde pour les prochaines critiques liées aux futurs éditions DVD du film), mais pourvu que l'on visionne les deux parties de KILL BILL et qu'on les joignent mentalement, l'expérience vaut vraiment le détour. Dommage maintenant que la qualité de perception du film soit ainsi sacrifiée au profit d'un implacable plan commercial.
KILL BILL VOLUME 1 arrive dans une édition DVD au contenu des plus maigrichons, ce qui prouve si besoin en était que cette sortie est provisoire. Heureusement, le film (ou plutôt cette moitié de film) est techniquement impeccable. Pas un seul défaut d'image n'est à déplorer, quant aux pistes son, elles sont d'une excellente dynamique (mention spéciale à la piste DTS).
L'éditeur adjoint un deuxième disque dédié aux suppléments et l'on se demande bien pourquoi, puisque la durée totale de ces bonus n'excède pas la demi-heure. Une featurette d'une vingtaine de minutes fait office de Making Of. Que l'on aime ou pas le personnage, il faut reconnaître que la gouaille de Tarantino fait passer le temps à vitesse grand V. Le document alterne interviews et images de tournage, et nous présente à quelques reprises des extraits des influences majeures utilisées dans ce VOLUME 1. Intéressant certes, mais un peu léger tout de même.
Si vous aimez la Surf Music chantée en japonais, vous serez comblés par le mini-set des filles de The 5, 6, 7, 8's (présent dans le film, ce petit concert est remonté pour se centraliser uniquement sur le groupe). Une galerie photo, une bande-annonce et un bonus caché sans grand intérêt achèvent promptement la section. Ah oui, on allait oublier, le teaser du VOLUME 2 est aussi de la partie pour vous rappeler d'aller le voir sur les écrans de cinéma.
On ne peut que déplorer cette exploitation morcelée et hyper commerciale de KILL BILL, puisque dans l'état, la vision de ce VOLUME 1 ne donne nullement la vraie dimension du projet de Tarantino. Pas de panique cependant, le spectateur aura tout le loisir de (re)forger son avis avec notamment, on l'imagine déjà, la sortie en DVD du VOLUME 2, puis du VOLUME 1 + 2 remontés en un film mais toujours censurés, puis du VOLUME 1 + 2 remontés en un film et non censurés. Hallucinant !