4. Interview : The Hunters
Francis Barbier : Vous revenez au film de genre après LES DEMONS DU MAIS 2 ?
Terence Knox : Mon dieu, vous vous souvenez de ça ?
Oui, le film a gardé une certaine réputation auprès de certains amateurs. En tous cas je l'aime bien. Tout comme BREAKFAST ON PLUTO pour Steve. Comment avez-vous été impliqué dans le film ? Steve, vous êtes anglais et vous Terence, américain…
Terence Knox : Laissez-moi vous dire comment les choses se passent. Votre agent vous appelle, on vous envoie le script. En fait, ce n'est pas du tout comment les gens s'imaginent, que nous avons le choix entre des scripts. Nous n'avons pas beaucoup de choix. Ensuite, c'est le processus du casting. J'ai fait une démo. En fait, on vous appelle pour un boulot, vous y allez. Et puis à la lecture, c'est un scénario assez intelligent et j'ai tout de suite été attiré par le ton.
Alors vous avez lu le script et accepté sur le champ ?
Steve Waddington : c'est une sorte de "blind date". En tant qu'acteur, tu passes ton temps à dire "désirez-moi, désirez-moi, s'il vous plait, désirez-moi". Quand on te dit, "vous aimez ce script ?", tu ne peux pas dire non au film. Tu es surpris que quelqu'un veuille te désirer. Et si tu tombes sur une pépite, c'est encore mieux. Et pour THE HUNTERS, c'est mieux qu'on ne l'imaginait. C'est réel. Et quand tu vois le film sur grand écran, tu te dis "merde… c'est réel et c'est bien".
C'est vrai qu'on a le sentiment que vous avez un choix. Là, c'est plus qu'un choix. Se déplacer des Etats-Unis à la Grande Bretagne pour venir tourner en France.
Terence Knox : En fait, quand j'ai appris que j'allais venir en France, je me suis dit "OUI ! JE VAIS EN FRANCE !" (rires). En fait, je ne me suis pas posé plus de question que cela. J'ai juste pris le job car le scénario m'a plu.
Une des choses que j'ai apprécié dans le film, c'est l' amitié entre votre personnage de Ronny et celui d'Oliver qui semble indéfectible.
Steve Waddington : Je pense que cette relation est une base du film. Que leur dynamique apporte un certain équilibre.
Steve, vous avez un rôle-clé : celui d'un professeur supposé éduquer les ados, mais on voit que vous êtes en train de dévisser et de faire l'opposé de ce que votre métier demande de faire.
Steve Waddington : J'ai essayé de montrer l'ambiguïté, la montée de la tension dans la salle de classe. Quel est son voyage à travers la perte de ses repères et ce qui le précipite dans sa part d'ombre. Mais également dans la dynamique qu'il possède avec Oliver C'est vraiment une très belle amitié. Ils sont tous les deux dans des voies sans issue dans leur vie, mais Olivier est plus un suiveur. Mon personnage est plus la voix qui porte. C'est ce que j'ai essayé de jouer au mieux.
Terence, à un moment dans le film, il y a une ligne de dialogue où vous dites que votre job de commissaire est de dealer avec des animaux.
Terence Knox : Il y a beaucoup de mal, de confusion autour de sa vie. Mais c'est en rapport avec ce qu'on vit au quotidien. Ca me rappelle une anecdote dans l'endroit ou je vis. j'ai été fouillé une dizaine de fois par des flics en allant chez moi. Et ils me disaient "vous êtes dans le cinéma, ou quoi? Mais Qu'est ce que vous faites par ici ?" Et je leur répondais : "non, je vis ici". En fait, ils étaient à la recherche d'un suspect pour un type qui venait de se faire tirer dessus, et visiblement, ce gars me ressemblait. On m'a amené au commissariat et je leur ai dit "il ne serait pas plus simple d'avoir avec vous une photo du suspect ?". Voilà, c'est ce type de situation réaliste auquel mon personnage est confronté.
Mais ne pensez-vous pas que c'était exagéré de faire non seulement de votre personnage un membre à part entière du groupe mais jusqu'à violer des cadavres et pire encore ?
Terence Knox : Ecoute… je ne sais pas comment répondre à ça ! (rires)
Je pense que ça n'était pas vraiment nécessaire à ce point du film.
Steve Waddington : Tu penses alors que le chef faisant déjà partie du groupe, qu'il fasse en plus ces choses sadiques, c'était en trop ?
De mon point de vue, oui. Ce que font les personnages, c'est déjà impensable. Des chasseurs poursuivant des humains pour se persuader qu'ils sont encore de vrais hommes. Mais jusqu'à violer des cadavres et infliger des tortures sadiques… il me semble que le film avait déjà fait son point. Mais attention, ne vous méprenez pas : je n'ai rien contre voir des choses horribles dans un film d'horreur. Mais dans la logique suivie par ce film-là, c'était assez.
Steve Waddington : Intéressant… Je pense en fait qu'il s'agissait plus qu'un mécanisme destiné à créer un schisme dans le groupe. Une partie du groupe est dégoûté de ce que le chef fait.
Terence Knox : Je peux concevoir, peut-être malheureusement, que c'est exagéré. Mais je n'ai aucun problème pour jouer cela. Mais c'est surtout le fait de me juger à l'intérieur du groupe qui rend ma position inconfortable, alors que nous sommes supposés avoir tous un lien. Mais il est vrai que tu désapprouves cela dans le film.
Steve Waddington : Oui, mais comme je l'ai dit, c'est plus un mécanisme narratif. Mais tu as raison, c'était un poil exagéré !
Une sorte de rituel, somme toute…
Terence Knox : Absolument.
Comme vous vous joignez à nous, Jay Brown, j'ai justement une question. On ne sait pas grand-chose de Stephen dans son quotidien. On voit assez peu son présent, ses motivations pour avoir intégré le groupe de chasseurs.
Jay Brown : C'est vrai, mais on voit une scène particulière dans le restaurant où Olivier (Tony Becker) vient déjeuner ; c'est un serveur qui est rabaissé par son patron. Mais l'important est de constater le lien qui existe entre Oliver et Stephen, une sorte de relation père/fils. Qui se constate également lors des scènes de chasse. Tout le groupe possède une sorte d'empathie les uns envers les autres. Stephen est un peu à part. J'ai effectué un travail de recherche quand à l'histoire derrière le personnage de Stephen. Comment ils ont pu se rencontrer, ce qui les lie. Je suis en fait comme un agneau qui a été perdu par son troupeau et récupéré par ce groupe. Je pense qu'il s'agit de ces petites scènes à priori anodines qu'on comprend les motivations de Stephen à joindre le groupe, s'y définir en temps qu'homme sur un terrain de chasse.
(Arrivée de Chris Briant)
Chris Briant : Vous avez vu le film ?
Oui, je l'ai vu ce matin.
Chris Briant : Et alors ?
(hésitant) Je ne sais pas encore. Disons que je cherche des réponses. Je trouve le thème central intéressant : à savoir un groupe d'hommes se réunissant hebdomadairement pour chasser l'homme, de chasseurs tentant de prouver leur virilité…
Chris Briant : C'est plutôt sur un film sur une soupape de sécurité pour provoquer un frisson ultime.
Le frisson, oui. Mais c'est quand même une histoire de groupe et de lien qui s'est tissé entre eux, non ? C'est quand même chaque individu qui se sent traité comme des moins que rien, et comme s'il leur manque quelque chose dans leur vie. C'est là où j'ai le plus apprécié le film.
(Arrivée de Xavier Delambre)
Le personnage interprété par Xavier Delambre, justement, est curieux. La scène où vous effectuez une sorte de danse où vous essayez de quasiment séduire votre proie. Qu'avez-vous essayé de faire transparaître ?
Xavier Delambre : Pour moi, c'est une façon de réduire la chasse à une sorte d'évacuation du trop-plein. Il essaye de le faire d'une autre manière que ses camarades, en focalisant sur son corps, comme une sorte d'hypnose.
Mais concernant le thème de la chasse, ça n'est pas nouveau. Il y a beaucoup de films qui sont sur le même sujet de la chasse à l'homme.
Chris Briant : Le film passe d'abord près d'une demi-heure dans leur vie. Leur quotidien, ce qui les motive, ce qui les frustre. Et nous avons tenté de mettre en avant la manière dont ils sont conduits à cela. Tout en donnant une personnalité à leur manière de chasser. Voir par exemple les scènes avec Xavier. La manière peut être sportive ou autre, comme une transe, en rapport avec la nature mais le seul moyen d'être un gagnant. Son plaisir, c'est d'en faire un show. Il a besoin d'en faire une mise en scène, et que le plus fort gagne. Mais de manière générale, leur plaisir est dans la chasse. Et Ronny (Steve Waddington) aime chasser l'homme mais il est obsédé par les regrets. Et plus il le fait, plus il aime le faire et plus il le regrette.
C'est une sorte de culpabilité ?
Chris Briant : Quelque part. Mais tout en restant le plus proche de la réalité. On a essayé de traiter le film comme une sorte de thriller sombre, en le basant sur quelque chose d'universel, mais de vrai. Ca se passe dans une ville, mais cela pourrait se passer n'importe où. Ca se passe au début du 21ème siècle, mais ça pourrait se passer dans les années 50. Surtout, basé sur des instants de vie vifs et réels. C'est à propos de la frustration, de ce qu'on peut être capable d'accomplir quelque chose dans sa vie.