Contrairement à son voisin californien, l'état américain de l'Oregon n'est pas vraiment connu pour son industrie cinématographique. Don Gronquist se lance pourtant à l'aventure en y produisant un drame, STARK RAVING MAD, puis en y réalisant un film d'épouvante, UNHINGED, dont il co-écrit le scénario. Au cours de la décennie précédente, on s'est rendu compte que des petites productions horrifiques indépendantes pouvaient ramasser un maximum de dollars (LA DERNIÈRE MAISON SUR LA GAUCHE, MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE, HALLOWEEN...). De nombreux réalisateurs débutants, désireux de percer dans la profession sans recourir à des gros budgets, tournent alors de telles oeuvres, parmi lesquelles VENDREDI 13, MANIAC, EVIL DEAD ou encore UNHINGED. Ainsi, aucun des acteurs de ce dernier titre n'est jamais apparu au cinéma auparavant, et cette première expérience de comédien sera, pour la plupart d'entre eux, la dernière.
Terry et ses deux amies se rendent en voiture à un festival de musique. Mais, alors qu'elles traversent une forêt, leur véhicule sort accidentellement de la route et plonge dans un fossé. Les trois jeunes filles sont heureusement recueillies dans la maison des Penrose, une vaste demeure isolée où vivent Marion, une vieille fille mélancolique et sa mère, une paraplégique acariâtre. Malheureusement, elles n'ont pas le téléphone, et Gloria, la plus jeune des trois adolescentes ne peut pas encore marcher. Terry reste donc avec elle dans la vieille bâtisse, tandis que leur camarade Nancy décide d'aller à pied au village le plus proche...
Se rendre entre copines à un concert, avec l'intention de consommer de la drogue en cours de route, voilà une bien mauvaise idée qu'avaient déjà amèrement regrettée les deux personnages principaux de LA DERNIÈRE MAISON SUR LA GAUCHE ! UNHINGED s'inscrit sans complexe dans la tradition des slashers et autres films-chocs des années 1970, en reprenant l'argument classique des jeunes citadins perdus dans une région sauvage et hostile. Mais, là où il casse le moule classique de ce style (le fameux "survival" dont on parle tant en ce moment), c'est en ne confrontant pas ses personnages à quelques ruraux très arriérés. Au contraire, les adolescentes trouvent refuge dans une superbe demeure aux indéniables relents gothiques, habitée par les derniers représentants d'une famille bourgeoise. Un accident de voiture, une maison sinistre où l'on est contraint de se réfugier, des habitants inquiétants : UNHINGED paraît en fait plonger les personnages des slashers américains dans un environnement plus classique, en ayant recours à quelques ficelles des productions Universal de la grande époque (UNE SOIRÉE ÉTRANGE, ou LE CHAT NOIR).
Revendiquant l'influence de Val Lewton (le mythique producteur des séries B RKO des années 1940), Gronquist favorise clairement une épouvante atmosphérique. Il installe une ambiance malsaine et pesante en révélant progressivement les différents aspects du déclin de la famille Penrose, déclin surtout caractérisé par des comportements indiquant, chez les membres de cette lignée, des troubles mentaux conséquents ! UNHINGED semble puiser aussi ses sources dans les thrillers gothiques des années 1940 (REBECCA de Hitchcock ou DEUX MAINS LA NUIT de Robert Siodmak...), avec ce que cela implique de décors inquiétants et de touches psychanalytiques. Enfin, l'influence de Hitchcock est encore palpable à travers d'évidents renvois à PSYCHOSE.
Maintenant, Don Gronquist n'est ni le grand Hitch, ni Jacques Tourneur. Si UNHINGED est bourré de bonnes intentions, il souffre tout de même de défauts évidents, le principal étant qu'il se passe, somme toute, très peu de choses. Refusant de jouer la surenchère dans l'horreur, son réalisateur limite le nombre de meurtres et n'offre que peu de passages gore. Le film semble alors en grande partie rempli de bavardages et de scènes répétitives (voyeurisme, vues maison dans la tempête, repas du soir tournant au psychodrame...). Enfin, si J.E. Penner propose une interprétation intéressante du personnage de Marion Penrose, les autres comédiens (particulièrement les adolescentes) donnent une triste impression d'amateurisme.
En favorisant l'ambiance et les personnages plutôt que le gore et l'accumulation de scènes de meurtre, UNHINGED offre toutefois une approche relativement intéressante du slasher américain du début des années 1980. Toutefois, sa sortie américaine se fera dans une parfaite indifférence, et Gronquist devra attendre plus de dix ans pour réaliser un nouveau film : THE DEVIL'S KEEP.
UNHINGED a néanmoins connu une petite notoriété en se retrouvant impliqué dans l'affaire des "video nasties" anglaises. En Grande-Bretagne, au début de la vidéo, les films sortaient dans ce format, quel que soit leurs contenus, sans coupure ni classification. Pourtant, la censure sur les sorties cinématographies restait, elle, forte. Cette totale liberté du marché vidéo prend fin vers 1984. Suite à des scandales, relayés notamment par la presse populaire, une liste de soixante-quatorze cassettes est établie par le "Director of Public Prosecutions" du pays (en gros, le procureur de la République en chef), qui les porta devant la justice anglaise afin qu'elles soient interdites pour "obscénité". Parmi elles, trente-neuf (dont CANNIBAL HOLOCAUST, TÉNÈBRES ou L'ENFER DES ZOMBIES) sont effectivement jugées dangereuses et interdites. Par contre, d'autres films passent entre les mailles du filet et ne sont pas concernés par une censure effective : parmi eux, on trouve, par exemple, INFERNO, L'AU-DELÀ et... THE UNHINGED. L'épisode des "video nasties" aboutira, en 1985, à l'établissement d'un système de classification des vidéos britanniques semblable à celui utilisé pour les sorties sur grand écran.
Comme on vient de le voir, THE UNHINGED n'a donc jamais été officiellement interdit, et il est même passé devant la commission de classification britannique en 1983 pour sa sortie en salles sans qu'aucune coupure n'ait été exigée. Mais, ayant été impliqué dans le scandale des "video nasties", il trimballe encore une réputation de film extrêmement violent qu'il ne mérite certes pas ! Evidemment, on y trouve bien un peu de gore, mais pas plus que dans un épisode de la série des VENDREDI 13.
Pourtant, quand il sort en DVD aux USA en 2002, sa jaquette mentionne, en énorme, un "Banned In The U.K." ("Interdit en Grande-Bretagne") assez mensonger. En 2003, UNHINGED arrive en France, où il était jusqu'ici inédit, chez le fameux éditeur Uncut Movies (PAL, zone 2), dans une édition limitée à 1000 exemplaires employant apparemment le même matériel que celui utilisé pour le DVD américain.
L'image est proposée en 4/3 plein écran (sans qu'on ne remarque aucun accident de cadrage qui trahirait un pan et scan), comme sur le DVD zone 1, et paraît d'une qualité passable. L'image est sombre, granuleuse, parfois un peu sale, et souffre d'une définition franchement limitée. Qui plus est, les scènes sombres révèlent d'évidentes traces de compression et des noirs manquant de franchise. Bref, on est plus proche de la VHS fatiguée que du master Haute Définition ! Néanmoins, UNHINGED est un film rare, et il n'a, apparemment, jamais bénéficié d'un télécinéma de qualité.
La bande-son anglaise est proposée dans un mixage stéréo (2.0) peu probant. Les sons semblent coller au centre de l'image et on ne repère pas vraiment de déplacement des sources sonores. Par contre, des craquements et du souffle sont régulièrement perceptibles. Heureusement, les dialogues sont tout à fait distincts et la musique (électronique, en l'espèce) sort avec une puissance convaincante. Un sous-titrage français amovible est disponible
Les bonus sont essentiellement repris du DVD américain : on trouve donc la bande-annonce de UNHINGED ; une galerie d'images (photos de plateau et de tournage, matériel promotionnel...) défilant durant deux minutes ; et une interview (sous-titrée en français) de Don Gronquist et J.E. Penner, datant de 1982, au cours de laquelle ils font la promotion du film dans une émission de télévision (6 minutes). Le seul bonus américain lié directement à UNHINGED qui n'a pas été repris est un commentaire audio, apparemment sans intérêt puisque conçu par quelques rigolos plaisantant tout au long du film, à ses dépends.
Une section dédiée aux "Video Nasties" donne quelques infos (très partielles) sur le sujet, puis propose la liste des soixante-quatorze titres (anglophones) que le "Director of Public Prosecutions" a soumis à la justice anglaise. Enfin, on peut consulter quelques bandes-annonces Uncut Movies : THE SHUNNED HOUSE, DEATH FACTORY et UNKNOWN BEYOND. Signalons que la jaquette affirme que UNHINGED est interdit depuis "plus de vingt ans", ce qui est, on l'a vu, totalement inexact, même pour la Grande-Bretagne.
Bref, cette édition souffre de quelques limites techniques, mais, le DVD américain semblant du même tonneau et ne proposant pas de sous-titrage français, il reste une manière acceptable de découvrir UNHINGED.