A La Nouvelle-Orléans, un peintre est tué par des habitants superstitieux. Bien des années plus tard, Liza Merrill hérite de l'hôtel et décide de le remettre en état. La progression des travaux sera rapidement gênée par des évènements inexpliqués et meurtriers. A l'aide du Dr John McCabe, Liza tentera d'élucider les mystères de l'Hôtel des Sept Portes. Mais on ne combat pas impunément les forces maléfiques…
Une année seulement après le terrifiant FRAYEURS, Lucio Fulci réalise ce qui est sans doute son film le plus «fulcien», évoquant autant l'odeur putride de la décomposition que la légèreté d'un beau poème. Techniquement, nous approchons de la perfection avec des images visuellement sublimes ; quant à l'ambiance, elle n'est rien moins que cauchemardesque. Les sujets fétiches du réalisateur s'y retrouvent : le temps et ses dérivés, la mort, la peinture et l'univers lovecraftien. Le livre que Liza trouve dans une vieille bibliothèque, The Book of Eibon, a certes été inventé par Clark Ashton Smith, un disciple de Lovecraft, mais l'Hôtel des Sept Portes à la géométrie impossible pourrait figurer tel quel dans une nouvelle du Maître de Providence. Fulci fait également des autoréférences : dans l'introduction, les coups de chaînes qui arrachent la peau de Zweick font écho à ceux reçus par Florinda Bolkan dans LA LONGUE NUIT DE L'EXORCISME, et l'énucléation de Martha renvoie directement à celle d'Olga Karlatos dans L'ENFER DES ZOMBIES.
L'une des choses que l'on reproche le plus souvent aux films de Fulci est le manque d'une histoire solide. Ici, à l'instar de FRAYEURS, le réalisateur se repose essentiellement sur des symboles et des vignettes horrifiques pour créer un ensemble parfois surréaliste mais toujours envoûtant. L'on passe sans anicroche de scènes gore (la mort du plombier, l'attaque arachnéenne…) à des scènes où l'ambiance pure prend le pas sur l'action (l'apparition de la fille aveugle, les images finales). Quant aux personnages, les hommes sont toujours un peu pathétiques à l'image de John (David Warbeck), un scientifique qui refuse toute explication irrationnelle : lorsqu'il se trouve devant des morts-vivants, il persiste à leur tirer dessus n'importe où alors qu'il voit pertinemment qu'une balle dans la tête les stoppe immédiatement. Les femmes ne sont pas glorifiées pour autant. Comme il est de coutume dans les œuvres de Fulci, elles apparaissent souvent comme souffre-douleur de haut niveau, subissant les pires outrages (l'attaque du chien sur sa maîtresse aveugle) même si, à d'autres moments, elles sont plutôt débrouillardes.
L'AU-DELA fait partie des films régulièrement réédités depuis quelques années. Vous trouverez les critiques des éditions Anchor Bay et EC Entertainment dans nos archives. Le film vient de ressortir chez Neo en compagnie de FRAYEURS et à l'instar de ce dernier, il a bénéficié d'un nouveau lifting technique ainsi que de l'ajout de suppléments divers.
L'image est bien sûr toujours présentée en 2.35. L'emploi de ce format est une aubaine pour des techniciens aussi talentueux et il convient donc de saluer Sergio Salvati (directeur photo) et Franco Bruni (opérateur) pour un travail parfois éblouissant. Sur la précédente édition sortie en 2004, l'image était très sombre et les couleurs tiraient vers le rouge ou le jaune. Grâce à ce nouveau transfert, l'image est plus belle, plus profonde, les contrastes et les contours sont nets et le moindre détail est lisible. La palette de couleurs se fait également plus discrète au profit de teintes plus naturelles. Le bleu y est prépondérant, conférant à la vision finale de l'au-delà un aspect froid, impressionnant et désertique.
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Cette nouvelle édition ne présente que deux choix de langues : un doublage français et une version anglaise sous-titrée. La version italienne de l'édition 2004 a donc disparu ce qui semble un choix curieux, d'autant plus qu'elle a été conservée sur FRAYEURS au détriment de la version anglaise. En comparant les différents choix audio, nous constatons que la version anglaise est celle qui passe le mieux dans les enceintes, le son paraissant plus propre, alors que les pistes françaises souffrent de grésillements et d'échos désagréables. Il est également sympathique d'entendre les voix réelles des acteurs principaux.
Pour les suppléments, nous commençons par le commentaire audio de Paolo Albiero et Sergio Salvati en italien sous-titré. Nous avons un sympathique mélange d'informations techniques et d'anecdotes bien qu'il y ait quelques redites avec l'analyse du film par Albiero dont nous parlerons plus loin. Salvati revient sur la technique employée à l'époque pour changer les couleurs d'origine de l'introduction en sépia. Les distributeurs ne sont toutefois pas obligés de respecter ce choix et peuvent changer les images à leur guise. Il existe ainsi une copie allemande du film où les couleurs d'origine ont été préservées sur l'introduction. Salvati se remémore le tournage qui s'est déroulé entre joie et difficultés et révèle une jolie anecdote concernant un geste amical de Fulci à son égard. Le réalisateur savait que son directeur photo adorait le jazz et, pendant que ce dernier préparait une scène se déroulant dans un jazz bar, Fulci demanda aux musiciens de jouer un morceau pour Salvati ; ce petit moment reste un souvenir émouvant pour le directeur photo. Albiero évoque aussi l'influence qu'a eu ce film sur divers médias : on peut citer le groupe suédois Europe et leur morceau «Seven Doors Hotel» ou encore le jeu vidéo Silent Hill où une image de Zweick apparaît derrière une porte ; même Bob Murawsky, monteur sur SPIDER-MAN, s'est servi du plan où l'on voit une araignée d'en bas durant l'attaque dans la bibliothèque comme image subliminale dans le premier rêve de Peter Parker. Enfin, Salvati révèle comment il a obtenu cet effet figé pour les images finales, en fait un heureux hasard mais qui a contribué à les rendre inoubliables.
Le supplément suivant, Ti ricordi di Lucio Fulci ? est la suite de la première partie présentée sur FRAYEURS. Le principe est le même, c'est-à-dire des interviews de gens qui ont connu ou travaillé avec Fulci sur près de trois quarts d'heure. Mais là où les intervenants revenaient précédemment sur l'aspect technique et les tournages, ils se concentrent cette fois un peu plus sur l'homme derrière le réalisateur. Ils s'accordent tous à dire que c'était un homme honnête envers lui-même qui ne faisait pas semblant, tout simplement. Très jaloux, il ne supportait pas de savoir ses collaborateurs travailler sur d'autres projets que les siens. Il détestait les critiques et disait préférer ses œuvres ignorées du public, certains le soupçonnant de mettre ces films en avant pour cette même raison. Cette fois, Ruggero Deodato s'est vu imparti un délai de parole plus long et il est très tendre envers Fulci. Il pense que le réalisateur ne souffrait pas vraiment des mauvaises critiques dans la mesure où son talent lui permettait de tout simplement passer à autre chose. Et c'est la larme à l'œil qu'il évoque sa dernière rencontre avec Fulci… Quant à Sacchetti, il se souvient d'un homme doté d'une telle énergie qu'il était incapable de se concentrer plus d'un quart d'heure, ce qui compliquait sérieusement l'écriture de scénarii. Sur le plateau, par contre, Fulci s'imposait une discipline d'enfer.
Pour la suite, cela se gâte un peu. Non rispondi piu, documentaire déjà présent sur le précédent collector de L'AU-DELA s'avère de la même trempe que le précédent. En gros, on prend les mêmes, on en rajoute un ou deux et on recommence. Bien que les divers propos soient intéressants, l'utilité de ce segment reste hautement discutable. On dirait même des chutes car on n'y apprend strictement rien de nouveau.
Passons à la suite avec Roma Termini déjà présent sur le collector de LA MALEDICTION DU PHARAON. Après quelques images non touristiques de Rome, les précédents intervenants évoquent en majeure partie le déclin du cinéma de genre italien dans les années 1980. Pour le reste, ils parlent de tant de choses différentes qu'il est difficile d'en faire un résumé précis, et malheureusement, de rester concentré.
Les trois suppléments précités sont individuellement intéressants et, pour ceux qui ne les possèdent pas, c'est une bonne idée d'avoir concentré tous les bonus des éditions collector précédentes sur seulement deux films. Mais ici, étant donné leur similitude, il vaut mieux les regarder avec quelques semaines d'intervalle sous peine de frôler une sérieuse indigestion.
L'analyse inédite du film se fait encore une fois par Paolo Albiero, un fulciologue devenu presque incontournable de par sa présence sur de nombreuses éditions récentes. Nous ne nous en plaidrons nullement, le monsieur étant sympathique et bien qu'il possède une connaissance quasi exhaustive de son sujet, parlant à une vitesse normale et sachant choisir ses sujets de sorte à toujours retenir notre attention. Comme déjà dit précédemment, il revient sur plusieurs points évoqués dans le commentaire audio ce qui ne rend pas ce supplément si inédit que cela. Nous apprenons entre autres que le plombier, Bob, n'est pas joué par Giovanno De Nava comme indiqué sur tous les génériques existant, mais par Tonino Pulci, un réalisateur d'avant-garde à fond dans son rôle. Albiero détaille également un procédé singulier employé par Fulci pour ajouter un bruit de fond fait de chuchotements, créé par le directeur de doublage Pino Colizzi. Ce procédé fut mis en pratique pour la première fois sur LE GUEPARD de Visconti et réutilisé sur INFERNO, sorti un an avant L'AU-DELA. Enfin, la fiche technique du film donne également accès aux filmographies qui sont aussi présentées dans un sous-menu séparé.
Malgré une section bonus décevante, cette édition n'enlève rien aux qualités inhérentes d'un film qui résume assez bien l'expression «poésie macabre». Devenu un film quasi incontournable du genre, L'AU-DELA est avant tout une oeuvre à l'ambiance inégalée mais qui devrait aussi satisfaire les amateurs d'horreurs plus graphiques pour peu que l'on soit indulgent envers des effets spéciaux pas toujours réussis.