La production longue et douloureuse de HOUSE OF 1000 CORPSES n'ayant pas complètement découragé son réalisateur débutant Rob Zombie, il enchaîna avec cette suite directe pour le plus grand bonheur de tous. Tous les membres de la famille meurtrière sont donc de retour dans une introduction, aussi maîtrisée qu'explosive, qui met en scène la descente du Shérif Wydell et ses hommes sur leur demeure. Tous ne survivent pas, Mama Firefly est faite prisonnière tandis que Baby et Otis réussissent à s'échapper. Ils vont s'allier avec le père naturel de Baby, l'outrageant Captain Spaulding, pour une virée sanglante qui leur vaudra rapidement le surnom de «Rejetons du Diable», alors qu'ils sont traqués avec une ferveur quasi religieuse par le Shérif Wydell.
Si l'on devait écrire une biographie de Rob Zombie, elle pourrait s'intituler «Le dernier cinéphile» sans aucune prétention tant il est évident que le bonhomme baigne dedans depuis sa tendre enfance. A l'instar de son premier métrage, celui-ci est également rempli à ras-bord de personnages marquants et de multiples références, autant télévisuelles que cinématographiques ou culturelles. Rob Zombie est une véritable éponge qui, contrairement à un Tarantino par exemple, ne se contente pas juste de recycler sans originalité ce qu'il absorbe mais de l'imprégner de sa propre personnalité avant d'incorporer le tout dans ses oeuvres de façon autrement plus intéressante. Les références sont ainsi plus ou moins visibles (MASSACRE A LA TRONCONNEUSE, TAXI DRIVER, LA COLLINE A DES YEUX, LES GRIFFES DE LA NUIT...) mais toujours entièrement respectueuses et témoignant d'un regard presque tendre.
Les complications sur sa première production ont de toute évidence servi à la maturation de Rob Zombie en tant que réalisateur. On se trouve toujours en plein dans une ambiance de films d'exploitation des années 1970, mais là où HOUSE OF 1000 CORPSES partait dans tous les sens à force de vouloir intégrer un maximum de styles différents, THE DEVIL'S REJECTS s'avère beaucoup plus linéaire et agréablement moins fouillis, presque visuellement calme en comparaison. Tout comme le fait d'être musicien donne à Zombie une oreille particulière, son amour pour le genre lui a donné un réel sens de l'image, qu'elle soit en deux ou trois dimensions (rappelons que Rob Zombie est également un illustrateur accompli). Le talent d'un artiste n'est pas seulement de créer mais aussi de pouvoir enlever des choses de son oeuvre tout en lui conservant sa force – sans doute le processus le plus difficile et douloureux. Exit donc les éléments superflus ou redondants qui auraient pu alourdir une histoire déjà bien consistante.
A force de visionner film sur film, Rob Zombie a bien compris qu'un bon scénario se compose en premier lieu de personnages forts évoluant dans un monde fictif en accord avec ce qu'ils sont. Cela donne d'abord le Captain Spaulding, immortalisé par Sid Haig qui a trouvé là un rôle instantanément culte. L'acteur n'est pas un étranger du cinéma de genre, ayant officié dans FOXY BROWN ou THE WOMAN HUNT dans les années 1970, ou encore dans JACKIE BROWN et KILL BILL vol. 2 plus récemment. Ici, il promène son physique particulier d'abord sous son traditionnel maquillage de clown blanc et bleu souligné de façon obscène par des dents on ne peut plus pourries, avant d'apparaître à visage nu dans la deuxième partie. Le Captain Spaulding possède un humour bien particulier qui détend presque ses actes malveillants. Mais dès que le masque tombe, le ton du film change également, devenant davantage laid et vicieux.
Ses deux comparses, Baby et Otis sont interprétés respectivement par Sheri Moon Zombie et Bill Moseley. Comme l'indique son nom, Sheri Moon est également la compagne de Rob et sa muse depuis une douzaine d'années. Son physique avantageux lui avait valu d'être mannequin et danseuse avant de rencontrer son futur mari. Sa première apparition dans un film fut dans HOUSE OF 1000 CORPSES et on l'aura ensuite revu dans la version de THE TOOLBOX MURDERS signée par Tobe Hooper. Sheri Moon possède un charme naturel d'autant plus évident que son corps est ce que l'on pourrait qualifier de «Zone non siliconée», un repos absolu pour les yeux et qui colle entièrement à l'esprit seventies du film. Elle s'en sort très bien avec son personnage, insufflant une légèreté paradoxale à cette fille qui prend son pied en maltraitant les gens, une sorte de femme fatale dont on ne devinerait jamais les profondeurs ténébreuses sous sa douce blondeur.
Son grand frère Otis est campé par Bill Moseley dont certains se souviennent peut-être de son rôle de Chop Top dans MASSACRE A LA TRONCONNEUSE 2 ou encore de celui de Johnnie dans l'excellent remake colorisé de LA NUIT DES MORTS VIVANTS par Tom Savini. Ici, il est presque méconnaissable sous une barbe et une longue chevelure grise et crasseuse. Son atout principal est son regard qui reste froid et halluciné pendant tout le film, ne se teintant de tendresse que lorsque ses yeux se posent sur sa soeur, Baby. Une rivalité l'oppose au Captain Spaulding tout au long du métrage, chacun questionnant les décisions de l'autre, mais ils sont néanmoins capable de se faire confiance dans les moments opportuns.
Face à eux se trouve le Shérif John Quincy Wydell, campé par un impressionnant William Forsythe. L'acteur alterne apparitions télé et ciné, ayant marqué un grand nombre de productions comme DERNIERES HEURES A DENVER par son jeu intense et une voix dont le ton grave s'alourdit de menace en un rien de temps. Le Shérif mène ses hommes d'une main déterminée vers un but qu'il sera seul à atteindre. La violence de ses proies va le contaminer à un tel point qu'il se perdra entièrement dans une mission de vengeance devenue personnelle et d'où aucun retour n'est plus possible. La force du scénario réside précisément dans cette deuxième partie où Zombie inverse les rôles de ses protagonistes. Jamais entièrement bons ou mauvais, ils suivent chacun leurs propres voies, que ce soit pour protéger la famille (Mama Firefly, Baby et Otis) ou pour faire régner la loi (le Shérif Wydell). Ce sont les moyens employés qui brouillent les frontières et Zombie réussit l'exploit de nous faire ressentir de la peine pour les fugitifs, d'abord dans une confrontation douloureuse avec le Shérif et ensuite, dans un final qui devient touchant de par sa beauté désespérée.
Les personnages secondaires sont tout aussi bien dessinés, tous investis d'un trait de caractère particulier porté à l'extrême voire à la névrose incurable. Ici se trouvent Danny Trejo (UNE NUIT EN ENFER) en tueur à gages à l'intelligence limitée ou encore Tom Towles (HENRY, PORTRAIT D'UN SERIAL KILLER) qui campait George Wydell (le frère du Shérif), victime de la famille dans le premier opus. Mais le plus savoureux est sans doute Ken Foree (ZOMBIE) qui joue le rôle du «frère» de Captain Spaulding, un homme tout droit sorti de SHAFT qui gère un bordel perdu au milieu de nulle part, illuminé de néons kitshs, arrosé de whisky et recouvert de poudre blanche. Son bras droit est campé par un Michael Berryman (LA COLLINE A DES YEUX) considérablement vieilli dans un tout petit rôle mais le bonheur de voir les deux ensemble à l'image est total ! D'ailleurs, l'un des moments les plus drôles du film les présente face à un vendeur de poulet zoophile où le dialogue ainsi que les expressions des acteurs valent franchement de l'or.
Avec tout ça, vous êtes sans doute impatients de savoir ce qu'il en est des manifestations physiques de toute cette violence. Rob Zombie ne recule devant rien mais prend souvent le parti de ne pas tout montrer ce qui crée un équilibre quasi parfait entre les scènes de torture psychologique (le motel) et les moments sanglants (l'exécution froide des victimes, le camion et la femme de chambre ou encore toute la fin). Les effets spéciaux sont pour la plupart artisanaux mais les restrictions de temps et de budget ne permirent pas toujours de recourir à ce procédé. Il en résulte quelques images générées par ordinateur ajouté par la suite en post-production. Le montage alterne les deux et bien que l'illusion n'est pas toujours parfaite, l'ensemble est réussi.
Le métrage est présenté dans un transfert 16/9 qui offre un cadre 1.77. La compression frôle la perfection d'une image déjà impeccablement travaillée à la base en ce qui concerne les lumières et la colorimétrie. Le paysage désertique américain est pour beaucoup dans la réussite d'une ambiance poussiéreuse, collant à la peau du spectateur comme du sang séché. Le directeur de la photo a fait un travail de grande qualité, transformant souvent la nuit en jour à l'aide de son talent sans jamais enlaidir les personnages ou les décors, ni même trahir la réelle obscurité extérieure.
En ce qui concerne le son, il n'existe qu'une seule version sonore, l'anglaise, avec sous-titrages anglais ou espagnols amovibles. Cette version sonore est décliné en plusieurs formats : DTS et Dolby Digital 5.1. Les chanceux équipés d'installation DTS ou Dolby Digital vont se régaler : les dialogues sont clairement audibles sans être noyés par le reste de la bande sonore qui claque violemment dans vos enceintes ! Mention spéciale bien sûr à l'excellente bande originale composée de chansons des seventies et d'une musique d'ambiance particulièrement efficace (la descente sur la maison au début, la scène du motel où on pense à LA COLLINE A DES YEUX version Aja...). Le dernier morceau prégénérique, "Free Bird" de Lynyrd Skynyrd, nous arracherait presque une larme tant il accompagne parfaitement des images d'une émotion surprenante.
Pour cette édition américaine Zone 1 Unrated, Lions Gate a fourni de nombreux suppléments comme il se doit. Commençons par le commentaire audio de Rob Zombie qui avoue, dès le début du générique, son envie de pouvoir parler plus vite de façon à inclure tout ce qu'il aurait à dire sur son film. Que les spectateurs se rassurent, il parle malgré tout de façon calme et posée, son accent est très facile à comprendre et même s'il s'étend de la première seconde à la toute dernière, c'est l'un des commentaires audio les plus intéressants et agréables que nous ayons entendu. Au-delà de sa passion évidente, Zombie délivre anecdotes et informations diverses, autant drôles que sérieuses, et de façon si complète que l'on dirait un texte préparé à l'avance. Mais son monologue est de toute évidence spontané et ne présente aucune coupe. Il évoque lui-même cette envie presque irrésistible de tout mettre dans son film mais aussi la nécessité d'en enlever. Pour certains passages, il n'a pas pu s'en empêcher mais on le lui pardonne car le résultat reste impeccable. Il parle également de son amour pour les vaches du film (!) et de son mépris pour tout ce qui est artificiel, CGIs inclus, tout en expliquant clairement ses choix. Impossible pour lui de ne pas parler de sa femme et, à l'évidence, Sheri Moon et lui forment un couple très complémentaire dans le processus de création : elle est un pilier fondateur de sa vie – il en oublie même ses mots à certains de ses passages à l'écran.
Le deuxième commentaire audio réunit le trio d'acteurs principaux, Sheri Moon, Sid Haig et Bill Moseley. Au début, ils sont un peu réservés et leurs interventions sont très redondantes avec celles du réalisateur. Mais ils trouvent rapidement leur vitesse de croisière en livrant un accompagnement drôle et anecdotique où leur complicité transparaît autant que dans le film. On a vraiment l'impression d'écouter la retranscription d'une soirée entre potes où l'on imagine aisément, devant eux, la bière et les chips sur la table. Bien qu'ils en rigolent après, le tournage fut de toute évidence éprouvant surtout que Bill Moseley évoque de troublants sentiments réels qui l'ont aidé, dans le feu de l'action, à rester dans son personnage.
Nous continuons avec la longue liste de suppléments où l'on trouve en premier un bêtisier d'un peu plus de cinq minutes. Il est présenté sous forme d'assemblage de diverses scènes ratées et il est assez déroutant de voir des acteurs s'entretuer, se menacer ou supposés être violemment morts éclater de rire ou raconter des blagues. A noter que le mot «F***» revient autant sur le plateau que dans le film…
Au moment de l'attaque du motel, on peut découvrir une partie du Morris Green Show qui passe à la télé. Dans les suppléments, il est présenté dans son entier sur une durée de 13mn20. Il a été conçu suivant les talk-shows si populaires aux Etats-Unis avec un présentateur (Daniel Roebuck) un peu niais face à son invité, un criminologue de renom (Robert Bankhead joué par Duane Whitaker) qui donne son opinion sur les actes meurtriers de notre trio diabolique. Rien que dans ce court segment, nous assistons à un étalage de l'hypocrisie d'une majeure partie des médias bien pensant américain : nous voulons tout savoir mais surtout rien montrer car cela pourrait corrompre nos spectateurs. Cette parodie qui n'en est pas vraiment une laisse un goût amer dans la bouche car on reconnaît là la volonté de certains de vouloir à tout prix contrôler les actes et pensées d'autrui, à les juger directement sans prendre le temps de comprendre. Le segment comporte des emplacements pour la coupure pub dont la dernière est, ironiquement, celle de Captain Spaulding et son attraction Mary, mi-singe mi-petite fille, qui constitue également le supplément suivant (1mn10).
Ensuite, nous avons droit à la publicité de Noël du même Captain Spaulding (1mn58) avant de passer à la vidéo amateur d'Otis. Le «Missing Cheerleader» (57sec) nous montre Otis s'attaquer à la pom-pom girl de HOUSE OF 1000 CORPSES, Valerie Green, avec une violence et une cruauté inouïe. A l'instar de son presque homonyme Ottis dans HENRY, PORTRAIT D'UN SERIAL KILLER, nous ne sommes pas vraiment surpris de le voir se mettre en scène tout seul en l'imaginant sans peine se repasser les vidéos à ses heures perdues. Reste que le visionnage, en dépit de sa courte durée, est très déplaisant de par son réalisme. L'image est réduite dans le cadre, très sombre, confuse dans la violence présente et surtout accompagnée des cris terrifiés de la pauvre Valerie Green.
Nous passons à un registre complètement différent avec la vidéo d'une chanson de Buck Owens également présente sur la bande originale, "Satan's got to get along without me" (1mn53). C'est un enregistrement réel qui a été fait sur le plateau d'un talk-show dans ce qui semble être la fin des années soixante et constitue un repos agréable pour les sens après la brutalité du clip précédent.
Les scènes coupées sont au nombre de 11 et représentent une durée complète de 13mn18. Elles ne sont pas commentées, juste séparées par un carton avec un titre explicatif mais Rob Zombie les mentionne quasiment toutes dans son commentaire audio (ce qui prouve à quel point il connaît et aime son oeuvre !). En les voyant en leur totalité, on voit bien pourquoi elles ont été coupées mais à la décharge du réalisateur, aucune n'est vraiment mauvaise. Leur inclusion aurait ralenti le rythme mais pas amoindri l'impact du film. Et, celle que Zombie regrette le plus est également celle qui a le plus retenu notre attention à savoir l'égorgement à mains nues de l'infirmière Marcia (Rosario Dawson) par un Dr Satan sur son lit d'hôpital. Une scène impressionnante et très sanglante mais qui malheureusement n'a pas sa place dans le résultat final pour d'évidentes raisons.
Les tests maquillage ne présentent aucun réel intérêt mis à part pour ceux qui se passionnent pour le côté entièrement technique d'une production cinématographique, d'autant plus que le segment dure 13mn10 et qu'il est muet. Le seul avantage est de voir Tiny et le Dr Satan en gros plan ce qui permet de mieux détailler ces maquillages aussi magnifiques qu'effrayants.
A la fin du générique du film, nous pouvons voir qu'il est dédié à Matthew McGrory, décédé après le tournage. Ici est inclus un tribut (2mn08) à cet homme si particulier sous forme d'images de tournage et de quelques questions auxquelles il répond avec bonne humeur. L'acteur interprète le personnage de Tiny qui contrairement à son surnom, est immense et porte un maquillage à la Freddy Krueger. L'homme sous le masque est clairement atteint d'une sorte de maladie génétique qui déforme ses membres et lui rend difficile le fait de parler mais il apparaît d'une grande gentillesse et, sur les commentaires audio, les intervenants n'ont que des choses positives à dire à son égard.
La galerie photo est composée de 25 images que l'on peut faire défiler soi-même. Elles sont très sympathiques, alternant photos prises sur le plateau et images du film lui-même où on peut admirer certains détails sanglants à loisir.
Ensuite, on peut encore voir la bande-annonce cinéma suivie de trois spots télé. Un effort a été fait en misant sur l'ambiance glauque et brutale sans toutefois révéler le résultat dégoulinant d'hémoglobine de la violence physique. S'ensuit une publicité pour la bande originale et on finit par une page de crédits DVD. Et si tout ça ne vous a pas suffi, vous pouvez toujours regarder le film de nouveau pour vous faire de nouveau plaisir !
THE DEVIL'S REJECTS se place en parfait complément à HOUSE OF 1000 CORPSES puisqu'il permet de retrouver des personnages que l'on connaît déjà, tout en approfondissant leurs liens et caractères, au milieu d'une action incessante. Le métrage peut également être apprécié seul sans connaître le premier opus mais, quoi qu'il en soit, ne ratez pas ce deuxième effort filmique de Rob Zombie dont nous attendons avec impatience les prochaines oeuvres. A n'en point douter, elles seront tout aussi marquantes dans le genre que nous affectionnons et qui restera bien vivant grâce à des cinéastes de sa trempe, dotés d'une passion sincère qui n'a d'égale que sa connaissance totale du sujet.