Au dix-neuvième siècle, trois archéologues font des fouilles en Egypte pour retrouver la sépulture d'une grande prêtresse, sans faire attention à la mise en garde de Mehemet. Lors de la profanation des lieux, l'un des archéologues est victime d'un mal étrange qui le conduira dans un hôpital psychiatrique. Trois ans plus tard, de curieux évènements liés aux fouilles surviennent. La malédiction des pharaons serait-elle plus qu'une simple légende ?
Suite au succès du CAUCHEMAR DE DRACULA, la Hammer Film passe un accord avec Universal de manière à ramener d'autres mythes fantastiques sur les écrans avec pour commencer l'exhumation de la momie. Bien que les introductions soient semblables, LA MALEDICTION DES PHARAONS est pourtant plus proche de LA MAIN DE LA MOMIE (1940, Christy Cabanne) que de la première version réalisée par Karl Freund (1932). Les momies ressuscitées se prénomment toutes deux Kharis, le Im-Ho-Tep de Boris Karloff étant retourné à la poussière, et leur motivation principale est la vengeance des profanateurs. Dans le film original, Im-Ho-Tep recherchait essentiellement la réincarnation de sa princesse bien-aimée, une idée reprise ici mais de façon bien différente.
Lors de la découverte de la tombe d'Ananka, Stephen Banning (Felix Aylmer) découvre un rouleau de papyrus et se met à déchiffrer les hiéroglyphes. La présence de la momie n'est que suggérée. On voit juste Banning prostré sur le sarcophage, tenant des propos incohérents. Trois ans plus tard, il meurt de façon non naturelle dans l'institution qui l'hébergeait. Son fils, John Banning (campé par un Peter Cushing dont le charisme semble quelque peu effacé) fait le lien avec les fouilles, déterminé à découvrir la vérité avant qu'il ne tombe lui-même victime de la menace silencieuse revenue à la vie.
Afin d'expliquer la légende de la momie, Terence Fisher a recours à un long flashback relatant les funérailles d'Ananka, conduites par le prêtre Kharis (Christopher Lee, majestueux !). Le prêtre va desceller le tombeau royal et tenter de réanimer la princesse défunte, son grand amour. Il sera découvert par les gardes qui lui coupent la langue afin de prévenir ses cris (une séquence reprise directement de LA MAIN DE LA MOMIE). La scène a été adoucie par les censeurs de l'époque. En effet, on ne voit Lee que de dos et la lame qui s'abat, coupant net son cri, ne laisse place qu'à un couteau restant propre. Malgré leur sagesse, les Egyptiens ne semblaient pas savoir que la parole et autres cris provenaient non de la langue mais des cordes vocales au fond de la gorge Ceci ne sera pas la seule illogisme du film. Kharis sera ensuite enveloppé de bandelettes et enterré vivant auprès de sa princesse.
Durant cette longue séquence, Fisher nous offre des images de toute beauté au niveau des costumes et des décors de l'Egypte ancienne pourtant tourné intégralement en studio. Le Technicolor rend une belle justice aux couleurs flamboyantes de la dorure et du turquoise des bijoux ainsi qu'à la procession funéraire. Des statuettes de dieux anciens sont fidèlement reproduites ainsi que tous les objets servant à une momification qui, encore une fois, n'est que suggérée.
Fisher ne disposait que de peu de moyens pour réaliser son film. Ayant réouvert après la deuxième guerre mondiale, la Hammer est devenue une sorte d'usine familiale. Leurs films marchaient bien, alors pour en produire un maximum, les conditions de tournage étaient limitées. La pré-production était réduite au stricte nécessaire et les réalisateurs se voyaient dans l'obligation de rendre un produit fini en l'espace de seulement un nombre limité de jours. L'un des avantages était certainement de retrouver une équipe technique que l'on connaissait déjà, y compris au niveau des acteurs.
Au fil du temps, Lee et Cushing sont devenus de véritables légendes du cinéma fantastique, au même titre que Boris Karloff ou Bela Lugosi. Avant de tourner ensemble dans LA MALEDICTION DES PHARAONS, Fisher les avait dirigés ensemble ou séparément dans d'autres production de la Hammer, les trois hommes étant devenu à ce moment là incontournable dans les films d'horreur gothique du studio britannique. Citons simplement FRANKENSTEIN S'EST ECHAPPE !, LE CAUCHEMAR DE DRACULA ou LE CHIEN DES BASKERVILLE. Fisher continua sur sa lancée et retrouva ses deux comédiens fétiches dans plusieurs autres films au fil des ans. Sa dernière oeuvre fantastique, toujours pour la Hammer Film, fut FRANKENSTEIN ET LE MONSTRE DE L'ENFER en 1974, toujours avec Peter Cushing dans le rôle du Baron Frankenstein, un personnage qu'il connaissait bien pour l'avoir incarné à plusieurs reprises.
Servi ici avec un scénario sans doute bancal, Fisher s'est concentré sur le côté visuel, en cela aidé par son fidèle directeur de la photo, Jack Asher. Terence Fisher avait débuté comme monteur, un travail qu'il accomplit pendant plus de dix ans avant de passer à la réalisation. Ses connaissances techniques lui permettaient d'aller directement à l'essentiel, sans oublier le fait qu'avant cette MALEDICTION DES PHARAONS, il s'était déjà fait la main sur plus de trente films, à raison de plusieurs tournages par an, dont bien évidemment les premiers films d'horreur gothique en couleurs de la Hammer. Le style Fisher avait donc eu le temps de s'installer, et même si ce métrage souffre d'un flagrant manque de rythme, il reste une grande fluidité dans les compositions d'images toujours simples.
La momie du prêtre Kharis est bien sûr aussi jouée par Christopher Lee. Le mystérieux Mehemet se charge d'emmener la momie en Angleterre afin d'accomplir la fameuse malédiction mais le chariot se renverse, le cercueil tombant dans un marais. En lisant à haute voix le Rouleau de la vie, Mehemet va la faire sortir de là, Kharis se relevant des eaux stagnantes dans l'une des scènes les plus captivantes du film. Ses mouvements sont saccadés, ses bandelettes boueuses, et même son regard semble mort. Grâce à sa grande taille, Christopher Lee campe une momie massive et menaçante. L'une de ses bizarreries est de comprendre parfaitement l'anglais alors qu'elle est morte depuis 4000 ans.
Certains tournages ne sont pas exempts de danger pour les acteurs. Lee en fit les frais plusieurs fois dans cette MALEDICTION DES PHARAONS. En avançant dans les eaux opaques du marais, il s'esquinta méchamment les tibias et les genoux sur divers éléments de construction. Son épaule fut disloquée quand il s'en servit pour défoncer une porte et son dos endommagé quand il emporta Isobel Banning, la femme de John et réplique parfaite d'Ananka (Yvonne Furneaux). Il fut également brûlé par les «squibs» simulant les impacts de balles. Et tout cela, en silence !
Vers la fin du film, le rythme ralentit nettement pour laisser place à beaucoup de scènes de parlotte mais aussi à un flashback totalement inutile de ce qui était arrivé à Stephen Banning au début du film. Cela sent le remplissage et vient entacher un film pourtant très agréable. A noter que la momie semble sensible ou insensible aux impacts de balles à volonté…
Concernant le son, la piste anglaise comporte plus de profondeur que la version française, qui met trop en avant les voix au détriment du reste. Le doublage est plutôt bien réussi et on a la possibilité de passer d'une piste à l'autre durant le visionnage. Tout en restant correcte, l'image manque toutefois de définition, occasionnant des flous et un manque de contraste certain, en particulier durant les scènes de nuit. Dommage car le film est saturé de couleurs et dégage une ambiance agréablement gothique dans son ensemble. On notera aussi que le format cinéma n'est pas exactement respecté puisque le cadrage originel 1.66 est ici proposé en 1.77 occasionnant une petite perte d'image en haut et en bas du cadre. Néanmoins, le générique du début est bien au format 1.66.
Le seul supplément est une bande annonce non sous-titrée. Il aurait été intéressant d'inclure un livret, ou une présentation du film mettant en parallèle plusieurs titres autour du thème de la momie surtout que la Hammer a produit trois autres films sur le sujet (LES MALEFICES DE LA MOMIE [1964], DANS LES GRIFFES DE LA MOMIE [1967] et BLOOD FROM THE MUMMY'S TOMB [1971]). A défaut, contentons-nous de ce métrage qui fait partie des plus réussis sur le sujet, surtout grâce au talent de son réalisateur.