Attendant d'être guillotiné, le Baron Frankenstein reçoit
dans sa cellule la visite d'un prêtre à qui il raconte
son histoire. De son enfance à ce qui l'a mené jusqu'à
sa condamnation à mort
Forte d'un certain succès d'une première aventure cinématographique de Quatermass avec LE MONSTRE, la Hammer se lance dans un second film, LA MARQUE, qui sera tout aussi bien accueilli. Voilà qui donne l'idée à la maison de production britannique de se lancer sur le créneau du fantastique. C'est ainsi que naît l'idée d'adapter à l'écran un grand classique et tout de suite le livre de Mary Shelley s'impose de par un projet de Max J. Rosenberg et Milton Subotsky que la Hammer Films reprend à son compte. Dans un premier temps, il est question d'engager Boris Karloff pour ce qui devrait être un petit film tourné en noir et blanc. Mais la Universal ne voit pas le projet d'un bon il et menace la Hammer d'une action en justice dans le cas où leur production viendrait à plagier les films originaux de l'age d'or du cinéma fantastique américain. Ayant un peu peur des représailles, la Hammer décide de s'écarter des films de James Whale, ce qui sous-entend que le maquillage légendaire ne peut être pris en considération. Il faut donc faire marche arrière et c'est finalement Jimmy Sangster qui signera un scénario original oubliant tout le travail fourni par Milton Subotsky et Max J. Rosenberg qui se voient évincés du projet.
Terence Fisher est sous contrat avec la Hammer depuis quelques années déjà où il a signé divers métrages dont LE TRIANGLE A QUATRE COTES ou SPACEWAYS. C'est à lui que l'on confie la réalisation du film qui sera réalisé en couleurs. L'occasion de verser un sang vermillon dans des décors chatoyants sous la houlette du directeur de la photographie Jack Asher. La production choisit Peter Cushing après l'avoir vu dans l'adaptation pour la télévision britannique de 1984. Mais à vrai dire, ils sont à peu près sûrs que l'acteur refusera le rôle en raison de sa renommée déjà établie. Et pourtant, c'est tout le contraire puisque Peter Cushing est emballé à l'idée de devenir le Baron Frankenstein et signe, paraît-il, sans même lire le scénario ! Face à lui, c'est un Christopher Lee encore peu connu et méconnaissable sous un maquillage inédit qui incarne une créature pathétique. Distribué par la Warner un peu partout dans le monde, FRANKENSTEIN S'EST ECHAPPE surpasse les espérances ! Dès lors, la Hammer Films se tournera en majorité vers l'horreur gothique. Terence Fisher ne nourrissait pas vraiment d'envie particulière pour le fantastique mais grâce à FRANKENSTEIN S'EST ECHAPPE, dans les années qui vont suivre il va remettre au goût du jour la plupart des grandes figures du cinéma fantastique : LE CAUCHEMAR DE DRACULA, LA MALEDICTION DES PHARAONS, LA NUIT DU LOUP-GAROU, LE FANTOME DE L'OPERA, LES DEUX VISAGES DU DR JECKYLL
Le succès de ce premier
Frankenstein made in Hammer lance inévitablement des suites.
Rapidement, LA
REVANCHE DE FRANKENSTEIN est mise en chantier. Suivi de L'EMPREINTE
DE FRANKENSTEIN, FRANKENSTEIN
CREA LA FEMME, LE
RETOUR DE FRANKENSTEIN, LES
HORREURS DE FRANKENSTEIN et FRANKENSTEIN
ET LE MONSTRE DE L'ENFER. Une série télévisée
est même envisagée mais finalement abandonnée (voir
ici).
Ce sont donc six films qui viendront imposer le Baron Frankenstein comme
le personnage le plus prolifique de la Hammer. Peter
Cushing étoffera le personnage dans chacun des films, à
l'exception des HORREURS
DE FRANKENSTEIN où Ralph
Bates (DR
JEKYLL & SISTER HYDE) donnera une interprétation
un peu insipide du scientifique amoral. Car contrairement aux précédentes
adaptations cinématographiques de Frankenstein, le Baron des
films de la Hammer est prêt à tout pour mener à
bien ses expériences. Toutes les barrières qui se dressent
devant lui pour les mener à bien doivent disparaître !
Un savant brûlé par son ego démesuré et totalement
immoral se laissant souvent aller aux meurtres pour arriver à
ses fins. Une relecture bien différente du personnage tel qu'il
pouvait être présenté dans les films de James
Whale (FRANKENSTEIN
et LA
FIANCEE DE FRANKENSTEIN). Mais l'immoralité du Baron
ne se place pas seulement à un niveau scientifique puisqu'il
manipule aussi les sentiments de son petit personnel alors qu'il est
déjà engagé dans une liaison amoureuse. Mais en
fait, ne sont retenus des deux films originaux que de vague détails
comme le môme au bord de l'eau et un aveugle qui ne se rend pas
compte à qui il peut bien avoir affaire. Deux clins d'oeil aux
films de James Whale
en une seule scène ? Mais Pour le reste, si l'on retrouve la
trame habituelle de l'histoire, FRANKENSTEIN S'EST ECHAPPE n'est
pas plus fidèle aux écrits de Mary
Shelley.
Le titre français est assez étonnant. Le distributeur français à du faire une méprise entre le docteur et sa créature car il n'est pas vraiment question d'une évasion de Frankenstein. A moins que ce titre n'annonce déjà les premières minutes de LA REVANCHE DE FRANKENSTEIN. Toutefois, cette confusion entre la créature et son créateur est assez répandue. Pour le spectateur moyen, il suffit de montrer une photo de Boris Karloff grimé avec le fameux maquillage pour que l'on vous désigne Frankenstein. Une erreur assez commune, donc !
Réaliser des interviews, enregistrer un commentaire audio, proposer une galerie de photos ou ne serait-ce que des notes historiques aurait été un minimum pour un film qui aura initié le lancement de toutes une vague de cinéma d'horreur marqué par la couleur. Un petit pas supplémentaire vers les débordements sanglants qui allaient mener vers ce que l'on appelle aujourd'hui le "Gore". Car si pas mal des séquences restent hors champ, le Baron manipule nombre d'organes et cela bien en évidence devant la caméra. Il en va de même du sang bien rouge qui macule les vêtements durant ses sinistres (?) expériences. Mais tout cela, Warner ne s'en préoccupe pas puisque seules une bande-annonce et une liste aussi inutile que brève de l'équipe technique sont proposées en guise de suppléments sur cette édition DVD qui aura au moins le mérite d'être proposée à un prix bien inférieur à la moyenne des nouveaux titres chez les autres éditeurs.
FRANKENSTEIN S'EST ECHAPPE a été tourné puis diffusé dans les salles de cinéma européennes au format 1.66. Pour son exploitation aux Etats-Unis, l'image était recadrée pour obtenir du 1.85. Un format plus standard pour le marché américain mais qui avait le fâcheux défaut de soustraire en haut et en bas un peu d'image aux spectateurs. Le DVD quant à lui s'adapte aux spécificités du 16/9 ce qui nous donne une image aux alentours de 1.77. Le choix a donc été de couper la poire en deux. Le générique au début du film est quant à lui au format 1.66. A moins d'être un puriste à 100%, la perte d'image n'est pas ici trop préjudiciable contrairement à d'autres films de la Hammer présentés de la même façon ce qui détruit certains plans.
Passé ce problème technique, le transfert vidéo est très respectable. Il en va de même de la piste anglaise en mono d'origine. La version française n'est pas aussi réussie surtout qu'elle ne rend pas vraiment justice au travail de Peter Cushing.
Si l'on se base sur le prix,
l'adjonction de FRANKENSTEIN S'EST ECHAPPE paraît indispensable
à tous les fantasticophiles désirant se créer une
collection de DVD respectable. Il en va de même d'une poignée
d'autres titres de la Hammer. Le fait que les bonus soient quasiment
inexistants ou le léger recadrage n'a pas de quoi gâcher
le plaisir de la (re)découverte de ce film qui généra
toute une vague de films d'horreurs colorés en provenance d'Angleterre.