Des créatures abominables sont envoyées dans notre monde par une reine maléfique. Pour contrer cette menace, un professeur transforme l'un de ses assistants en Super Inframan…
Même si Eiji Tsuburaya se lance dans le cinéma en tant que chef opérateur, il sortira finalement du lot en prenant les rênes du département des effets spéciaux de la Toho. C'est ainsi qu'il est amené à travailler sur les effets du premier GODZILLA ainsi que des suivants. En cours de route, il a l'idée de mettre à profit son expérience des effets spéciaux à destination des petits écrans. Il monte sa propre boîte avec laquelle il va produire ULTRA Q puis la première série ULTRAMAN. Les super héros nippons et les monstres géants font ainsi bon ménage à la télévision et c'est un succès. De nombreuses autres séries vont se créer durant les années suivantes ainsi que des déclinaisons cinématographiques instaurant un type de programme aux diverses ramifications qui perdurent encore aujourd'hui. Un tel succès ne laisse pas la Shaw Brothers de marbre qui se met en tête de proposer sa propre version du genre !
Pas d'évolution dramatique exceptionnelle dans SUPER INFRAMAN qui conserve une simple trame, très proche du serial, à même d'opposer le héros aux vilains monstres. Le film va même jusqu'à conserver une séquence répétitive, comme dans les séries, associées à la transformation du héros en super héros. Il en va de même de la possibilité pour les personnages de changer de taille pour prendre des dimensions démesurées. Une constante dans de nombreuses séries du genre qui crée un lien plus qu'évident entre ces séries et le film de monstre géant cher aux japonais. Pour autant, les auteurs de SUPER INFRAMAN s'en amuse à l'issue du seul combat offrant cette possibilité lorsque le héros se débarrasse de son ennemi comme d'un vulgaire insecte ! Il ne faudrait donc pas croire que les auteurs de ce SUPER INFRAMAN était dupe de ce qu'ils étaient en train de faire. Lorsqu'un vilain amène de la dynamite, celle-ci a un côté cartoon qui n'est pas sans rappeler la distanciation amusée que pouvait utiliser la série BATMAN des années 60.
Au niveau des affrontements, la Shaw Brothers a une très grande expérience des combats câblés. Une compétence qui permet d'offrir à SUPER INFRAMAN des séquences d'actions énergiques et enlevées bien plus spectaculaires que ce que pouvait offrir les productions du genre de l'époque. De même, avec les moyens du studio, SUPER INFRAMAN peut se permettre la construction de grands décors où vont s'affronter plusieurs dizaines de combattants. Des décors colorés et délirants confectionnés par l'un des chefs décorateurs de la Shaw Brothers, Johnson Tsao, qui travaillera par la suite sur LE COLOSSE DE HONG KONG. Et tout ce petit monde s'agite frénétiquement sur des chorégraphies d'un spécialiste du genre, Tang Chia, qui aura ainsi beaucoup œuvré avec Chang Cheh ou bien dans un registre plus étrange sur LES SEPT VAMPIRES D'OR. Les couleurs criardes des combattants costumés et des décors sont enfin capturées par Tadashi Nishimoto. Un directeur de la photo japonais exporté en Chine pour lequel Hua Shan était d'ailleurs l'assistant lors de ses débuts à la Shaw Brothers et avant de passer lui-même à la réalisation quelques années plus tard.
Avec SUPER INFRAMAN, la Shaw Brothers prouve qu'elle avait les moyens de réaliser des œuvres de ce genre. Pourtant, l'expérience restera sans suite. On retrouvera tout de même quelques bestioles étranges mises en image grâce à un acteur dans un costume dans l'horrifique, mais plutôt amusant, OILY MANIAC ou bien encore dans l'incontournable COLOSSE DE HONG KONG. Deux films où l'on retrouvera d'ailleurs Danny Lee, devenu la jeune étoile montante de la Shaw Brothers en quelques films durant les années 70.
Evidemment, SUPER INFRAMAN n'est pas autre chose qu'un show enfantin et naïf à l'image de ses modèles. Il n'en était pas autrement à l'époque et encore moins aujourd'hui. Pourtant, même si les effets spéciaux ne sont pas toujours très réussis, l'aspect kitch et décomplexé de l'entreprise permette à SUPER INFRAMAN de se bonifier avec l'âge. Devenu avec le temps un film purement ludique et amusant avec ses créatures improbables, il devrait tout autant ravir les enfants que les adultes dans l'attente d'un spectacle chatoyant et rigolo mené tambour battant et sans temps morts !
Celestial s'est occupé de faire de nouveaux masters tout neufs, tout beaux, des films de la Shaw Brothers. Il apparaissait donc évident de retrouver une image identique entre les DVD chinois des films du studio et ceux qui sortiraient par la suite un peu partout dans le monde. Mais avec l'expérience, on s'aperçoit que cela n'est pas forcément le cas. Pour exemple, le DVD anglais de HUMAN LANTERS, à sortir chez CTV dans un proche avenir, propose une version plus complète que celle du disque chinois. Mais en ce qui concerne SUPER INFRAMAN, si le film est le même, on sera surpris de noter des différences sur la retranscription audio et vidéo. Et, à propos du disque chinois, il vous est possible de consulter une critique de ce disque puisque nous l'avions traité au moment de sa sortie.
Le DVD chinois offrait un transfert 16/9 très honnête de SUPER INFRAMAN. Le disque français propose lui aussi le 16/9 et offre exactement les mêmes couleurs que celles de son homologue chinois. On peut aussi y retrouver quelques défaillance sur la pellicule (de petites instabilités...). Pourtant, l'image du disque CTV est bien plus fine et offre une netteté accrue. Toutefois, on notera aussi que le cadrage n'est pas exactement le même. Ainsi, il y a un poil plus d'image sur les côtés gauche et droit mais une légère perte en bas. Rien qui n'empêche de goûter au spectacle sereinement surtout que l'image a un rendu de meilleure qualité !
Pour le son, on déchante un peu. En effet, une seule piste sonore est reprise. Il s'agit d'une piste en mandarin et en mono d'origine. Il aurait pu être intéressant de proposer aussi la version en cantonais. Mais le plus gros oubli est certainement celui de la version française qui n'était pourtant pas très difficile à trouver. Cela aurait été un attrait supplémentaire pour le public français et surtout une façon de passer le film à ses enfants. Enfin, le disque chinois proposait donc les pistes en mandarin et cantonais avec des mixages Dolby Digital 5.1 Ici, CTV a donc opté pour une piste originale qui est très plate mais, en même temps, d'époque !
En ce qui concerne les suppléments, il y a encore des différences. Le DVD chinois permettait de découvrir deux galeries de photos, dont une comprenant des clichés sur le tournage, et des biographies. Tout cela n'apparaît pas sur le disque français qui ajoute toutefois la bande annonce d'époque qui était, quant à elle, absente du disque chinois. Quatre autres bandes-annonces sont disponibles, une pour SUPER INFRAMAN et trois pour les films qui sortent à la même date. Il s'agit de bandes-annonces réalisées récemment à l'occasion du dépoussiérage du catalogue Shaw Brothers.
Mais CTV ajoute encore une interview d'un peu plus d'un quart d'heure de Jean-François Rauger de la Cinémathèque française. Seul problème, il n'a en fait pas grand chose à raconter à propos de SUPER INFRAMAN. Il rame donc en comblant son temps de parole et en exprimant plusieurs fois les mêmes idées. Plus gênant, il apparaît assez évident que l'univers dans lequel baigne SUPER INFRAMAN, le Tokusatsu et par extension le Kaiju Eiga, lui est un peu étranger. Il ne faudrait pas non plus jeter la pierre à Jean-François Rauger puisque, après tout, le contenu de ce supplément incombe avant tout, et à l'arrivée, aux personnes qui l'ont réalisées. N'allez pas non plus penser que les interviews des titres Shaw Brothers sont toutes du même acabits puisque, par exemple, celle de Christophe Champclaux sur le disque de SHAOLIN TEMPLE donne à écouter de passionnantes informations sur le film mais aussi le contexte historique. D'un autre côté, la réalisation technique sent toujours le bidule assemblé à la va-vite (ou à la chaîne ?) ! L'adjonction de ces interviews exclusives est, en tout cas, la preuve que CTV a voulu bien faire les choses à l'image des packagings très réussis de la collection avec la reprise de l'affiche originale au format carte postale.
SUPER INFRAMAN tient plus de l'expérience cinématographique que du simple film. Dans son genre, il apparaît comme l'un de ses métrages sur lequel leurs auteurs auront été jusqu'au bout de leur concept avec le plus grand sérieux technique possible comme STARCRASH de Luigi Cozzi ou le FLASH GORDON de Mike Hodges ! Pas très sérieux mais furieusement divertissant !