Un tremblement de terre en Inde réveille un primate géant qui fait dès lors régner la panique. Quelques années plus tard, un promoteur sans scrupule monte une expédition pour capturer la bête et espérer en faire un phénomène de foire à Hong Kong. Parmi les aventuriers recrutés, Johnny (Danny Lee) va profiter du voyage pour oublier une douloureuse rupture sentimentale. C'est alors qu'il fait la connaissance en pleine jungle de Samantha, une enfant sauvage sur laquelle le «Mighty Peking Man» veille comme à la prunelle de ses yeux !
THE MIGHTY PEKING MAN (connu chez nous sous le titre LE COLOSSE DE HONG KONG) est le seul exemple chinois de film de monstres géants. Produit par la Shaw Brothers en 1977, le film suit le sillage du remake de KING KONG de John Guillermin réalisé un an plus tôt (en réalité, THE MIGHTY PEKING MAN est antérieur au KING KONG américain, mais des problèmes de production retarderont sa finalisation). Aux manettes de cette étrange production qui fait figure de crossover entre King Kong, Godzilla et Tarzan, nous trouvons à la mise en scène le fidèle lieutenant Ho Meng-Hua (responsable de quelques perles de la Shaw comme LES GRIFFES DE JADE). Et comme l'on peut s'en douter, c'est le jeune premier de l'époque Danny Lee qui assume le rôle principal, ou tout du moins le rôle humain principal.
Bon, autant crever l'abcès tout de suite. Si THE MIGHTY PEKING MAN jouit aujourd'hui d'une certaine renommée, c'est surtout pour son côté suranné et débonnairement «out» qui lui confère une place de choix dans le panthéon des nanars kitchs. Péripéties abracadabrantesques, effets spéciaux datés, triangle amoureux un peu trop niaiseux, il n'en faut pas plus à certains cerveaux malades pour hurler au chef d'œuvre (comme ce bon Quentin Tarantino qui s'empressa d'en tirer de nouvelles copies 35 mm il y a quelques années, avant de sortir le film sous son propre label DVD).
Le récent dépoussiérage des œuvres de la Shaw Brothers nous permet enfin de nous faire une nouvelle idée du film via des conditions de visionnage enfin dignes (commençons par oublier le doublage français de l'époque). Après (re)vision, il semble clair que THE MIGHTY PEKING MAN mérite plus sa réputation pour sa très grande naïveté que pour sa facture d'un niveau finalement très honorable. Les effets spéciaux sont étonnamment bons, surtout lors des séquences de destructions massives intégralement prises en charge par les spécialistes japonais des «Kaiju Eiga». Outre les maquettes méticuleusement piétinées, le film fait un usage soutenu de superpositions d'images obsolètes mais pas si dévalorisantes comparées aux productions de l'époque. Quant au costume du "Mighty Peking Man", même si les yeux souffreteux du comédien suant sang et eau dans le costume sont parfois trop visibles sous le masque, on reconnaît avoir déjà vu bien pire.
Le charme psychotronique du film tient plus dans sa facture narrative et ses détails repiqués aux sérials d'aventures, un genre que les extraordinaires artisans de la Shaw ne comprenaient pas forcément bien. Plus que le gorille géant, le personnage prompt à condenser la gaudriole se nomme Samantha (jouée par la sculpturale et helvétique Evelyne Kraft). Ayant survécu à un crash d'avion où ses deux parents trouvèrent la mort, la petite Samantha est élevée par les animaux de la jungle (dont le "Mighty Peking Man" qui tombera secrètement amoureux d'elle). Bien entendu, après une vingtaine d'années passées dans la jungle, Samantha est d'une toilette impeccable, méticuleusement maquillée et à la permanente légèrement ébouriffée (pour faire plus sauvage). On ne sait pas trop comment cette dernière parle le mandarin couramment, mais cela s'avère bien pratique pour sa rencontre avec le valeureux Johnny. THE MIGHTY PEKING MAN récupère ainsi le triangle «sentimental» du KING KONG original, notre gorille chinois montrant quelques agaceries à la love story «au ralenti et en contre-jour» de nos deux improbables amants.
Comme ses modèles américains, THE MIGHTY PEKING MAN est un film en deux temps. La première partie s'attache au film d'aventure où l'équipe d'explorateurs se confronte à l'hostilité de la jungle : charge d'éléphants en stock-shots, sables mouvants, corps à corps avec un tigre somnolant sous l'effet d'une solide drogue, porteurs indiens décimés par paquets de douze (avec un peu de gore en sus).
La seconde moitié se montre plus sérieuse en condensant son action en centre ville où le "Mighty Peking Man" devient une véritable attraction. Le film transfère pourtant son intérêt sur Samantha qui se voit confronter à la vie moderne (heureusement qu'il y a toujours des réverbères à escalader). Quant à la colère finale du "Mighty Peking Man", elle sera justifiée par une odieuse tentative de viol sur Samantha par le promoteur à l'origine de l'expédition. Soit l'occasion d'un festival de destructions massives qui s'achèvera comme de bien entendu au sommet d'un building.
Il faut un certain sens de l'humour pour apprécier THE MIGHTY PEKING MAN et son rocambolesque crossover Tarzano-Godzillo-King-Kongesque. N'allons pourtant pas croire que le film de Ho Meng-Hua n'est qu'une idiotie de plus prompte à se faire broyer sous l'impitoyable ironie du spectateur contemporain. C'est un film foncièrement attachant et honnête, doté d'un charme finalement bien supérieur à certains de ses modèles (on pense surtout à son grand rival, le KING KONG américain de 1976). Le ryhtme est très soutenu et l'ennui ne pointe jamais le bout de son nez. Quant à l'inévitable tragédie liée à cette histoire, elle ne manquera pas d'arracher un petit pincement à l'enfant qui est en nous. Un film culte diront certains. Une parodie rétroactive du futur KING KONG de Peter Jackson diront d'autres !
THE MIGHTY PEKING MAN bénéficie d'une spectaculaire cure de jouvence de la part de Celestial, l'éditeur chinois responsable du dépoussiérage massif du gigantesque catalogue de la Shaw Brothers. La veille image VHS démagnétisée n'est plus qu'un vieux souvenir puisque le DVD chinois propose un rendu exceptionnel. Ce sont les effets spéciaux de transparence qui en prennent un coup de vieux supplémentaire ! Seul bémol, l'image, au format, n'est pas anamorphosée pour le 16/9.
Le son est un mono nettoyé et simulé sur du multicanal, sans amélioration notable. En termes de bonus, l'éditeur est fidèle à son contenu habituel fait de bandes-annonces, de galeries photographiques et de succinctes notes de production.
Traînant derrière lui une réputation à la fois de gros nanar et de chef d'œuvre oublié, THE MIGHTY PEKING MAN est une trépidante surprise à la naïveté enchanteresse. Un film qui a pris un charme fou en vieillissant, ce qui est loin d'être le cas de certains de ses «concurrents». L'édition en Zone 3 a cependant pour défaut d'être réservée aux possesseurs de lecteurs adéquats (et à ceux qui lisent l'anglais). Ce que devrait corriger une future édition française…