4. Interview Oh Young-doo & Jang Youn-Jung
DeVilDead : THE NEIGHBOR ZOMBIES est composé de six parties. La dernière, le générique, n'a pas été réalisée par vous mais lorsque nous l'avons vu, nous avons tout de suite pensé que c'était une manière d'exprimer les conditions dans lesquels a été fait le film, que vous aviez peut être une deadline et qu'il fallait donc travailler très vite… C'étai le cas ?
Oh Young-doo : En fait, nous n'avions pas vraiment de date butoir à respecter.
Comment est donc né THE NEIGHBOR ZOMBIES car il y a ces six parties différentes et plusieurs réalisateurs…
Oh Young-doo : Oui, il y a six histoires mise en scène par quatre réalisateurs.
Jang Youn-Jung : Quatre réalisateurs mais c'est en réalité une seule équipe.
Oh Young-doo : En effet ! Par exemple, pour la première partie du film, l'acteur principal est en réalité le réalisateur d'un autre segment de THE NEIGHBOR ZOMBIES. Donc, on a tourné mais, ensuite, nous avons fait ensemble le montage. Ou alors Jang faisait les maquillages. Un autre s'occupait de la caméra. C'était un vrai travail collégial.
Avant de voir le film, on pensait qu'on allait découvrir six histoires complètement différentes mais finalement il y a un fil rouge et une vraie progression… Comment est née cette idée de faire un film de morts-vivants tout en suivant cette ligne directrice ?
Oh Young-doo : A l'origine, à vrai dire, nous n'avions pas spécialement l'idée de faire plusieurs histoires, pas plus que de réaliser un film de ce genre. Certains de mes amis préparaient un film pour une grosse compagnie et c'est devenu un peu lourd pour eux, moins amusant. Du coup, on s'est dit qu'on allait travailler ensemble sur un petit film, quelque chose fait par nous même et avec peu de moyens mais pour lequel nous serions très libres. Quelque part, nous avions tout sous la main. L'un avait une caméra, Jang faisait des maquillages, on pouvait écrire par nous même, mettre en scène et faire le montage… Donc, on s'est dit qu'on pouvait faire un film assez facilement et pour le fun tout en gagnant de l'expérience. Du coup, on a choisi de faire un film de zombies car cela pouvait se faire sans un gros budget, en restant aux alentours d'un seul lieu ou presque… De plus, en Corée, nous ne sommes pas vraiment habitués à faire des films de zombies. Cela paraissait donc assez logique…
La première partie du film fait penser à une sorte de mix entre EVIL DEAD et les films de Shinya Tsukamoto, avec ce personnage qui ne peut plus sortir de son appartement et qui a des soucis avec son corps… Donc, on essaie de comprendre…
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Car en France, on essaie de tout analyser dans les films ! (Rires)
(Rires)
Oh Young-doo : Vous savez en Asie, particulièrement au Japon mais aussi en Corée, il y a des "Hikikomori", des gens qui restent chez eux, qui passent leur temps sur leurs ordinateurs, collectionnent toutes sortes de choses… La maison du personnage, son appartement, c'est un peu comme un sanctuaire mais il finit par vouloir en sortir.
J'avais pensé aux films de Shinya Tsukamoto pour l'hystérie mais surtout parce que dans TOKYO FIST, par exemple, on suit des personnages qui reprennent conscience de leur corps ou de leur existence par la douleur.
Jang Youn-Jung : Ah, non, pas vraiment ! (Rires)
Hier soir, lorsque vous avez présenté votre film, vous avez dit qu'il n'y avait pas d'aspect politique dans le film. Mais, après l'avoir vu, j'ai pensé à la scission entre la Corée du Sud et la Corée du Nord. La difficulté de réunifier les deux parties de la Corée ou encore de pardonner ce qui a pu se passer pour aller de l'avant. C'est en tout cas ce que l'on pouvait penser en voyant la quatrième partie…
Jang Youn-Jung : Ce qui était intéressant, dans l'histoire que j'ai mis en scène, c'est que dans le cadre d'un film de morts-vivants, cette fois, les rôles s'inversaient. Il n'y avait pas de bon ou de mauvais côté. La victime devient un monstre et le monstre devient la victime. C'était vraiment au cœur de la partie que j'ai réalisé.
Pourquoi avez-vous utilisé la musique de PLATOON dans une séquence ? Car dans le film d'Oliver Stone, elle se place dans une scène très particulière…
Oh Young-doo : A vrai dire, on ne pensait pas vraiment à rappeler le film PLATOON…
Jang Youn-Jung : Oui, c'est que j'aime beaucoup cette musique et je l'ai donc utilisé pour donner plus d'émotion dans la séquence qu'elle illustrait dans notre film.
A l'évidence, on réfléchit beaucoup trop (rires)
Oh Young-doo : (Rires) A un moment, on s'est demandé si cela allait ramener le souvenir de PLATOON. Comme notre film a un style très différent, on l'a utilisé sans trop se poser de question.
En fait, souvent, lorsque des films Coréens arrivent en France, il y a souvent le sous-texte à propos de la situation politique des deux pays. C'est peut être pour ça que lorsque l'on voie votre film, on a tendance à penser aussi à cela.
Jang Youn-Jung : C'est assez intéressant de voir de quelle manière un film peut être perçu. Les gens ont des avis très différents concernant notre film. Je trouve que c'est plutôt une bonne chose !
Votre prochain film sera différent puisqu'il s'intitule ALIEN BIKINI INVASION. Pourquoi choisir un film où l'on verra donc des extraterrestres et des bikinis ?
Oh Young-doo : Pour le fun (il nous passe des flyers où il est indique le mot "Hentaï")
Hentaï ? Ce sont les bande-dessinées érotiques japonaises. Ce sera un film érotique ?
Oh Young-doo : Un petit peu. Regardez (il nous montre la fille sur le flyer en rigolant). On retrouvera l'acteur du premier segment de THE NEIGHBOR ZOMBIES ainsi que l'actrice du deuxième sketch.
Et pourquoi ce film après THE NEIGHBOR ZOMBIES ?
Oh Young-doo : Je voulais simplement faire un autre film.
Car il n'y a pas de coïncidence. Un film de zombie, puis un film avec des extraterrestres…
Oh Young-doo : A vrai dire, j'aime le cinéma d'action. Et il y aura un peu d'action dans ce film. D'ailleurs, mon rêve, ce serait de réaliser un bon film d'action. Mais pour faire ce type de film, il faut pas mal d'argent. Du coup, il était intéressant de choisir le film de zombies ou une histoire d'extraterrestre pour montrer ce que l'on peut faire et pour se présenter, d'une certaine manière, auprès du public. Et puis, en Corée, il y a une grosse production de films indépendants. Mais ce sont pour la plupart des critiques ou des analyses sociales. Vous savez, cela parle du milieu rural, des classes ouvrières ou bien la reconstruction, ce genre de choses. On ne voulait pas faire ça. On préférait s'orienter vers le cinéma de genre. En même temps, vous savez, le film ne sera pas vraiment un film avec beaucoup d'extraterrestres.
Cela paraît évident que vous n'avez pas les moyens de placer à l'écran tout un tas d'extraterrestres…
Jang Youn-Jung : Oui (Rires)
Mais de quoi parle le film ?
Oh Young-doo : C'est donc une extraterrestre qui est recueilli par un homme pour la nuit. Il veut l'aider. Elle a juste besoin d'un sperme pur de manière à procréer, avoir un bébé. Le souci, c'est que l'homme a des convictions, il ne veut pas avoir de relations sexuelles avant le mariage. Du coup, il ne peut pas lui offrir ce qu'elle veut. Elle va tenter de le séduire, etc… Pour lui soutirer ce dont elle a besoin.
Et après ce film ? Vous avez d'autres projets ?
Oh Young-doo : En février, nous avons reçu un Grand Prix dans un Festival de films fantastique au Japon. Ils nous ont donc donné de l'argent pour faire un autre film.
Jang Youn-Jung : Pas beaucoup (Rires)
Mais c'est plus que pour les films précédents ?
Jang Youn-Jung : Cinq fois plus (Rires)
Et vous avez déjà une idée pour ce film ou seulement l'argent ?
Oh Young-doo : (Rires) Oui, j'ai déjà commencé à écrire le film. Ce sera l'histoire d'un détective qui cherche une machine à remonter le temps.
Jang Youn-Jung : Ce sera un film en costume, en raison de la machine, mais il y aura de l'action.
Et donc vous travaillez ensemble sur ce nouveau film ?
Oh Young-doo : Oui, elle est la productrice.
Jang Youn-Jung : C'est moi qui distribue l'argent (Rires) Mais je vais aussi m'occuper des maquillages.
Oh Young-doo : En fait, nous sommes mariés.
Jang Youn-Jung : Oui, c'est pour ça que c'est moi qui tient les comptes (Rires)
En Corée ou en France, c'est donc pareil ! (Rires)
Quand vous dites que vous faites les maquillages, cela concerne ceux qui permettent
de rendre les acteurs parfaits à l'écran ou bien les effets spéciaux ?
Jang Youn-Jung : Tout. Absolument, tout !
Oh Young-doo : Elle travaille depuis quinze ans dans l'industrie cinématographique en Corée.
Vous avez donc réalisé le quatrième segment de THE NEIGHBOR ZOMBIES mais vous avez l'envie de réaliser autre chose ou bien est ce que vous allez, pour l'instant, travailler ensemble ?
Jang Youn-Jung : Peut être un jour. Mais pas pour l'instant. On a déjà fort à faire.
Quels sont les films qui vous ont donné envie de devenir réalisateur et les films d'action que vous préférez puisque vous m'avez dit que c'est ce que vous appréciez ?
Oh Young-doo : L'un de mes films favoris, c'est BETTY BLUE. Vous connaissez ?
37'2 LE MATIN ? Mais ce n'est pas un film d'action ?
Oh Young-doo : En effet ! (Rires) J'adore ce film. Après l'avoir vu, je crois que c'est ce qui m'a décidé à faire du cinéma. C'est vrai que j'aime le cinéma d'action. Toutes sortes de films d'action même si cela peut s'éloigner. Par exemple FIGHT CLUB ou THE CHASER sont pour moi, en quelque sorte, des films d'action. Mais j'ai un gros problème. Je vois un film d'action et je me dis "Oh, c'est excellent ! C'est le meilleur !". Et puis j'en vois un autre et je me dis "Génial, c'est celui là que je préfère". Mais si j'aime le cinéma d'action, pour l'instant je crois que j'ai surtout besoin de trouver mon style. Si on me demande de faire un mélodrame, je le ferais. Mais cela deviendrait un action-mélo, quelque chose comme ça. J'aurais tendance à mélanger les genres.
Et vous, qu'est ce qui vous a donné l'envie de faire des films ?
Jang Youn-Jung : A 18 ans, j'ai commencé à faire du maquillage. Après des études, j'ai travaillé sur mon premier film, GINGKO BED, je ne connaissais rien au monde du cinéma. J'aimais regarder des films, évidemment, mais je n'avais pas forcément l'envie d'en réaliser. C'est venu plus tard. En fait, nous nous sommes mariés et nous sommes parti de Corée pendant un an et demi. On a donc fait une grande pause et c'est à ce moment là que l'on s'est aperçu que l'on aimait vraiment le cinéma. A notre retour en Corée, nous avons donc naturellement recommencé à travailler dans ce milieu.
Oh Young-doo : Nous avons passé un an et demi en Nouvelle Zélande.
Et vous faisiez quoi en Nouvelle Zélande ?
Oh Young-doo : On s'est seulement reposé ! (Rires)
Jang Youn-Jung : Je travaillais depuis que j'avais 18 ans, sans arrêt. J'étais épuisé, cela faisait dix ans que je travaillais dans ce milieu et je me suis aperçu que je n'avais pas d'argent. C'est pourquoi nous sommes partis pour prendre un break.
Sans argent, comment avez-vous fait pour vivre un an et demi en Nouvelle Zélande ?
Oh Young-doo : Vous savez, juste dormir, cela ne nécessites pas beaucoup d'argent ! (Rires) On a fait toutes sortes de petits boulots. De la réparation électrique, par exemple. Ou bien elle a fait du maquillage dans des studios. Des tas de petits boulots.
Jang Youn-Jung : Pour nous, ce fut une bonne expérience. Cela nous a permis de bien nous connaître, de nous découvrir complètement nous même.
Oh Young-doo : Avant, j'étais du genre à me battre dans la rue si on me regardait de travers. J'étais assez violent. Je n'étais pas très sûr de moi, je ne savais pas trop ce que j'allais faire dans le futur. Du coup, je réglais mes problèmes de cette manière. Maintenant, je suis bien plus posé. Je sais ce que j'ai envie de faire et ce fut une expérience très profitable. Cela dit, la Nouvelle Zélande est assez ennuyeuse. J'adore le football et, eux, ils n'aiment pas ça. Ils préfèrent le rugby et le cricket (Rires).
Pour en revenir à THE NEIGHBOR ZOMBIES, il y a déjà des pays qui ont acheté le film en dehors de la Corée ?
Oh Young-doo : Oui, le Japon. Taiwan. Les USA…
La France ?
Oh Young-doo : On aimerait bien (Rires) Ce serait vraiment bien de le distribuer en France et en Europe. Mais pour l'instant, non ! Le film commence a faire le tour des festivals. Et puis nous ne sommes pas pressé, on a déjà de quoi faire un autre film (Rires).
C'est la première fois que je parle à des cinéastes qui me disent "Notre film se vend un peu mais bon l'essentiel c'est qu'on ait un petit peu d'argent pour faire un autre film, y'a pas de problème !".
(Rires)