4. Gonflages 70mm
Enfin, tout festival de format large ne serait pas complet sans offrir des exemples de "gonflages" en format 70mm. En effet, plus afin de profiter de l'avantage des 6 pistes stéréophoniques, plusieurs laboratoires effectuèrent ce qu'on appelle communément un "gonflage" en format 70mm de films tournés en 35mm (voire même de 16mm). Ceci fut effectué en premier en 1967 par la MGM. De manière générale, des films prestigieux purent bénéficier de ce traitement de faveur. Ceci ne changeait en rien la qualité originale : les défauts apparaissant sur le négatif 35mm était toujours présents en 70. Mais un format large 2.21:1 et 6 pistes sonores donnaient une dimension nouvelle – et surtout un argument afin d'attirer les foules. Les résultats visuels n'étaient pas toujours probants, tout dépendant évidemment du travail effectué pour le convertissage et de la qualité du matériau d'origine… ici, trois gonflages aux résultats divers.
Tout d'abord INDIANA JONES ET LE TEMPLE MAUDIT de Steven Spielberg. Le générique kitchissime donne le La sur le gain et la perte que font subir les gonflages. Tourné en 35mm format anamorphique Panavision 2.35:1, le passage en format 2.21 :1 coupe ainsi légèrement l'image sur le haut. Kate Capshaw voit ainsi sa choucroute capillaire 30's amputée de moitié lorsqu'elle entonne Cole Porter en cantonnais. Maintenant, avouons que le travail de photographie de Douglas Slocombe se trouve magnifié sur ce gonflage, dû également aussi au négatif Eatsmancolor d'origine sur laquelle le film a été tourné. Les scènes d'intérieur sont riches en texture et en détails. Les éclairages rougeoyants du temple sacrificiel crèvent littéralement l'écran ! Ce rollercoaster d'action qui ne s'arrête pratiquement jamais gagne en dynamisme visuel et la partition de John Williams trouve toute son amplitude via la remastérisation en 6 canaux stéréo. Malheureusement, certains défauts visuels se trouvent eux aussi grossis pour l'occasion. Certains effets spéciaux (entre autres, les miniatures du canot sur les rapides, celle de Kate Capshaw descendant dans le puits de lave) font pitié à voir, tant on voit s'agiter les poupées supposées créer l'illusion. Spielberg, les miniatures grotesques d'ALLAN QUATERMAIN ET LA CITE DE L'OR PERDU se trouvent réhabilitées. En fait, à y regarder de plus près, jamais Spielberg n'aura autant flirté avec le bis – et on a l'impression d'assister à l'un des meilleurs films d'Antonio Margheriti. Autre horreur décuplée par le format : l'horripilante Kate Capshaw. Son rôle à la limite de la misogynie la plus crasse, ses gesticulations et autres cris perçants sont encore pires sous ce format-là. Mais de voir sur un écran incurvé la scène de poursuite dans les wagonnets de la mine vaut à elle seule le prix de la place. Spectaculairement incroyable ! A noter que le mixage sonore fut effectué sans Dolby NR (NR pour "Noise reduction"), à la grande satisfaction des audiophiles puristes.
GREASE, de Randall Kleiser, eut lui aussi droit au traitement 70mm. Ce qui peut aisément se comprendre aux vues de son statut de comédie musicale. En 1977, cinq ans après sa création sur scène, GREASE fut tourné en 35mm et Panavision 2.35:1. Si le film ne se révèle pas spécialement spectaculaire, des numéros sortent de l'ordinaire et le 70mm donne pleine mesure aux rythmes visuel et musical voulus par le réalisateur et la chorégraphe Patricia Birch. Une scène comme Grease Lightning devient à proprement parler ébouriffante et le son démultiplié y est pour beaucoup. Il en existe une autre qui trouve aussi une dimension différente, celle de la chanson "Beauty school dropout". Seule scène fantastique du film, on y voit débouler Frankie Avalon (ex star des 60's) en ange gardien du personnage de Frenchie (Didi Conn). Tournée intégralement dans un décor blanc, on ne décèle sur l'écran pratiquement aucun grain.
Enfin, OUT OF AFRICA de Sydney Pollack reste un cas à part. Tourné en Technovision – format 1.85:1 sphérique, le gonflage se fit certes en 70mm mais en respectant le format 1.85:1. Ce qui fait qu'au lieu d'avoir du 2.21:1, l'écran se retrouve avec des barres noires autour du cadre lors de la projection du film. Sydney Pollack, mécontent du traitement à la télévision de ses films tournés en format anamorphique et projetés en "Pan & Scan" (il intenta et gagna en 1991 un procès à une télévision danoise), décida de tourner ses films en 1.85:1. Et afin de respecter le format voulu par l'auteur, Universal décida alors de conserver ce même format pour les gonflages en 70mm. La copie présentée ici fut celle projetée pendant près de sept mois au Danemark, un record en la matière. On ne peut se désoler quant au choix du réalisateur/producteur de ce format adapté pour la télévision. Les décors naturels kenyans étaient faits pour l'écran large ! A l'instar d'INDIANA JONES ET LE TEMPLE MAUDIT, certains défauts d'effets spéciaux se trouvent accentués ici, comme par exemple les transparences des scènes d'avions avec les gros plans de Robert Redford et de Meryl Streep… mais qu'importe. Même si la copie en elle-même se révèle plutôt médiocre en terme d'apport visuel, c'est la partition de John Barry qui trouve son aboutissement. Là encore, les 6 canaux stéréophoniques résonnent vers le sublime lors des envolées orchestrales sur le splendides images aériennes du Kenya et de la réserve Shaba.