3. Fiction et Cinéma
L'exposition insiste sur le fait que Ian Fleming n'était pas à proprement parlé un "agent", et qu'il n'a jamais pris part directement à l'action (tout juste a-t-il assisté au raid de Dieppe en août 1942 depuis un destroyer). Mais très souvent, la question a été posée (souvent à l'intéressé) : était-il lui-même James Bond ? Son succès auprès des femmes, son goût pour la gastronomie et l'alcool, son attirance pour les voitures rapides, ses activités au sein des services secrets, tout cela donnerait à penser qu'il a mis beaucoup de lui dans son héros.
Plutôt que de mettre en parallèle des éléments de sa vie avec des épisodes fictifs de son héros, les responsables de l'Imperial War Museum ont privilégié de relier son époque au contenu des romans et des films. Et on touche là un des points les plus intéressants de l'exposition. Comme on pouvait s'en douter, la guerre a fortement marqué Fleming. Le bombardement de Londres par les terribles fusées allemandes V-1 et V-2 lui inspira le plan d'Hugo Drax pour détruire la ville (cette fois au profit des Russes) dans "Moonraker" (le livre). L'action des plongeurs italiens plaçant des mines sous la coque des navires alliés à Gibraltar lui donna une idée similaire dans "Vivre et laisser mourir" (le livre). Et l'amiral Godfrey servit de modèle à 'M'. La fiction se nourrit donc de la réalité, ce qui n'est pas toujours évident à cerner dans la littérature ou le cinéma d'espionnage, tant le sujet est confidentiel par essence.
Une sélection d'authentiques gadgets utilisés par différents services secrets enfonce le clou et nous permet de relativiser l'aspect science-fictionel des films (dont plusieurs sont présentés dans la salle suivante). En effet, le "lipstick-gun" (rouge à lèvres-pistolet) du KGB est-il plus extravagant que la cigarette-rocket de ON NE VIT QUE DEUX FOIS ? Le parapluie à pointe empoisonnée (le fameux "parapluie bulgare" qui inspira LE COUP DU PARAPLUIE de Gérard Oury !) n'est-il pas aussi vicieux que le rétroviseur lanceur de fléchettes de VIVRE ET LAISSER MOURIR ? Certains équipements de Bond, cependant, fonctionnaient dans la réalité.
Ainsi a-t-on la chance de pouvoir admirer le "rocket-belt" (ou propulseur individuel), que Bond utilise pour s'échapper du château d'Anet dans le prégénérique de OPERATION TONNERRE. Cet engin a été conçu par l'armée américaine et même utilisé dans certaines circonstances. Bill Suitor, alors âgé de 19 ans, s'est envolé devant les caméras de Terence Young un beau matin de 1965. Dans le même film, notre agent respire sous l'eau grâce à un "cigare à oxygène" dont l'autonomie est selon 'Q' de quatre minutes. Sans doute bluffé par l'utilisation du "rocket-belt", dont la notoriété était déjà grande dans les milieux militaires, un capitaine du Génie Royal téléphona à un membre de l'équipe responsable des accessoires et lui demanda des explications sur cette bouteille d'oxygène miniature. Mais là, pas de chance, ce gadget avait été inventé pour le film !
Une autre pièce de choix de l'univers de James Bond présentée à Londres est la fameuse "Petite Nellie", cet autogyre monoplace visible dans ON NE VIT QUE DEUX FOIS. Long de 2 mètre 90, pesant 113 kg et pouvant atteindre les 209 km/h, ce véhicule a été construit par le commandant Ken Wallis, un ancien officier de la R.A.F., pour en équiper l'armée anglaise qui renonça au projet en 1963. Seule entorse à la réalité, le Wallis WA-116 n'est pas équipé d'armement (pourtant bien pratique pour échapper aux hélicoptères du SPECTRE).