DRACULA ET LES FEMMES de Freddie Francis, troisième production de la firme Hammer à mettre en scène le célèbre vampire des Carpates, connaît un immense succès. La compagnie décide alors de sortir, à partir de ce moment, un Dracula par an en moyenne. Le film suivant est UNE MESSE POUR DRACULA, qui réunit les mêmes partenaires que DRACULA ET LES FEMMES, à savoir Aida Young pour la production et la compagnie américaine Warner Bros (ainsi que sa filiale anglaise Warner-Pathe Release) pour la distribution. A nouveau, le scénariste "John Elder" (en fait, Anthony Hinds) rédige le script.
Christopher Lee n'a pas caché son mécontentement à la sortie de DRACULA ET LES FEMMES, dont il jugeait le scénario inepte. Il se retrouve dans sa suite, apparemment contre sa volonté, son agent l'ayant engagé en omettant de lui demander son avis. Lee déclare alors que ce sera son dernier Dracula, avec LES NUITS DE DRACULA de Jesus Franco tourné à la même période (hors des productions Hammer). Cette prédiction allait s'avérer fausse puisqu'il apparaît, dès l'année suivante, dans LES CICATRICES DE DRACULA ! A la réalisation, on trouve un nouveau-venu : Peter Sasdy, un metteur en scène d'origine hongroise, travaillant depuis longtemps pour la télévision anglaise et appelé à diriger deux autres films Hammer (COMTESSE DRACULA et LA FILLE DE JACK L'EVENTREUR).
Il bénéficie de l'aide d'une équipe artistique très rodée, dont certains membres travaillent depuis plus de dix ans sur les films d'horreur gothique de la compagnie : le compositeur James Bernard ou le chef opérateur Arthur Grant, notamment. Enfin, une pléthore de talentueux seconds rôles britanniques est réunie, parmi lesquels l'amateur de cinéma fantastique reconnaît Geoffrey Keen (ministre de la défense britannique dans plusieurs James Bond…), John Carson (L'INVASION DES MORTS VIVANTS…), Linda Hayden (LA NUIT DES MALEFICES…), Anthony Higgins (LE CIRQUE DES VAMPIRES…)… On croise même, rapidement, une jeune Madeline Smith (avant THE VAMPIRE LOVERS et FRANKENSTEIN ET LE MONSTRE DE L'ENFER).
Trois notables vivant à la campagne se réunissent, une fois par semaine et en cachette de leur famille, pour se livrer à des débauches dans une maison close de Londres. Ils y rencontrent Lord Courtley, un jeune dandy, qui leur propose de se joindre à lui pour une cérémonie de magie noire, laquelle leur permettrait d'accéder à des plaisirs insoupçonnés. Il s'agit de ramener à la vie le comte Dracula, dont les reliques ont été conservées (sa cape et son agrafe, ainsi que son sang à l'état d'une poudre rouge). Le rituel, qui se tient dans une église abandonnée, implique que les participants boivent le sang de Dracula, ramené à l'état d'une texture visqueuse après avoir été mêlée au sang du maître de cérémonie. Courtley ingurgite le breuvage maléfique et s'effondre, aussitôt après, dans d'affreuses souffrances. Terrifiés, les trois bourgeois le tuent à coups pieds et de cannes, puis s'enfuient rejoindre leurs familles. Peu après, le cadavre de Courtley se transforme en un tas de cendres, dont surgit le comte Dracula en personne ! Il jure de venger Courtley…
Dès son prologue, UNE MESSE POUR DRACULA se présente comme une suite directe de DRACULA ET LES FEMMES. Un voyageur britannique égaré, errant dans une forêt d'Europe Centrale, y rencontre Dracula dans la même situation qu'à la fin du film précédent, c'est-à-dire traversé de part en part par un grand crucifix et s'agitant désespérément, avant de s'effondrer et de se transformer en de la poudre rouge. Le commerçant récupère les restes de Dracula, qu'il va mettre à la vente dans son magasin londonien.
Initialement, les dirigeants de la Hammer, qui commencent à trouver les exigences financières de Christopher Lee trop élevées, envisagent de faire un «Dracula sans Dracula», à la manière des MAITRESSES DE DRACULA de Terence Fisher. Dans le scénario de départ, Courtley, après avoir été assassiné par les trois bourgeois, revient à la vie sous forme de vampire et se venge des trois hommes. Les dirigeants de la Hammer comptent ainsi mettre en valeur l'acteur Ralph Bates, détenteur de ce rôle, dont il compte faire une jeune star de l'épouvante, un remplaçant de Christopher Lee et de Peter Cushing en quelque sorte (ils lui ont ainsi confié le rôle du fils de Frankenstein dans LES HORREURS DE FRANKENSTEIN et de Jekyll dans DOCTEUR JEKYLL ET SISTER HYDE).
Toutefois, Warner ne l'entend pas de cette oreille, et veut absolument que Christopher Lee apparaisse dans le rôle de Dracula, quitte à devoir fournir une petite rallonge au budget. Ralph Bates voit donc son rôle limité, tandis que le personnage de Dracula n'apparaît réellement qu'à la moitié du métrage. Le scénario est alors bricolé de manière à devenir illogique. Ainsi, on s'explique mal pourquoi Dracula, si dédaigneux envers l'espèce humaine, se met soudain en tête de vouloir venger Courtley. Surtout, le procédé permettant sa résurrection semblant impliquer la mort physique de celui qui boit son sang, il est permis de penser que, de toutes façons, Courtley allait mourir, même sans l'intervention des notables !
Quoi qu'il en soit, il est difficile de bouder son plaisir devant la première partie, extrêmement réussie, de ce long métrage. Des trois notables, le plus répugnant est certainement William Hargood, interprété par Geoffrey Keen, qui se livre, en secret, aux débauches les plus malsaines, mais qui, au grand jour, réprimande hypocritement sa fille lorsque celle-ci, à la sortie, de la messe, flirte bien innocemment avec un jeune homme de son âge. Remarquablement interprété, réalisé avec raffinement et bénéficiant de décors et d'éclairages de toute beauté (l'intérieur de l'église a été construit à grands frais, spécialement pour ce film), le début d'UNE MESSE POUR DRACULA semble promettre un excellent moment d'épouvante gothique au spectateur.
Pourtant, une fois que Dracula revient à la vie, le scénario se vautre, on l'a vu, dans un illogisme de mauvais aloi. L'interprétation de Christopher Lee vire de plus en plus à la caricature, et certaines de ses interventions sont plus ridicules qu'inspirées (lorsqu'il compte ses victimes, par exemple). Le script devient alors laborieux et hésitant, alignant des mises à mort plutôt prévisibles. La mise en scène et la photographie ont beau rester soignées, elles ne compensent pas vraiment les faiblesses de cette seconde moitié, laquelle se réveille tout de même grâce à son final assez original (bien que pas tout à fait limpide dans son déroulement).
A la fois intéressant par certaines idées (les bourgeois décadents, la messe noire…), et décevant par son déroulement trop inégal et laborieux, UNE MESSE POUR DRACULA bénéficie heureusement des qualités artistiques habituelles des productions Hammer, ce qui permet de le consulter avec plaisir. Quoi qu'il en soit, ce sera à nouveau un succès satisfaisant et, en 1970, commence le tournage d'un nouveau Dracula Hammer : LES CICATRICES DE DRACULA, mis en scène par Roy Ward Baker.
En DVD, UNE MESSE POUR DRACULA est d'abord sorti aux USA, chez Warner (NTSC, zone 1), dans l'édition testée ici. L'image est au format 1.77, proche du 1.85 d'origine, et offre un télécinéma 16/9. La qualité est vraiment belle, et n'appelle pas vraiment de commentaire. Certes, la compression tend à rendre les arrière-plans un peu agités, tandis qu'on remarque régulièrement des petites saletés (surtout au cours du générique de fin). Mais le résultat d'ensemble est de très bonne tenue, avec une mention particulière pour le remarquable rendu des couleurs. Précisons que, si le film est sorti en salles aux USA avec quelques coupes (la scène du bordel ou la mise à mort de Courtley), le DVD propose bien un montage complet du film !
La bande-son n'est disponible que dans sa version anglaise d'origine, dans un mono 1.0 tout à fait satisfaisant. Des sous-titrages français, anglais et espagnols peuvent être affichés. En ce qui concerne les suppléments, il faut se contenter d'une simple bande-annonce d'époque. C'est tout à fait dommage, puisqu'on sait que Christopher Lee ou Peter Sasdy ont déjà collaboré, chez d'autres éditeurs, à des suppléments pour des films Hammer…
Quoi qu'il en soit, cette édition permet de consulter UNE MESSE POUR DRACULA dans de bonnes conditions et dans sa version intégrale.
P.S. : Pour en savoir plus sur UNE MESSE POUR DRACULA, il faut se reporter au dossier consacré à ce film dans la revue "Little shoppe of horrors" numéro 13, traduit et publié en France dans le "Fantastyka" numéro 16.