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Critique du film
ANATOMIE 2000

 

Paula, étudiante en médecine, intègre la prestigieuse université de Heidelberg où le professeur Grombek enseigne l'anatomie. Parmi les cadavres étudiés, elle reconnaît un vagabond croisé peu de temps auparavant...

ANATOMIE est un film allemand financé par une filiale locale de Columbia et réalisé par l'autrichien Stefan Ruzowitzky. Il s'agit de son troisième métrage, ses deux précédentes œuvres n'ayant pas de rapport avec l'épouvante. Peu motivé par le script original proposé par le studio, script orienté vers le fantastique, il le ré-écrit pour en faire un thriller. Le rôle principal est tenu par Franka Potente, remarquée dans COURS, LOLA, COURS de 1998, titre qui l'a révélée ainsi que son réalisateur, l'allemand Tom Tykwer (LE PARFUM : HISTOIRE D'UN MEURTRIER, CLOUD ATLAS). Le rôle de son père est interprété par Rüdiger Vogler, indissociable du cinéma de Wim Wenders (ALICE DANS LES VILLES, LISBONNE STORY).

ANATOMIE se déroule essentiellement dans une université de médecine et plus particulièrement dans le bâtiment ultra-moderne où sont disséqués des cadavres à des fins pédagogiques. Par bien des aspects, ce film rappelle des œuvres à suspense produites en Europe du Nord à la même époque (NIGHTWATCH d'Ole Bornedal, la série «L'HÔPITAL ET SES FANTÔMES» de Lars Von Trier). Il évoque encore LES RIVIÈRES POURPRES de Mathieu Kassovitz, qui sortira aussi en 2000.

ANATOMIE propose de nombreux éléments horrifiques, voire franchement gore. Certaines séquences atteignent une cruauté glaçante et surréaliste. Pourtant, l'histoire n'inclut pas d'élément surnaturel et nous invite plutôt à suivre un thriller trépidant.

La première partie, classique, présente les principaux protagonistes de l'histoire. Nous remarquons la présence de Gretchen, jeune fille intelligente et sexuellement épanouie, qui affronte la jalousie des garçons. Ce portrait est teinté d'un féminisme réel, mature, bien différent de ce que propose à la même époque le cinéma américain du même style.

Ce début de métrage, bien rythmé, propose des séquences stressantes réussies. Une fois l'intrigue en place, ANATOMIE trouve son tempo et devient de plus en plus passionnant. Ruzowitzky concilie un script solide et une réalisation nerveuse.

ANATOMIE n'est pas qu'un habile suspense. Il s'agit aussi d'une réflexion intéressante sur l'Allemagne et son passé. A travers la présentation d'une société secrète élitiste sévissant au cœur de l'université de médecine, Ruzowitzky reprend les réflexions de réalisateurs comme Rainer Werner Fassbinder (vues dans L'ANNÉE DES TREIZE LUNES ou LE MARIAGE DE MARIA BRAUN par exemple).

La prospérité de l'Allemagne de l'après-guerre a été bâtie sur l'égoïsme, l'appât du gain, la réussite à tout prix et la domination de la société par une élite économique et intellectuelle avide de Deutschemarks. Malgré une attitude internationale pacifiée, les mentalités n'ont pas évolué de façon positive. ANATOMIE nous montre comment sont reproduits les mêmes schémas de fonctionnement que dans les camps de concentration au sein de l'université d'Heidelberg.

Pourtant, certains n'acceptent pas cet état des choses. Il n'est pas innocent que le père de Paula, médecin révolté par ces excès, soit interprété par Rüdiger Vogler, comédien emblématique de la génération de cinéastes allemands (Wim Wenders, Fassbinder, Werner Herzog) qui, dans les années soixante-dix, ont remis en cause les valeurs de la République Fédérale d'Allemagne.

Paula incarne la jeunesse allemande des années 2000, qui doit elle aussi regarder la réalité de son histoire en face et se dresser contre les compromis malsains afin de pouvoir s'accomplir et s'épanouir. Comme Fassbinder, encore une fois, Ruzowitzky prêche contre l'oubli commode d'une histoire trop sombre. Il n'est pas surprenant que Paula soit aidée dans sa quête de vérité par un jeune historien !

ANATOMIE est loin d'être un simple Néo-Slasher parmi d'autres. Bénéficiant d'un script et d'une réalisation solides, il réfléchit avec acuité sur les rapports entre la jeunesse allemande de son époque et son passé.

En France, ANATOMIE se heurte à l'indifférence du public, mais il rencontre un beau succès en Allemagne, avec plus de deux millions d'entrées. Ce qui lui vaudra  une suite, ANATOMIE 2, réunissant les mêmes réalisateur et actrice vedette.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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