Header Critique : LA MOUCHE (THE FLY)

Critique du film
LA MOUCHE 1986

THE FLY 

Seth Brundle, jeune scientifique, met au point une machine permettant la téléportation d'êtres vivants. Il l'essaie lui-même, mais une mouche se glisse dans l'expérience...

En 1983, David Cronenberg signe DEAD ZONE, adaptation d'un roman de Stephen King pour le producteur Dino De Laurentiis. Ce film, sa première adaptation d'un sujet non original, connaît un joli succès. Cronenberg et De Laurentiis collaborent de nouveau ensemble pour adapter au cinéma la nouvelle «Total Recall» de Philip K. Dick. Après un an de travail, le projet capote suite à une mésentente artistique entre les deux hommes.

David Cronenberg se trouve alors libre et accepte un nouveau travail de commande : LA MOUCHE. Il s'agit en effet du remake d'un film américain de science-fiction avec Vincent Price (LA MOUCHE NOIRE de 1958, réalisé par Kurt Neumann).

LA MOUCHE est produit par Mel Brooks, lequel a produit récemment deux films flirtant avec une renaissance du cinéma gothique : ELEPHANT MAN de David Lynch qui est un succès, et LE DOCTEUR ET LES ASSASSINS de Freddie Francis, moins bien reçu.

«La mouche» est au départ une nouvelle de l'écrivain franco-anglais George Langelaan. Le scénario de cette seconde adaptation est écrit par Charles Edward Pogue au cours de la première moitié des années quatre-vingts. Le réalisateur anglais Robert Bierman, remarqué par ses publicités, est embauché pour le mettre en scène. Mais il se retire du projet pour des raisons personnelles. David Cronenberg est recruté et se livre à une réécriture du scénario.

LA MOUCHE est distribué par la major 20th Century Fox, détentrice des droits de la nouvelle. Le tournage a lieu au Canada et Cronenberg s'entoure de ses fidèles collaborateurs : Mark Irwin à la photographie, Carol Spier aux décors et Howard Shore à la musique.

Le rôle de Seth Brundle est tenu par Jeff Goldblum (JURASSIC PARK, INDEPENDENCE DAY). Celui-ci est déjà un acteur connu. Après avoir commencé comme loubard malfaisant dans UN JUSTICIER DANS LA VILLE, il se fait remarquer dans de nombreux seconds rôles où il impose sa personnalité décalée, que ce soit chez Woody Allen (ANNIE HALL), Philip Kaufman (L'INVASION DES PROFANATEURS) ou Lawrence Kasdan (SILVERADO). En 1985, il tient le rôle principal du Film Noir SÉRIE NOIRE POUR UNE NUIT BLANCHE de John Landis et de la comédie fantastique TRANSYLVANIA 6-5000 dans lequel il croise déjà Geena Davis. Celle-ci le seconde aussi dans LA MOUCHE, rôle qui la révèle vraiment au cinéma après un début de carrière essentiellement orienté vers la télévision.

LA MOUCHE étant un remake, Cronenberg suit une trame assez rigide, classique. Ce qui ne lui laisse pas la même liberté que des films comme SCANNERS ou VIDEODROME dont il a écrit seul les scénarios. Pourtant, cet habile mélange d'horreur et de science-fiction lui permet de traiter de sujets qui le passionnent. Ainsi, il explore à nouveau le domaine de la chair et le spectacle de l'anatomie humaine mise à nu.

Pour le savant, la compréhension de la structure physique d'un corps animal passe par la découverte des plaisirs charnels (c'est le soir de son dépucelage qu'il parvient à mettre au point la téléportation d'une créature vivante). Nous retrouvons un goût prononcé pour la représentation de la viande dans tous ses états, ce qui nous vaut quelques séquences gore (le singe-cobaye assemblé par la machine dans le désordre ; un bras de fer particulièrement douloureux).

C'est aussi dans LA MOUCHE que Cronenberg, qui a étudié un temps l'entomologie, exprime le plus pleinement sa fascination pour les insectes, leur mode de vie et leur aspect. Nous retrouverons cela dans son œuvre, notamment dans LE FESTIN NU, avec sa machine à écrire en forme de scarabée.

Ici, suite à un accident survenu au cours d'une expérience, un savant voit son organisme fusionner avec celui d'une mouche. Nous suivons étape par étape, avec la rigueur d'un protocole scientifique, la décadence physique de la partie humaine de Brundle (chute de dents, d'oreilles) tandis que ses caractères insectoïdes se développent.

Ce n'est pas seulement son apparence qui est modifiée : ses déplacements, son alimentation et son comportement changent. Les modifications qu'il subit affectent autant son cerveau que son physique. A la fin du processus, le corps humain n'est plus qu'un cocon renfermant une forme de vie inédite.

Les mutations physiques délirantes qu'apprécie le réalisateur sont de nouveau présentes. LA MOUCHE est un festival d'effets spéciaux sensationnels. Leur auteur, Chris Walas (GREMLINS), fait un véritable sans-faute qui le hisse alors parmi les maquilleurs-vedettes de la période.

Dans les derniers jours de Brundle, des accents pathétiques apparaissent, rappelant le cinéma fantastique américain et ses monstres classiques. Lorsque Brundle, difforme, surgit dans une chambre d'hôpital et enlève Veronica, nous ne pouvons nous empêcher de penser à FRANKENSTEIN de James Whale, L'ÉTRANGE CRÉATURE DU LAC NOIR de Jack Arnold ou KING KONG.

Quand le savant envisage de se reproduire pour engendrer une race d'hommes supérieurs, c'est évidemment à la figure du savant fou que nous pensons. Ce scientifique doué et ambitieux qui expérimente lui-même sa découverte aux effets irréversibles évoque deux histoires classiques du fantastique : «Docteur Jekyll & Mister Hyde» de Robert Louis Stevenson pour l'apparition d'une double personnalité dans un même corps, ou encore «L'homme invisible» de H.G. Wells, dans lequel un chercheur de génie essaie un produit qui le rend invisible, mais ne parvient plus à retrouver son état normal. Ces racines classiques font de LA MOUCHE un flm plus conventionnel que les œuvres les plus originales de Cronenberg, plus linéaire et prévisible aussi.

Il reste pourtant dans l'ensemble une réussite dont les effets spéciaux très impressionnants participent avec bonheur au développement de l'histoire et donnent vie aux visions les plus hallucinantes de Cronenberg. A ce titre, le final est un des moments les plus géniaux de sa filmographie.

A sa sortie en salles, LA MOUCHE rencontre un énorme succès commercial, de loin le plus important de la carrière de David Cronenberg. Notamment en France où il rafle plus de deux millions d'entrées, score rarissime pour un tel film. Auparavant, parmi les purs films d'horreur, seuls quelques rares titres comme PSYCHOSE ou L'EXORCISTE ont atteint de telles cimes. Fort de ce succès, David Cronenberg va tourner FAUX-SEMBLANTS et s'éloigner durablement du cinéma d'horreur et de science-fiction commercial sur lequel il a bâti sa carrière. Il faudra attendre EXISTENZ en 1999 pour qu'il y revienne. Il ne participera pas à l'inévitable suite LA MOUCHE 2 qui arrive trois ans après, réalisée cette fois par Chris Walas.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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