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Critique du film
WOLFEN 1981

 

Dewey Wilson, policier new-yorkais, enquête sur des meurtres commis par des animaux en pleine ville...

Le réalisateur Michael Wadleigh commence comme chef-opérateur, notamment sur WHO'S THAT KNOCKING ON MY DOOR ? de 1968, le premier long-métrage de Martin Scorsese. Puis il réalise son premier film WOODSTOCK, fameux documentaire de 1970 relatant le méga-concert homonyme, point d'orgue du mouvement hippie. Il redevient chef-opérateur pour JANIS de Howard Alk sorti en 1974, autre documentaire, consacré à la chanteuse de rock Janis Joplin décédée quatre ans auparavant.

Avec WOLFEN en 1981, Michael Wadleigh réalise son second film. Le détective Dewey Wilson est interprété par le comédien britannique Albert Finney (révélé par le Free Cinema anglais au début des années soixante, dans des films comme SAMEDI SOIR, DIMANCHE MATIN de Karel Reisz ou TOM JONES de Tony Richardson). Il est bien entouré par Edward James Olmos et Gregory Hines. Les maquillages et effets spéciaux mécaniques sont de Carl Fullerton, associé à des classiques du fantastique des années quatre-vingts tels que AU-DELÀ DU RÉEL de Ken Russell, LES PRÉDATEURS de Tony Scott ou LE SILENCE DES AGNEAUX de Jonathan Demme.

WOLFEN se situe au carrefour de deux vagues de films populaires dans le cinéma américain au tournant de la décennie : le film d'animaux tueurs et le film de loup-garous. Annoncée par LES OISEAUX de Hitchcock en 1963, les sorties de PHASE IV de Saul Bass et, surtout, des DENTS DE LA MER de Steven Spielberg déclenchent l'apparition de toute une série d’œuvres mettant en scène un conflit entre les hommes et une espèce naturelle en colère : LES INSECTES DE FEU de Jeannot Szwarc, L'EMPIRE DES FOURMIS GÉANTES de Bert I. Gordon, PIRANHAS de Joe Dante... Ici, WOLFEN présente des agressions apparemment sauvages et arbitraires de citadins par une meute de loups réfugiée dans New York.

La première moitié des années quatre-vingts est aussi marquée par une vague de films consacrés aux loups et aux loup-garous, avec en tête de pont WOLFEN, HURLEMENTS de Joe Dante et LE LOUP-GAROU DE LONDRES de John Landis. Ils sont suivis par d'autres titres comme LA COMPAGNIE DES LOUPS de Neil Jordan et PEUR BLEUE (d'après Stephen King) de Daniel Attias. Le genre lycanthrope inspire même des comédies comme FULL MOON HIGH de Larry Cohen ou TEEN WOLF de Rod Daniel.

WOLFEN narre l'enquête menée par Dewey Wilson afin de résoudre des meurtres apparemment commis par des animaux. Grâce à des poils découverts sur les lieux du crime, les assassins sont identifiés comme des loups. Pourtant, le choix des premières victimes (un grand industriel et un drogué du Bronx) laisse l'enquêteur perplexe et l'entraîne vers un labyrinthe de fausses et vraies pistes.

WOLFEN frappe par le réalisme de son contexte social et politique ainsi que par la richesse de son script passionnant. En suivant divers indices, les enquêteurs fraient avec des domaines aussi variés que les sectes vaudou, la zoologie, la mythologie des indiens d'Amérique, le terrorisme d'extrême-gauche, les grands groupes immobiliers et les ghettos les plus misérables de New York. Ce récit policier habile et intelligent captive et rend crédible les diverses pistes proposées.

WOLFEN suscite l'admiration pour la beauté et l'originalité de son traitement plastique. Il mérite d'être cité parmi les plus belles évocations de New York. En sollicitant les décors naturels de cette métropole démesurée, Michael Wadleigh crée une atmosphère où réalisme et fantastique s'entrecroisent d'une manière équilibrée et convaincante. Notamment grâce à des vues vertigineuses de Manhattan survolée en hélicoptère ou observée du haut des ponts bâtis sur la rivière Hudson (au cours d'une séquence très spectaculaire !). Les rues de la Grosse Pomme, souvent désertes, sont plongées dans un silence inquiétant et dans des lumières d'aube et de crépuscule.

L'élégance glacée du quartier de Wall Street répond aux ruines gigantesques d'un ghetto en démolition tandis qu'émergent des sites insolites et étranges tels le parc du début du film, le zoo ou l'église abandonnée. Les séquences époustouflantes ne manquent pas, notamment les visions poétiques et hallucinantes de la meute de loups courant dans un New York désert, ou surgissant dans un building de verre en brisant ses fenêtres.

La réalisation est sobre, discrète et élégante. Elle sait se mettre au service de son récit et du ton exigé par chaque séquence. Pourtant, WOLFEN est riche en innovations technologiques et utilise des outils alors très nouveaux comme la grue Louma (à bras télescopique et téléguidé, qui permet des mouvements de caméras complexes même en décor naturel), ou la vision infra-rouge (lors de la chasse autour de l'église).

Les séquences les plus originales et les plus fameuses restent les visions en caméra subjective de la course des loups à travers les rues et les ruines de New York. Faire partager au spectateur le point de vue d'un animal a déjà été fait avec le requin des DENTS DE LA MER. Mais ici, la course des bêtes est captée à l'aide d'une Steadicam, système employé pour la première fois dans SHINING l'année précédente. La caméra est fixée au buste de l'opérateur à l'aide d'un système d'amortisseurs, ce qui permet sa manipulation sans grue ni chariot, avec la souplesse d'une caméra portée à l'épaule, mais sans tremblements ni heurts.

Ici, ce procédé est rehaussé par un traitement des images qui leur donne un peu l'aspect d'images solarisées, mais avec plus de variété dans les effets. La combinaison de la Steadicam et de ces traitements optiques propose de superbes images du périple lupin à travers des paysages urbains grandioses. John McTiernan s'en inspirera largement pour PREDATOR.

Encore une fois, ces trouvailles techniques, d'autant plus sidérantes qu'elles sont employées pour un tournage dans la ville de New York et non dans des décors de studio, s'insèrent parfaitement au récit et à l'atmosphère de WOLFEN, sans jamais se faire démonstratives ou envahissantes.

Il serait restrictif de considérer WOLFEN comme un simple film de loup-garous. L'intrigue est complexe. Plutôt qu'aux mythologies européennes habituelles dans ce genre d’œuvres (avec balles d'argent et pleine lune), le scénario se réfère aux légendes indiennes, évoquant les rapports entre l'homme et la nature. Pour ce faire, il insiste sur le fait que New York, aujourd'hui une cité de verre, d'acier et de bitume, a été bâtie sur un territoire acheté aux Indiens d'Amérique. Et ces Amérindiens sont toujours là, à travailler dans la construction des architectures artificielles vertigineuses.

Avec eux survivent leurs légendes et leurs traditions, ainsi que les esprits de la nature qui s'adaptent à une nouvelle jungle urbaine riche en gibier de toute sorte. WOLFEN se conclut comme une fable philosophique et écologique, se déroulant intégralement dans un décor de buildings, invitant à une réflexion sur la place de la nature dans une société humaine urbaine et technologique.

Certes, le récit se ralentit un peu au milieu du film, semblant se perdre dans ses ramifications complexes. Pourtant, WOLFEN reste un film fantastique intelligent, original et exigeant, bénéficiant d'un excellent récit et proposant de très belles images urbaines. Son accueil commercial est pourtant mitigé et Michael Wadleigh ne réalise plus de film ensuite, à part divers documentaires musicaux basés sur ses prises de vue du festival de Woodstock.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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