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Critique du film et du Blu-ray Zone B
SANCTUAIRE 1988

 

Une église est construite sur un monceau de cadavres dû aux exactions de chevaliers templiers pendant le moyen-âge. 1988 : un jeune bibliothécaire (Tomas Arana) libère une entité enfouie sous l'église et chacun y intervenant semble se transformer. Y compris sa fraiche conquête Lisa la restauratrice de fresque (Barbara Cupisti). Le père Gus (Hugh Quarshie) reste le seul à ne pas être possédé et cherche le secret qui empêchera le mal de déferler.

Commencé sous le titre DEMONI 3, SANCTUAIRE devait être réalisé par Lamberto Bava. Ce dernier, pris par d'autres engagements, lâcha l'affaire. Et ce fut Michele Soavi, frais émoulu d'un BLOODY BIRD qui sortit à peu près partout dans le monde, qui arriva sur le projet. Franco Ferrini et Dario Argento posèrent un premier jet et Soavi mit la main à la pâte pour s'éloigner de l'horreur d'action des deux premiers DEMONS, et tenter de trouver une identité propre, plus sérieuse dans son approche. Et l'appeler LA CHIESA (l'Eglise), et THE CHURCH pour la vente anglo-saxonne. Mal leur en prit, car les résultats de la sortie publique furent largement moindres, et le film ne rencontra pas un aussi grand succès à l'international. Malgré sa sélection au Festival d'Avoriaz 1990, le film arriva directement en VHS en France sous le titre SANCTUAIRE. Titre repris pour l'occasion de sa sortie Blu Ray/DVD de cette année 2018, en plus des nombreuses éditions déjà disponibles à travers le monde.

A première vue, le scénario pâtit d'une structure chaotique. Un manque de logique et de cohérence qui témoigne de nombreuses influences et réécritures - sans parler d'une fin inexistante au démarrage du tournage. De toute façon, ce n'est clairement pas ce qui intéresse Soavi. Donc peu importe si Ferrini injecte une influence Bergmanienne pour l'écriture du rôle joué par Tomas Arana. Soavi a beau rejeter les deux premiers DEMONS, son SANCTUAIRE ne brille pas forcément par l'originalité du propos, et encore moins les repiquages/hommages notés ici et là. Qu'il s'agisse de POLTERGEIST, ROSEMARY'S BABY (y compris la musique !), INFERNO, du NOM DE LA ROSE (avec également Feodor Chaliapin au générique, un hasard ?), on y retrouve l'aspect d'endroit clos des films de Bava, voire même l'influence de certains personnages du premier opus (les griffures du visage, l'homme âgé qui rappelle l'aveugle de DEMONS, etc.). C'est le ton général, plus atmosphérique et étrange, qui fait de ce SANCTUAIRE un élément à part de cette fausse trilogie. Et ne négligeant pas le gore, même si ici, il s'agit d'un plus ténu et parfois artificiel.

La plus belle réussite du film tient dans sa première partie. Une ambiance néo-gothique savamment distillée, aux décors parfois démesurés qui s'insèrent à merveille dans une cathédrale hongroise baroque. Soavi opte pour des éclairages là aussi rappelant les belles heures du cinéma italien des années 60. Tout en y injectant les influences modernes, des tentatives de transgressions visuelles et narratives. S'ajoutent des personnages attachants dans leur manière de dévisser de la réalité : Evan, Lisa et Lotte servent d'axes d'identification de manière réussie.

La seconde moitié reste plus laborieuse, avec un scénario effectuant un surplace un peu malheureux. Des personnages fantoches coincés dans l'église assez tardivement dans le film, qui s'évertuent à se croiser de manière superficielle ; ce qui donne une longueur inhabituelle pour un film d'horreur (102mn), dont l'ambition évidente tombe à plat dans le domaine de l'écriture. Le spectateur se contrefiche des personnages secondaires et tertiaires. Les trois principaux apparaissant et disparaissant de manière impromptue. Une sorte de gloubilboulga narratif et sonore aux multiples influences (Emerson, Glass, Goblin, Boswell...) qui compliquent la cohésion du final. Sans parler des interprétations généralement forcées, hormis Cupisti et Arana, qui mènent clairement le long métrage. Les autres acteurs ne se connectent jamais vraiment entre eux et la sensation de saynètes sans réel lien entre elles perdure plus qu'autre chose.

Reste ce qui caractérise au mieux le film : son aspect visuel. Spectaculaire, orgiaque, aux couleurs éclatantes, aux influences multiples d'évidence picturales (Jérôme Bosch, entre autres), et des plans complexes. Une caméra qui se substitue au mal qui se répand, via une steadycam glissant dans les moindres couloirs de la cathédrale. Multiples points de lumières et d'éclairages, et des effets spéciaux visuels s'apparentant au meilleur de ce que les années 80 pouvaient offrir. Le réalisateur met le paquet pour rendre l'ensemble inquiétant, à défaut de faire vraiment peur. D'un accouplement bestial à une gorge transpercée, un visage arraché, en passant par des exactions de templiers, un sentiment horrifique diffus parcourt le film de tremblements grotesques, surnaturels et parfois surréalistes. L'architecture si particulière de l'église rend palpable le mal insidieux qui s'y glisse via une caméra adroitement utilisée lors de moments éruptifs du mal qui se révèle.

Soavi continue de creuser son sillon stylistique amorcé dans BLOODY BIRD, et donne à ce SANCTUAIRE un solide visuel qui l'élève sans peine sur les hauteurs du cinéma de genre italien. Malgré les handicaps d'écriture bourrée de trous scénaristiques, d'une direction d'acteur sommaire, et au final d'un réalisateur qui prend plus de soin à soigner la forme de son film qu'autre chose.

L'éditeur français Le Chat Qui Fume opère une édition combinée Blu ray et DVD pour la première fois dans l'hexagone. Exit la VHS UGC (dans la collection « Cauchemar »), direction une galette sur un BD 50, en 1080p et encodage AVC, au format 1.85 :1 et d'une durée complète de 101mn58. Un combo 3 disques (1 blu ray, 2 DVD dont l'un avec les bonus dessus) dans un fourreau - avec une élégance caractéristique de l'éditeur. Un menu animé permettant d'accéder au film, langues et bonus. Toujours pas d'accès chapitré en vue, et une animation au ralenti de la jeune fille nue de dos quelque peu étrange. A noter que pour la version DVD, le premier disque (DVD 9) contient le film (durée 101mn51), les films annonces, et deux interviews (Asia Argento et Michele Soavi), tandis que le second disque porte le reste des entretiens produits pour l'occasion.

Un visuel propre, au grain évident (presque trop) et ce dès les premières images. En comparant aux éditions américaines sorties chez Scorpion Releasing et celles de l'anglais Shameless, on se trouve plus proche d'un traitement aux couleurs plus prononcées, à l'instar de l'édition US. Des éléments aux teintes douces, mais aux couleurs stables et riches dans les moments intérieurs ; les éclairages travaillés y sont pour beaucoup, et le rendu de l'image magnifie ce traitement particulier. Les gros plans (et il y en a beaucoup) révèlent de beaux détails, des peaux naturelles. Les plans extérieurs s'avèrent plus discutables. Mais l'impression générale qui se dégage reste très positive. Mention aux torrents de rouge vif lors des effets spéciaux visuels sanglants.

Le doublage audio anglais et italien en DTS DH MA 2.0 mono respecte le mixage d'origine. Curieusement, à contrario de DEMONS et DEMONS 2, SANCTUAIRE fut mixé en mono. Les souvenirs du mixage en Dolby Surround 5.1 EX de l'édition Z1 chez Anchor Bay restent bien lointains, même si les morceaux musicaux bénéficiaient d'un rehaussement parfois salvateur. Ici rien de tel, avec un retour aux sources originelles du mixage premier, mais une piste audio anglaise cristalline sur deux canaux, magnifiant clairement la musique du film. Des dialogues qui savent se détacher de l'ensemble et des effets & bruitages là aussi bien clairs - si l'on passe un doublage pas toujours synchronisé. Le doublage italien offre des éléments plus en centraux, avec un certain souffle. La pire piste étant la version française, avec un souffle assez proéminent, et des effets parfois étouffés. Des sous-titres français optionnels complètent le tableau.

Au niveau suppléments, une palette très large d'intervenants directs sur le film, tous les segments étant effectués par l'excellent Federico Caddeo pour Freak-O-Rama. Difficile de faire mieux en termes de complétude, même si l'on regrette juste une seule chose, ne pas bénéficier du point de vue de Barbara Cupisti. Pour ce faire, il faudra se diriger vers l'édition spéciale de THE CHURCH sortie aux USA chez Code Red. D'abord Michele Soavi, s'exprimant (italien avec stf) avec précision sur la genèse du film, les soucis rencontrés, son désir de ne pas se voir raccroché aux deux premiers opus réalisés par Lamberto Bava. Enjoué et bon client, l'entretien demeure passionnant de bout en bout.

Le scénariste Franco Ferrini offre une vision du travail narratif effectué. Des influences d'Ingmar Bergman sur Evan... jusqu'au fait qu'il finisse par regretter que le film ne s'appela pas DEMONS 3, ce qui selon lui, aurait permis au film de beaucoup mieux marcher ! (en italien avec stf).

Giovanni Lombardo Radice s'exprime assez franchement (voire même crûment) sur sa relation d'amitié avec Michele Soavi, sa trajectoire, et le tournage particulier du film à Budapest. Rappelant une atmosphère très « libérée » entre chacun et des souvenirs très limites sur une toute jeune Asia Argento... (en anglais avec stf).

Le décorateur Massimo Antonello Geleng revient de manière extensive sur son implication dans le film et sa collaboration avec Michele Soavi (italien avec stf).

Sur un petit segment, Asia Argento se souvient avec beaucoup de tendresse du tournage du film et de sa relation avec le réalisateur (italien avec stf).

Enfin, Francesco Casagni, l'un des maquilleurs du film, explique quelques effets réalisés - dont la fameuse tête qui explose contre le métro, que le ralenti permet d'observer tout en écoutant les explications. Sans oublier de mentionner l'atmosphère sur le plateau, le professionnalisme de Tomas Arana, et l'explication du second nom pour les maquilleurs au générique du film. Très bon moment, car un intervenant rare dans le circuit des suppléments, alors que clé dans l'élaboration des films de genre que nous affectionnons.

Enfin, les habituels films annonce, dont celui du film présent, et des prochains titres de l'éditeur, parachèvent une édition excessivement riche : trois pistes audio, six suppléments autour du film grâce aux protagonistes directs, et un soin autour de l'emballage. On recommande.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
56 ans
1233 news
397 critiques Film & Vidéo
On aime
Une édition très riche en suppléments
Une belle copie
Un long métrage au visuel spectaculaire
On n'aime pas
Un film bancal
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L'édition vidéo
LA CHIESA Blu-ray Zone B (France)
Editeur
Le Chat qui Fume
Support
Blu-Ray (Double couche)
Origine
France (Zone B)
Date de Sortie
Durée
1h42
Image
1.85 (16/9)
Audio
English DTS Master Audio Stéréo
Italian DTS Master Audio Stéréo
Francais DTS Master Audio Stéréo
Sous-titrage
  • Français
  • Supplements
    • Le mystère des cathédrales : entretien avec Michele Soavi (19mn46 vistf HD)
    • Lotte : entretien avec Asia Argento (8mn56 vistf HD)
    • Terre Bénie : entretien avec Francesco Casagni (10mn03 vistf HD)
    • Les Fondations de l?église: entretien avec Massimo Antonello Geleng (20mn47 vistf HD)
    • Démons 3: entretien avec Franco Ferrini (13mn19 vistf HD)
    • Père Giovanni : entretien avec Giovanni Lombardo Radice (14mn27 Vastf HD)
      • Films annonces
      • GATTI ROSSI IN UNO LABIRINTO DI VETRO (2mn38)
      • THE CHURCH (2mn01)
      • LA ROSE ECORCHEE (2mn58)
      • LA SAIGNEE (3mn21)
      • AMOUR ET MORT DANS LE JARDIN DES DIEUX (2mn30)
      • COME CANI ARRABIATI (3mn50)
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