La famille Carter est en route pour la Californie lorsqu'ils décident de prendre un raccourci par le désert. Après s'être ravitaillés à une station essence aussi décrépite que son propriétaire, ils ne feront que quelques kilomètres avant de heurter un rocher. La colonne de direction du véhicule étant endommagée, le père, Big Bob, et son beau-fils Doug décident de partir à pied chacun de son côté afin de trouver de l'aide. Restés seuls avec la voiture et le camping car, la mère et les enfants sont observés par des présences invisibles qui vont rapidement faire éclater leur tranquillité en une explosion de violence sanglante.
Le but d'un remake est d'apporter une nouvelle vision à l'histoire déjà existante, non d'en faire une copie carbone (comme par exemple PSYCHOSE de Gus Van Sant qui n'est rien de plus qu'une version colorisée du chef d'œuvre de Hitchcock, le talent en moins). Tom Savini l'avait bien compris avec sa version de LA NUIT DES MORTS VIVANTS (1980), ainsi que, plus récemment, Marcus Nispel (le MASSACRE A LA TRONCONNEUSE sorti en 2003) ou Zack Snyder (L'ARMEE DES MORTS).
Le point de départ du remake d'Alexandre Aja est en tous points similaire au film original de Wes Craven mais la comparaison s'arrête là. Le réalisateur de l'acclamé HAUTE TENSION est un mordu du survival de Craven et ne désirait en aucun cas le dénaturer. Son idée a été d'approfondir les personnages des habitants des collines du titre, faisant d'eux les résultats difformes d'anciens tests nucléaires conduits par le gouvernement américain dans le désert du Nouveau Mexique. L'idée était simple mais pourquoi faire compliqué ?
Ici, l'ambiance est instaurée dès le départ avec une introduction pré-générique où des scientifiques en vêtements de protection blancs à la THE CRAZIES se font violemment massacrer. Bien que ces scènes tournées par Grégory Levasseur et la seconde équipe soient techniquement louables, elles sont somme toute inutiles au reste du film en ce qu'elles n'apportent rien d'autre qu'un effet choc, largement atténué ensuite par un générique où défilent des images plus atroces les unes que les autres, et bien réelles cette fois. Peut-être le choix de cette intro a-t-il été fait pour happer le public d'entrée de jeu vu que le prochain déferlement de violence ne surviendra qu'après presque trois quarts d'heure de film ? Sa présence est en tout cas dommage parce qu'une opposition de style se crée avec ces longs passages où nous rencontrons les différents protagonistes et surtout ce qui peut être considéré comme le personnage principal du film, les fameuses collines.
Aja ayant déjà travaillé au Maroc, il a tout naturellement imposé ce choix auprès des producteurs qui ont été convaincus par la beauté des lieux, et une certaine ressemblance avec le désert Mexicain. Le réalisateur démontre un talent tout particulier pour nous faire ressentir la désolation oppressante, la chaleur accablante et la poussière omniprésente des décors naturels, nous renvoyant autant vers MASSACRE A LA TRONCONNEUSE original que vers le plus récent WOLF CREEK. Certaines images ont été agrémentées d'effets numériques comme par exemple cet immense cratère qui fait également office de cimetière de véhicules mais ces ajouts factices ne se font à aucun moment ressentir.
Malgré que l'explication de la présence des mutants opère en faveur du film, on ne peut pas en dire autant sur le discours final. Où Aja veut-il en venir ? Où se pose-t-il ? On a droit par exemple à une utilisation très insolite du drapeau et de l'hymne national américain. Mais le fait que rien ne soit expliqué laisse le spectateur dans la confusion. Est-ce une moquerie ? Un discours politique ? Ou juste pour «amuser la galerie» ? Le même problème survient à la fin qui diffère largement de celle du film de Wes Craven.
A la fin du film original, l'image se figeait lors d'une séquence de sauvagerie qui fonctionnait à la manière d'un bon coup dans l'estomac laissant le spectateur essoufflé et face à ses interrogations quant au prix de la vengeance. La fin du film d'Aja choisi de prendre une voie moins radicale, plus classique et surtout très déconcertante de part son ambiguïté. Là où Craven faisait preuve d'un nihilisme bien noir, Aja opte pour la fin heureuse qui, si on la décrypte, amène un message en complète opposition avec le film original. Et puis la caméra effectue un zoom arrière qui révèle que les personnages sont de nouveaux observés au travers d'une paire de jumelles (comme au début). Mais qui est là ? D'autres mutants ? Des agents gouvernementaux qui avaient tout manigancé à la manière de leurs tests nucléaires (on en doute au son émis par le voyeur) ? Ou tout simplement le spectateur à qui Aja rappelle que «Ce n'est qu'un film» ?
Du point de vue du pur divertissement, le film fonctionne cependant à merveille du début à la fin. L'horreur nous assaille de toutes parts, autant au niveau de l'ambiance que des personnages ou des effets spéciaux. Ces derniers ont été réalisés par les magiciens de KNB à qui on doit un nombre incroyable de métrages, comme LAND OF THE DEAD, GHOSTS OF MARS ou WISHMASTER pour ne citer que ceux-là. Aja n'hésite pas à filmer la brutalité et ses résultats sanglants, un amour pour le rouge qu'il avait largement démontré dans HAUTE TENSION. Dans la version non censurée, ce ne sont que quelques images d'une durée totale d'une minute qui ont été rajoutées (deux têtes qui explosent d'une balle, les yeux de Big Bob qui blanchissent sous la chaleur intense des flammes et un Magnum pointé directement sur un bébé). Leur absence n'enlève rien à la force des scènes ce qui témoigne d'abord d'une bonne mise en scène. Le gore n'a rien d'exagéré et n'apparaît jamais de façon gratuite, donc on retient en premier les motivations qui animent les différents personnages. De plus, le mélange d'effets artisanaux et numériques est pour ainsi dire invisible, même en se passant le film au ralenti (tout du moins en DVD).
Du côté des personnages, Doug est celui sur lequel le film se repose. Véritable sosie d'Aja dans le film, Aaron Stanton (que certains auront peut-être reconnu dans le rôle de Pyro dans X-MEN 2), il est dépeint comme un homme soumis à sa femme, que son beau-père n'accepte pas (voire la façon qu'a Big Bob de l'écarter de sa fille avant leur départ solitaire dans le désert) et qui couve de drôles de sentiments pour sa belle-sœur. Il passe de ferme opposant aux armes à l'état d'un homme primaire dont le but ultime est la vengeance totale et qui n'a plus aucun problème à se servir de tous les moyens nécessaires. On pourrait argumenter que les sentiments qui le motivent dépassent la raison mais sa transformation se fait de façon bien trop facile. On ne ressent jamais son aversion originelle pour la violence, même pas à la fin où il doit se rabaisser au même niveau que ses opposants afin de se défendre. Sa révulsion première devrait logiquement provoquer un sentiment de dégoût mais il n'en est rien.
La famille Carter se compose donc de Big Bob, campé par un excellent Ted Levine que l'on avait plutôt l'habitude de voir catalogué dans les rôles de vilains depuis LE SILENCE DES AGNEAUX. Sa femme, Ethel (Kathleen Quinlan) est une femme douce et forte à la fois, animée par un esprit religieux profond qu'elle aimerait voir englober toute sa famille. Ses enfants, Bobby, Brenda et Lynn font la prière avec elle plus pour lui faire plaisir qu'autre chose puisque l'on sent bien qu'ils ne prennent pas cela très au sérieux. Mention spéciale à l'actrice Emilie De Ravin qui démontre un talent tout particulier dans ce rôle de jolie blonde, Brenda, qui n'est pas aussi insipide que l'on pourrait le penser. Son frère, Bobby (Dan Byrd), apparaît un peu plus effacé à ses côtés tandis que Lynn (Vinessa Shaw) essaie juste de maintenir un bon esprit de famille vu qu'elle est l'aînée et désormais mère également.
Du côté des mutants, il convient également de saluer le jeu des hommes sous les maquillages monstrueux. Dans le rôle de Pluto, nous trouvons Michael Bailey Smith qui promenait déjà son imposante carrure de sportif sous les traits du pathétique MONSTER MAN. Ses 1 mètre 93 épaissis avec du latex un peu partout deviennent méchamment réels lors d'un combat effrayant avec Doug qu'il domine largement. Son compère Lizard est interprété par Robert Joy qui jouait déjà un homme défiguré aux côtés du héros de LAND OF THE DEAD. Malheureusement, on ne voit pas beaucoup Jupiter ou Goggle et au premier visionnage, on a du mal à mettre un nom sur les différents mutants. Le personnage de Ruby est ici beaucoup plus en retrait par rapport à son rôle dans l'original et c'est un peu dommage car ses actes n'ont plus vraiment de sens. L'actrice qui l'incarne, Laura Ortiz, a 18 ans mais paraît plus jeune. Elle ne porte aucun maquillage, la déformation de son visage étant faite entièrement en numérique. L'ajout de Big Brain qui explique la présence des mutants à Doug est également une grande réussite. Comment ne pas ressentir un profond dégoût face à cet être dont la taille et le poids de sa tête l'obligent à rester perpétuellement immobile ? Et comment ne pas se réjouir de son destin cruel tant il est présenté comme un être maléfique ?
Les transferts DVD de films récents ne présentent quasiment jamais de défauts de pellicule et sont le plus souvent très réussis. Il devient donc de plus en plus difficile de trouver une nouvelle façon de dire qu'il n'y a aucun défaut à déplorer et c'est encore le cas ici. L'image est présentée dans son format cinéma (2.35) d'origine et le rendu des couleurs est sublime ! Le désert présente une large gamme de nuances de terre très cinégéniques tandis que le sang et les diverses plaies sont on ne peut plus palpables.
Beaucoup a été dit sur l'emploi de la musique dans le film, en particulier lors de l'attaque du camping-car où elle se compose de sons électroniques répétitifs. Elle en devient presque hypnotique, tenant le spectateur comme dans une transe tandis que les mutants se déchaînent sur la pauvre famille. Ailleurs, elle passe d'atmosphérique à des chansons facilement reconnaissables («California Dreaming» des Mamas and Papas) mais reste toujours dans l'esprit du film. Du côté des pistes sonores, elles sont au nombre de deux, l'une en anglais et l'autre en espagnol, tandis que les sous-titres sont en anglais, espagnol et français. Les pistes audio au format 5.1 et Stéréo sont exploités au maximum de leur capacité.
Le département suppléments nous propose d'abord deux commentaires audio séparés. Sur le premier, nous trouvons Alexandre Aja, Grégory Levasseur et la productrice Marianne Maddalena. Dès le départ, c'est Aja qui dirige les opérations et comme de nombreux réalisateurs passionnés par leur film, il a une multitude de choses à dire et on ne demande qu'à l'écouter. Les sujets sont très variés et concernent le désert marocain, les effets spéciaux, les acteurs et divers problèmes de production (nous sommes prêts à parier qu'Aja mettra longtemps avant de travailler de nouveau avec des chiens !), la conversation tournant autour du film au lieu de juste commenter les images. Le seul point négatif que l'on ne puisse pas leur reprocher, c'est l'accent français parfois prononcé de nos deux compatriotes puisque le commentaire audio est en langue anglaise. Ils s'en excusent d'ailleurs à la fin mais force est de constater que par moments, on décroche un peu.
Le deuxième commentaire présente Wes Craven et Peter Locke, producteurs, et respectivement réalisateur et acteur sur l'original (Locke jouait le rôle du mutant, Mercury). Craven se demande un peu pourquoi il est là, d'autant plus que pendant le tournage, il était lui-même en post-production sur RED EYE et n'a donc pas pu être présent sur le plateau. Les deux hommes évoquent pas mal de souvenirs de l'original et font preuve surtout d'un humour aussi noir que drôle et politiquement incorrect. Par exemple pour le rôle de Big Brain, Aja voulait un acteur anorexique mais selon nos joyeux lurons, ce n'était pas possible parce qu'il se serait envolé avec les vents du désert ! Entre les blagues, Craven pose beaucoup de questions à Locke sur le déroulement du tournage et ils nous livrent au final un mélange d'anecdotes et d'infos pertinentes saupoudrés d'une généreuse dose d'humour.
Le supplément suivant est un documentaire intitulé «Surviving the Hills» d'environ 50 minutes. Il s'agit d'un Making Of passionnant où l'on découvre des interviews intéressantes avec différents participants et un long segment sur les effets spéciaux, dont le maquillage spectaculaire de Pluto. Bien que cette partie se révèle franchement excellente, cela donne un peu l'impression de voir un magicien qui révèle son «truc» et casse donc la magie, cela ne dénature en rien le résultat final qui est d'un haut niveau. Malheureusement, la partie consacrée à la musique est très brève mais se segment reste un parfait complément au film.
Les «Production Diaries» se composent de sept vidéos titrés individuellement, que l'on peut choisir une par une ou regarder en continu. «Welcome to Morocco» fait un tour d'horizon de l'équipe technique décidément très internationale ! Ensuite, nous avons «Danilo the Bomb Builder» qui nous parle de l'explosion du camping car ; «Missing Fingers» révèle le trucage derrière les doigts coupés de Doug ; «The Scorpion Whisperer» est à déconseiller fortement aux phobiques des arachnides puisqu'on y voit l'homme qui s'occupait des scorpions qu'il laisse se promener sur son visage en souriant… Dans «The Stunt Double», nous faisons connaissance avec la doublure cascade de Doug dans le combat avec Pluto ; «Happy Family» est en fait une présentation des différentes armes du film qui servaient également à l'amusement général ; le dernier segment «Bad Weather» détaille, comme son nom l'indique, l'un des ennemis principaux de tout réalisateur qui tourne en extérieur, le mauvais temps. D'autant plus que dans un désert, il y a des tempêtes de sable qui peuvent transformer la lumière du jour en nuit en un rien de temps.
Le dernier supplément est une vidéo musicale de The Finalists avec un morceau intitulé «Leave the Broken Hearts» qui se compose d'images du groupe alternées avec des images du film et de désastres atomiques. Et ainsi s'achève cette excellente édition américaine non censurée que nous espérons de tout cœur retrouver à l'identique en France plus tard.
Chef d'œuvre pour certains, remake inutile pour d'autres, les avis seront toujours aussi partagés tant que les studios persisteront à réadapter les classiques avec lesquels nous avons grandi. Mais il est incontestable qu'au travers des bonnes intentions d'Aja, cette nouvelle version de LA COLLINE A DES YEUX demeure une excellente réussite qui confirme de prime abord que le réalisateur a choisi le métier qui lui convient.