Header Critique : EXORCISM OF EMILY ROSE, THE (L'EXORCISME D'EMILY ROSE)

Critique du film et du DVD Zone 1
THE EXORCISM OF EMILY ROSE 2005

L'EXORCISME D'EMILY ROSE 

Montrant des signes de possession démoniaque d'une rare puissance, Emily Rose est exorcisée par le père Moore dans la maison familiale. Mais la cérémonie sera si intense qu'Emily périra lors de sa pratique. Le prêtre et les parents de la jeune fille sont alors accusés d'homicide involontaire et passent devant une justice très sceptique sur la prétendue possession d'Emily. Très cartésienne, l'avocate du prêtre va cependant trouver de nombreux points troublants en la faveur de son client.

Tandis que le mort-vivant a le vent en poupe ces derniers temps, c'est une autre figure célèbre du fantastique que nous pensions retrouver avec L'EXORCISME D'EMILY ROSE : le possédé démoniaque qui bave vert et retourne sa tête à 360 degrés (pratique pour prendre le rond-point de la Concorde en voiture). Après un revival raté à l'aube du nouveau millénaire, avec LES AMES PERDUES de Janusz Kaminski ou STIGMATA de Rupert Wainwright, et un quatrième opus de la franchise L'EXORCISTE dynamité de l'intérieur, L'EXORCISME D'EMILY ROSE promettait un spectacle capable de moderniser pour de bon le pauvre innocent torturé par les puissances démoniaques. Et bien non, L'EXORCISME D'EMILY ROSE n'est pas le film d'horreur que l'on croit. C'est une oeuvre hybride, résolument adulte, qui a pour ambition de fusionner l'argument fantastique à l'intérieur du «film de tribunal» dont le public américain est si friand. Une idée audacieuse et parfaitement dans l'air du temps, puisqu'elle va ouvrir le récit d'ordinaire très linéaire de la possession sur une narration à tiroirs prometteuse en fausses pistes ou twist divers, comme la mode le réclame depuis quelques années déjà.

Derrière L'EXORCISME D'EMILY ROSE, il y a les deux compères Scott Derrickson et Paul Harris Boardman. Après un court métrage en 95, co-écrit par les deux et réalisé par Derrickson, le duo prend en charge le cinquième volet de HELLRAISER aux même postes. Sous-titré INFERNO, cet énième opus a le mérite de bénéficier d'une bonne réputation malgré ses libertés avec l'univers de la saga. Après s'être partagé l'écriture d'URBAN LEGEND 2, les deux hommes ont l'idée de L'EXORCISME D'EMILY ROSE après être tombés sur le récit d'une jeune allemande effectivement décédée d'épuisement durant une longue période de «possession» et ce malgré l'intervention des prêtres qui l'exorcisaient régulièrement. Le sticker «tiré d'une histoire vraie» étant toujours efficace sur une affiche de film fantastique, le concept est acheté par un studio qui débloque pour l'occasion un budget confortable et un casting solide : Laura Linney (THE TRUMAN SHOW de Peter Weir), Tom Wilkinson (BATMAN BEGINS de Christopher Nolan), ou encore Campbell Scott (LA PRISONNIERE ESPAGNOLE de David Mamet).

Le film débute avec la mort (suggérée) d'Emily Rose et l'ouverture de l'instruction. Le point de vue est ancré sur l'avocate du père Moore (Laura Linney), qui découvre l'affaire et sa complexité au fur et à mesure des conversations avec son client ou des rebondissements dans l'enceinte du tribunal. Véritable fantôme planant sur le récit, Emily n'apparaît que ponctuellement lors de séquences de flashback pour donner à voir la version des faits des différents témoins. Etait-elle épileptique ou réellement possédée ? Quelle est la responsabilité de la médecine et de l'église ? C'est sous les codes balisés du film de procès, épicés d'une légère touche de ré-interprétation en image d'une même scène (à la RASHOMON), que ce débat glissant va tenter d'être démêlé.

Si L'EXORCISME D'EMILY ROSE se dote d'un concept prometteur, le film échoue à se montrer vraiment convaincant. A vouloir jouer sur deux tableaux (le film de genre et le film traditionnel), le métrage les délaisse à égalité de peur que l'un prenne le pas sur l'autre. Première victime : le fantastique. Emily Rose et sa malédiction ne sont pas assez présents dans le film, ce qui a pour conséquence de faire passer les flashbacks la mettant en scène pour des anecdotes. Si le film cède à de l'effet choc passe partout (les hallucinations d'Emily qui voit les badauds suinter du fluide noir des orbites), ce dernier se montre bien timide lors des séquences de possession. Il est évident que pour la crédibilité de l'histoire, il était hors de question que le personnage fasse un concours de lévitation avec la jeune Linda Blair, mais l'on aurait aimé une vision de la possession un peu plus fine que l'hystérie linéaire proposée. Cela est d'autant plus dommage que l'actrice prêtant ces traits à Emily (Jennifer Carpenter) est une véritable révélation qui aurait mérité mieux que ces quelques scènes caricaturales et déjà vues.

Au niveau du débat de l'instruction, le film échoue là encore à balader son spectateur entre les camps des pour et des antis. La raison en est bien simple : le film prend partie pour le surnaturel. En calquant son déroulement sur l'avocate se laissant convaincre de la possession, le métrage induit son spectateur à faire de même. D'autant plus que l'avocate subit de son côté quelques évènements étranges (à base de portes qui claquent et de radio réveil qui se bloque à la même heure de la nuit), des évènements «objectifs» qui ont pour sens de clairement indiquer l'existence du paranormal. Reste donc à attendre mollement si oui ou non les jurés décideront de l'innocence du père Moore, le débat étant depuis longtemps réglé à l'intérieur du film.

En plus d'être harcelé par le démon, la possédée est de plus maudit par le cinéma. Sortant des sentiers battus, proposant une cinématographie impersonnelle mais globalement élégante, L'EXORCISME D'EMILY ROSE n'en est pas moins un échec d'autant plus amer qu'il y avait matière à un film intelligent quant au rapport au fantastique et la religion. Derrickson a beau être un professionnel consciencieux, il ne parvient pas à nous servir autre chose que du sous De Palma de série télé arrosé d'un parti pris chrétien en contradiction totale avec les enjeux de son sujet.

La copie de l'édition américaine de L'EXORCISME D'EMILY ROSE est d'excellente tenue. Image au format et sans aucun défaut, ce qui semble être la moindre des choses vue la nature récente du film. Les pistes sonores alternent les moments de calme (au tribunal) avec des moments forts d'une grande ampleur. A noter pour les anglophobes que l'édition en version Unrated allongée de quelques minutes de dialogue ne possède ni piste ni sous-titres en français. Pour obtenir un doublage français (canadien ?) et un sous-titrage dans notre langue, il faudra se tourner vers le disque proposant le montagne cinéma.

Dans les bonus, nous sommes surpris de tomber sur un commentaire audio de Scott Derrickson seul, sans son acolyte. La parole y est posée et sérieuse, et l'homme nous brosse son propre film de la genèse à l'explication technique de certains plans astucieux. Nous sommes certes face à un commentaire qui ne révolutionne rien, mais qui se montre suffisamment honnête et soutenu pour tenir l'intérêt.

Ce n'est malheureusement pas le cas des trois featurettes qui reviennent indépendamment sur l'histoire, le casting ou les effets du film. Longuets et rasoirs, les modules sont des odes à la paraphrase et au discours «Target». A peine aperçoit-on quelques images de tournage derrière ces enfilades d'interviews. Enfin, une scène coupée nous est proposée avec ou sans commentaire du réalisateur. Effectivement très dispensable, la séquence s'attarde sur le personnage de l'avocate aux prises avec un ancien amant. Enfin, une tartine de bandes-annonces très diverses vient combler l'espace restant du disque.

Construit sur une idée prometteuse, associer le film de tribunal et le film de possession, L'EXORCISME D'EMILY ROSE échoue malheureusement à proposer une interrogation pertinente sur la légitimité du fantastique dans un récit traditionnel. Les conquis au cinéma de genre seront quant à eux ravis de voir que le film préfère faire naître l'angoisse sur des zooms en direction d'un radio réveil plutôt que sur des séquences d'exorcisme expédiées avec timidité. Reste un téléfilm de luxe, emballé avec savoir-faire, mais que l'on peut aisément accuser de discours unidimensionnel et prosélyte. Un comble !

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
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L'édition vidéo
THE EXORCISM OF EMILY ROSE DVD Zone 1 (USA)
Editeur
Support
DVD (Double couche)
Origine
USA (Zone 1)
Date de Sortie
Durée
2h02
Image
2.35 (16/9)
Audio
English Dolby Digital 5.1
Sous-titrage
  • Anglais
  • Supplements
    • Commentaires audio de Scott Derrickson
      • Featurettes
      • Genesis of the story (19mn47)
      • Casting the movie (12mn23)
      • Visual design (18mn57)
    • Scène coupée (2mn41)
      • Bandes-annonces
      • Boogeyman
      • The Grudge
      • Mirrormask
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