Instituteur dans une école, Andrej Romanovic Evilenko est mis à la porte suite à l'accusation d'une fillette concernant une agression sexuelle. Il retrouve un emploi aux chemins de fer et, pendant ce temps là, la police soviétique retrouve des cadavres dans des états indescriptibles…
Auteur d'un livre inspiré de l'histoire vraie du tueur en série Andrei Cikatilo, David Grieco ne tend pas vers la retranscription fidèle de la réalité. Il l'a ainsi trituré à sa manière ce qui donne une version alternative de l'odyssée meurtrière du prolifique tueur en série soviétique. La même histoire avait d'ailleurs déjà été adapté pour la télévision câblée avec CITIZEN X de Chris Gerolmo et donnait une version assez différente des événements. Difficile en ayant vu les deux de ne pas comparer le film de Chris Gerolmo, basé sur un ouvrage très sérieux sur la question, et le travail de David Grieco si les deux films n'adoptaient pas aussi un point de vue différent. Plutôt que se focaliser sur la passionnante histoire du limier désarmé que pouvait être Bukarov (le véritable homme aux trousses du tueur), David Grieco préfère tourner sa caméra vers l'assassin.
Premier impératif avant de visionner EVILENKO, oublier qu'il puisse s'agir d'une véritable histoire. Tous les noms des protagonistes réels ont d'ailleurs été remplacés y compris celui du tueur qui de Cikatilo devient Evilenko. Les intentions de l'auteur sont d'ailleurs assez évidentes rien que dans le choix du nouveau patronyme ce qui se retranscrit sans ambiguïté sur le visuel avec l'utilisation de deux couleurs différentes pour «Evil» et «Enko». Certainement pas très subtil mais sûrement très efficace pour l'aspect purement marketing ! Et c'est peut être aussi là que le bat blesse, à force de films mettant en scène des tueurs en série, on pensait que les clichés du genre était tombés face à des incarnations plus subtiles surtout dans le cas des schizophrènes. Notre «Evilenko» est donc un vilain en toute occasion et a tout pour faire fuir êtres humains et animaux à cent lieux à la ronde. David Grieco a ainsi transformé son tueur en série en ogre maléfique des temps modernes.
Autre soucis, la politisation du sujet ne fait pas spécialement du bien. Difficile de savoir ce que pense vraiment David Grieco qui évoque le fait, dans le film, que la chute de l'Union Soviètique provoque l'émergence de comportements déviants. Sans oublier que Evilenko est dépeint comme un communiste ultra nationaliste qui n'accepte pas le relâchement de la mère patrie et qui voit des complots tout autour de lui. Et quand on évoque la mort du père du tueur dans un goulag parce qu'il était un traître au régime, on ne sait trop si c'est pour Grieco une façon de développer le lourd passif psychologique de son personnage ou si c'est pour en ajouter sur les exactions commises à l'encontre du peuple russe. On serait tenter de penser à la seconde solution comme cette idée de recrutement d'Evilenko par le KGB. A l'arrivée, le tueur donne carrément l'impression d'être une métaphore du système soviétique qui abuse, tue et dévore un peuple impuissant alors que son temps est compté avec l'avénement d'un nouveau régime. Tout le monde ne partage pas la même opinion à ce sujet et d'ailleurs, dans sa chronique du DVD italien, Francis Barbier a perçu le film de façon sensiblement différente. Il vous expose son point de vue à ce sujet que vous pouvez découvrir dans sa critique.
EVILENKO n'est pas pour autant dépourvu de qualité à commencer par une interprétation de haute volée de Malcolm McDowell en déséquilibré hypnotiseur ! Mais on peut aussi louer le reste du casting (Marton Csokas, Ronald Pickup ou Frances Barber) qui permet de donner une certaine qualité à cette histoire qui se veut réaliste. Il a d'ailleurs été choisi d'aller tourner sur place, ce qui n'était peut être pas très utile dans certains cas, pour offrir un film de facture assez soigné. Reste que le suspense n'est pas au rendez-vous en raison d'un traitement purement dramatique. Quelques séquences pimentent le récit en versant dans le scabreux (le meurtre sanglant dans les toilettes du train, la branche d'arbre…) pour donner un côté un peu plus choc à cette évocation «historique». EVILENKO se pare aussi d'une jolie partition musicale très atmosphérique signée par Angelo Badalamenti.
Puisque le film est une production italienne, le DVD édité en Italie se paraît de deux disques avec moult interviews, scènes coupées et autres documents filmés ; Les plus intéressants de ces suppléments étant certainement les passages concernant le véritable tueur en série. Free Dolphin, de son côté, ne développe pas au delà de la bande annonce. L'éditeur se contente de retranscrire le film avec un transfert au format cinéma et 16/9. En comparant avec l'édition italienne, on s'aperçoit vite que les deux disques n'ont pas la même source. Les titrages (dates, lieux...) sont en anglais sur le disque français et en italien pour le disque commercialisé en Italie. On peut aussi s'apercevoir que le disque français offre une image un peu plus terne et verdatre. Nous avons aussi pu constater qu'en fonction des lecteurs DVD, il y a une légère saute d'image ou bien l'apparition d'une barre disgracieuse à 1'03'18. Enfin, contrairement au DVD italien, il n'y a pas quelques minutes de musiques supplémentaires après le générique de fin.
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Quatre pistes sonores sont proposées. En fait, la version originale anglaise et le doublage français sont déclinés chacun en stéréo surround et Dolby Digital 5.1. En raison de la nature assez minimaliste du métrage, il n'y a pas de grande différence entre toutes les pistes sonores si ce n'est que les versions 5.1 proposent un rendu plus affirmé. Les version Dolby Digital 5.1 sont donc très sobres. Un sous-titrage français est bien évidemment disponible sur la version originale anglaise. Cette option ainsi que le doublage français étaient totalement absents de l'édition italienne qui s'adressait à ceux qui comprennent l'italien (une majorité des suppléments sont dans cette langue) ou l'anglais (au moins pour le film et quelques interviews). La sortie française de EVILENKO, dans un premier temps au sein des vidéo clubs, donnent donc l'occasion à un plus large public français de découvrir ce film. Le même disque devrait être repris tel quel au moment de sa sortie à la vente.
Film d'assez bonne facture technique, EVILENKO accumule tout de même de nombreux poncifs et a un peu de mal à nous impliquer émotionnellement dans son récit. Il donne en tout cas l'occasion à Malcolm McDowell de déployer encore une fois son talent…