Il n'y a pas de tueur en série en Union Soviétique. Il faut le clamer haut et fort. De telles déviances sont le fruit d'un capitalisme forcené se complaisant dans la fange. Un joli discours officiel qui s'accommode mal, au début des années 80, avec un tas de cadavres qui déboule dans l'office d'un médecin légiste. Ne voulant pas prendre de risque avec cette histoire, le colonel de la police du coin donne une promotion au médecin et le bombarde détective en charge de l'affaire...
En fait, il y a vraiment un tueur en série dans le film. D'où sa présence dans nos pages. D'habitude, ce type d'enquête est traité de manière draconienne par un nombre conséquent d'agents. En Union Soviétique, les méthodes sont un peu différentes. Notre héros n'a, en tout et pour tout, qu'une poignée de miliciens et des moyens très limités. Burakov, le personnage principal, n'a pas vraiment demandé à enquêter sur cette affaire. Idéaliste, il représente la nouvelle Russie confrontée à l'immuable machine communiste. Caricatural, on serait à même de trouver tout cela bien suspicieux de la part d'un film en provenance des Etats-Unis. Ce serait sans savoir que CITIZEN X se base sur un livre qui retrace l'histoire de Burakov et de Chikatilo, le tout étant bel et bien tiré d'une histoire vraie. Il est probable que l'on n'échappe pas à certains clichés ni même à l'inévitable adaptation romancée. Pourtant, dans le ton, CITIZEN X est d'une sobriété et d'une sérieuse minutie, nous donnant une impression d'honnêteté. Si l'on excepte une séquence de foule applaudissant nos héros qui fait un peu tâche dans l'ensemble.
Le tueur, CITIZEN X le présente assez tôt dans le déroulement de l'histoire. Il n'est pas question ici de jouer le suspense quant à son identité. A la place, le récit se focalise sur l'enquête fastidieuse et le combat que mène Burakov contre sa hiérarchie. Et surtout sur la relation entre l'enquêteur et son chef (Donal Sutherland), un colonel fondu dans le système soviétique. Les deux hommes apprendront à se comprendre puis à se respecter durant les longues années de l'enquête (près de dix ans !). Ce qui n'a rien d'étonnant puisqu'ils vont chacun dans le même sens. Si ce n'est que Burakov porte sur ses épaules le fait que le tueur peut agir à tout instant. Une situation qui pourrait le mener à la folie et l'on peut se demander si finalement sa rage à vouloir avancer envers et contre tout n'est pas justement ce qui va le sauver.
Burakov n'a rien du héros habituel. C'est un peu l'homme de la rue et Stephen Rea l'interprète sans forcer quoi que ce soit. D'où l'évocation d'un personnage normal, peut-être un peu triste et terne, mais surtout très humain. Voilà qui ajoute du réalisme à l'histoire qui se permet, au passage, de retracer l'évolution sociale liée à la Perestroïka, tout du moins concernant les moyens mis à la disposition des enquêteurs. Jeffrey DeMunn n'est pas en reste en interprétant Chikatilo, un tueur qui inspire la pitié et qui ne trouve de plaisir que dans l'exécution de meurtres pour échapper à une vie creuse et pleine de désillusions.
Les films produits pour les chaînes de télévision n'ont souvent plus grand chose à envier à ceux destinés au grand écran. CITIZEN X en est un bon exemple. L'aspect policée des productions télévisées tend à disparaître. Tout du moins sur les chaînes indépendantes et souvent payantes. C'est le cas de ce que produit HBO avec des téléfilms et séries particulièrement noirs et violents tel que OZ (pas forcément de l'horreur ou du fantastique). CITIZEN X, lui-même, n'est pas à proprement parler un film d'horreur mais n'est pas dénué, non plus, de séquences chocs ou de dialogues explicites.
En dehors d'une poignée de bio/filmographies, vous ne trouverez aucun bonus sur ce disque. Pas de notes sur les faits de la véritable histoire ou les personnalités qui l'ont traversée. Rien de rien ! Un petite déception en regard d'un film passionnant qui bénéficie tout de même d'un transfert image et son fort acceptable.