4. Partie 3
Je voudrais en venir, et il va falloir que vous mexpliquiez un certain nombre de choses, à LHUMANOÏDE.
Ohla !
Jai découvert le film à la Cinémathèque Française il y a quelques temps.
Ils lont passé à la Cinémathèque ?
Oui.
Mais quel dommage de passer ça !
Du moins, je voulais vraiment le découvrir ! Le casting était alléchant, le sujet, vous à la réalisation... Il nexiste pas de DVD, les VHS ne se trouvent pratiquement plus. Je voulais le voir sur grand écran. Mais Comment vous dire Je pense que je nai pas beaucoup aimé.
Bravo !
Il y a des moments de poésie réussis, quelques maquettes dAntonio Margheriti, de beaux décors. La machine à pomper le sang. Et il y a le reste. Jai essayé de trouver des relations avec vos autres films : un sous texte politique, une dualité de personnages... Rien. Et Richard Kiel joue très mal. Quelque chose ma-t-il échappé ?
Non, rien (rires). Javais envie de faire de la science-fiction, avec mon style propre. Jen ai parlé à un producteur, Goffredo Lombardo (Note : ancien président de la Titanus, grande maison de production distribution italienne), qui était en train de faire faillite suite à un film dAltman quil avait co-produit. Il avait des connaissances dans une société dénergie italienne qui lont sauvé de la faillite mais qui lui ont dit de ne faire que de la distribution. Et que ceux-ci soccupaient du financement, via un vieux producteur chevronné. Avec Lombardo, nous avions fait certains choix. Nous voulions Richard Kiel, alors très connu et en train de tourner LOURAGAN VIENT DE NAVARONE en Yougoslavie. On le rencontre, on tente de se comprendre et il a été d'accord. Je trouve un décorateur de théâtre spécialisé dans des décors un peu fantastique, le directeur de la Photo, Vittorio Storaro Et je voulais faire quelque chose de naïf. Un monde tel quon le voit dans les bandes dessinées. On a fait un story-board. Et jai trouvé, via des amis de Los Angeles, aux Etats-Unis un gars pour faire les effets spéciaux, Richard Yuricich. Avec tout cela en poche, je vais voir mon producteur. Pas de réponse Et cela a duré un certain temps, à tel point quavec mon agent, je cherchais à faire un autre film. Deux mois après, on me rappelle. Un autre metteur en scène avait été recherché. Mes demandes étaient trop folles. Le scénario avait été réécrit. Et dautres techniciens avaient été consultés, un décorateur spécialisé en western (qui était malade), un directeur de la photo qui navait rien à foutre avec ce film En fait, ce qui sest passé : cest quau moment de signer avec Richard Kiel, celui-ci a dit « non » car il voulait tourner avec moi, car il avait parlé du film avec moi. Mais tout avait été changé entre temps !
Mais pourquoi avoir alors accepté ?
Mon agent ne trouvant pas dautre film et moi nayant plus dargent, jai du accepter. Avec une lettre du vieux producteur massurant le contrôle du tournage. Sans mon équipe dorigine... Et là commença la catastrophe. La fille du vieux producteur avait trouvé un anglais pour les effets spéciaux. Mais impossible de voir ce quil avait fait auparavant. Et toute la famille du vieux producteur sest trouvée placée dans le film. Jai essayé de sauver les meubles, mais je navais plus envie. Je tassure, au moment où la voiture venait me chercher le matin pour le tournage, jaurais préféré aller en prison.
A ce point là ?
Oui. Pour te dire en plus : nous tournions en Israel. Et ils ont laissé passer le matériel au contrôle laser de lépoque. Résultat : le laser avait laissé des traces sur les négatifs que javais tourné. Et pire, comme les effets spéciaux déjà tournés étaient de la merde, ils ont voulu me virer. Je ne les avais même pas vu ! Alors, jai montré la lettre du producteur et il vira alors sa propre famille. Pour en placer dautres qui volaient le producteur ça nen finissait pas. Jai proposé un plan pour en finir au plus vite. Ils ont accepté Et voilà. Cest un film que je nai jamais aimé. Jai eu la haine dès le départ.
Vous avez été dépossédé du film ?
Oui, car cétait un autre film au départ. Jai du le tourner, car javais signé pour. Mais ce sont pour toutes ces raisons que le film est la merde que cest aujourd'hui.
Vous savez quil y a quand même quelques fans du film.
Mais je men fous Il y aura toujours des fous dans la vie !
Il y a même un site internet dédié au film.
Mais non, ce nest pas possible.
Je peux vous en donner ladresse : www.golobthehumanoid.com
Ce nest pas possible (Pause) Je me suis toujours demandé, et là vous allez pouvoir me répondre. Comment cela se fait-il quil y a tellement de gens qui perdent leur temps à écrire sur les autres sur des sites ?
Pour les cinéphiles, il sagit duvres dart. Il faut transmettre le savoir. Internet est un outil de savoir incomparable qui nexistait pas dans les années 70. Et votre parole intéresse des générations qui nont pas vu vos films et qui ne connaissent pas votre manière de travailler.
Je ne crois pas.
Je ne serais pas là en ce moment si je pensais le contraire. Je pense surtout que la fonction première de lart, cest de faire un commentaire sur la société. Certains y arrivent mieux que dautres. Je nai que mon plaisir de cinéphile pour le commenter. Mais que je sois daccord avec ou pas, il faut parler de ceux qui ont un point de vue précis. Cest précieux pour les générations actuelles et futures. Et accessible de manière globale.
Oui Je comprends. Mais concernant LHUMANOÏDE, ce nétait pas la chose que je voulais faire. Là, je lai fait pour de largent. Je lai mal fait car jallais tous les jours sur le plateau sans avoir envie de le faire. Il y a peut être quelque chose qui reste, mais je ne suis pas sûr.
La musique dEnnio Morricone jaime beaucoup ce quil fait dhabitude. Mais là
Lui aussi a été influencé par les films de Spielberg, lélectronique, tout ça ça nest pas fameux.
Vous avez quand même eu un casting incroyable. Vous avez employé des gens très célèbres à lépoque. Utilisé des seconds rôles italiens très forts : Ivan Rassimov, Venantino Venantini
Cest vrai. Mais
Et vous avez aussi Enzo G. Castellari à la seconde équipe.
Ohlala On ma demandé de faire des scènes daction. Moi je naime pas faire ça. Ca ne mintéresse pas. Alors jai engagé Castellari, car il était un peu grossier avec sa caméra. Comme il est dans la vie.
Justement, on va laisser de côté LHUMANOÏDE. Vous avez co-écrit IL GIORNO DEL COBRA dEnzo G. Castellari. Cest un film que je naime pas beaucoup, avec des idées que je napprécie pas.
Moi aussi. Je lai écrit avec un grand écrivain et metteur en scène, Fabio Carpi. Le film est né dans ma lignée dinspiration dEurope de lEst. Lombardo voulait faire un polar qui se déroulait en Italie, mais qui pourrait se passer aux USA. Jai toujours aimé les polars, à la Mickey Spillane. Jai donc imaginé une histoire avec quelquun de la Mafia qui envoie quelquun en Italie pour rechercher un homme disparu à Trieste avec leur argent. Je voulais un contrepoint politique. En effet, Trieste avait été partagée pendant un temps entre les américains et les français afin dempêcher Tito dentrer en Italie. Et cet homme avait justement été un militaire stationné à Trieste. Et il retrouve sa fille quil avait eu avec une femme de Trieste. Un thriller avec le côté raffiné de Fabio Carpi. Lombardo approuve le scénario et jobtiens le contrat de metteur en scène. Je voulais un acteur américain que jadorais, qui était Richard Widmark. Et Lombardo voulait Rod Steiger. On sest fâché, jai déchiré mon contrat de metteur en scène. Lombardo, qui avait payé le scénario, la donc gardé. Il a continué à travailler avec le vieux producteur de LHUMANOÏDE. Et ils ont choisi Castellari pour la mise en scène, ce qui change tout. Franco Nero à la place de Widmark, lenfant à la place de la fille Cependant, à la fin du film, ils sont revenus vers nous car notre contrat de scénariste prévoyait lapprobation finale ou non. Carpi et moi navons pas du tout aimé le film. Mais en discutant, on navait pas spécialement envie de blesser Castellari. Alors on a fini par signer le film, par respect pour un collègue.
Mais quand même, jai beaucoup de mal. Jai beau aimer Franco Nero, Sybil Danning
Le problème nest pas là. Si vous concevez des spaghettis à la Matriciana : vous prenez de la poitrine fumée, quil faut frire, etc... Ca, cest le scénario original. Ensuite vous dites : je ne mets pas de poitrine fumée, je met des oignons. Je ne met pas dhuile dolive, je mets du beurre ce nest plus la même chose Mais bon, jai toujours pensé quil ny avait jamais de mauvais film dans labsolu. Il y a toujours lamour du metteur en scène, le travail du machino qui a posé les rails pour le travelling Un travail déquipe. Ils ont fait leur film. On y trouve toujours quelque chose de positif.
Et même sur les pires productions ?
Un jour, jai donné un coup de main à une vieille amie à moi, Vera Belmont, sur ROUGE BAISER. Javais un trou dans mon planning et je suis venue laider. Et A lépoque on avait des machinos et des electros qui travaillaient sur un autre film qui sappelait DIESEL. On mavait appelé pour essayer de le sauver au montage. Ce film était terrible, même si le réalisateur était intéressant.
Robert Kramer, quand même.
Mais là il a vraiment tout raté. Et pendant le tournage de ROUGE BAISER, ils faisaient lautre en même temps. Je les entendais rouspéter. « Quest-ce cest chiant ce ROUGE BAISER ». Parce que dans lautre, ils avaient toujours des grands mouvements à régler. Kramer faisait construire des échafaudages, etc... Cest toujours le rapport quont les gens de ce métier par rapport à leur spécificités. Le machino, tu lui donnes des grues, des travellings, il est comblé. S'il faut placer la caméra et attendre les bras croisés que les acteurs fassent leur travail, ça les intéresse pas. Mais chaque personne qui a un rôle dans un tournage le fait avec amour. Même si ce nest pas leur film. Cest encore la force du cinéma.
Vous avez aussi travaillé pour la télévision.
Oui, dans les années 80. Notamment une série de 26 petits films avec des enfants LA PIERRE DE MARCO POLO. Des petites histoires, un peu à la Maupassant. Cela rencontra beaucoup de succès et sest très bien vendu à létranger. Puis une série policière avec Julien Guiomar qui se passait à Verone LE FILS DE LINSPECTEUR, avec Fabio Testi dans le rôle principal. Enfin une série de 13 épisodes avec Stefania Sandrelli, Kim Rossi Stuart, Francesca Neri, Ray Lovelock se passant dans la vallée dAoste, centrée sur un petit village. Avec une petite innovation, la série se deroulait sur 13 mois, avec des histoires qui se retrouvaient dépisode en épisode. Mais au cur de chaque histoire, se passait un événement écologique, le héros principal étant un garde forestier : des eaux souillées, la dégradation de lenvironnement à la montagne, etc.
Parlant de métiers du cinéma, vous avez aussi été acteur dans MORA de Léon Desclozeaux. Vous jouiez, il me semble, le père dAriel Besse. Pourquoi ?
(Aldo Lado éclate de rire). Vous vous souvenez de ça ? Léon faisait partie de mes amis à lépoque, et il ma demandé de jouer ce petit rôle de professeur de grec. Et je lai fait. Jétais content, car javais mon premier contrat dacteur ! Mais je nen suis pas un ! Mais quest-ce quil fait maintenant ?
Il a refait un film en 2000, un semi documentaire en Thaïlande, je crois. Mais depuis, je nai plus rien vu de lui. Mais revenons à vous. Jaimerais que vous me parliez de SCIROCCO. Cest aussi un film que je nai pas compris que vous fassiez.
Moi non plus.
Nous sommes au moins deux, donc ! Parce que lorsque je lai vu en août 1987 en salles, je nai pas saisi lintérêt de cette histoire de photographe qui part au Maghreb explorer sa sexualité.
Jai raté ce film. Dans sa conception, dans le choix des acteurs. Jai été un peu forcé à le faire, car ma femme, avant de mourir, sétait mise à produire. Javais un accord avec Tony Molière pour la distribution. Lidée de SCIROCCO se basait sur la liberté sexuelle de la femme, de faire ses propres choix.
A propos de choix, pourquoi Fiona Gélin ?
Ah non, ce nétait pas mon choix mais celui de Tony Molière. Moi je voulais Marianne Basler, excellente actrice que javais vu au théâtre et dans ROSA LA ROSE FILLE PUBLIQUE. Tony Molière mindiquait que Fiona Gélin était un nom plus vendeur. Mais Fiona Gélin était fade.
Vous ne semblez pas très passionné par le film.
Non. Il y a des films qui téchappent. La seule chose que je peux dire, cest que cette co-production ne sest pas très bien passée. Tony Molière avait un associé tunisien. Cest pour ça quon a tourné en Tunisie. Je ne savais pas très bien ce quil faisait, si ce nest quil avait littéralement- une armoire bourrée de fric. Pendant toute ma carrière, je ne me suis jamais entendu avec les producteurs. Quand jai fait LA CUGINA, on a voulu mimposer une jeune actrice nulle que je ne souhaitais pas. Jai menacé de tout arrêter et les producteurs ont alors cédé. Comme pour le final, jai voulu quelque chose de magique, qui nexistait pas. Doù lidée de le tourner au ralenti. Doù des problèmes de lumière dont nous avons discuté avec mon directeur de la photo. Ceci nécessitait une caméra spéciale. Jappelle le producteur, qui était sur le plateau, pour faire part de notre besoin. Il me dit OK et que nous laurons dans deux jours. Au moment de tourner, je demande la caméra spéciale. Elle nétait pas là. Je dis alors : « on tourne pas ». Le producteur mindique quil a vu la répétition, que cest formidable, quil faut tourner Alors je quitte le plateau. Le soir à lhôtel, je trouve un bouquet de fleurs, une corbeille de fruits et le mot du producteur qui me dit « Je mexcuse, je quitte le plateau et la caméra arrive demain ».
Mais la manière de travailler des producteurs a changé, visiblement.
Oui. Vers mes derniers films, comme ALIBI PERFETTO, je me suis trouvé coincé. Il fallait placer la petite copine du président de la chaîne de télé, ou des problèmes politiques, ce genre de choses. Je navais plus lenvie.
Quen est-il dALIBI PERFETTO ?
Un très mauvais film. Je voulais une actrice française, comme Jeanne Moreau, par exemple, pour donner une allure au film. Le producteur ma dit « prends Annie Girardot, elle est vraiment dans la merde ». A lépoque cétait terrible. Cétait tellement grande comédienne que je nai pas hésité. Mais cétait un film où on ma appelé à la dernière minute, tout était presque prêt et aucun réalisateur navait accepté. Moi, javais besoin dargent et je lai fait.
Vous avez quand même réécrit une partie du scénario.
Cétait une merde totale. Quand tu as un scénario, tu sais que tu en auras 30% à lécran. En poussant le scénario à 60, tu peux peut être en avoir 40. Une merde qui soit un peu moins une merde. Mais une merde quand même. Même avec des gens comme Annie Girardot ou Philippe Leroy.
Un grand acteur dailleurs.
Grand acteur et un type formidable, qui sait tout faire. Il a une école de parachutisme, cest aussi un graveur.
Et le film a marché en Italie ?
Il nest même pas sorti, je crois. Mais le producteur a eu le film quil a voulu.
Il semble difficile à trouver.
Ce nest pas la peine de chercher. Mais tu sais, lorsquon a gravi une montagne, on se trouve forcé à descendre un moment. Et là, cest la descente.
Cest la même chose pour VENERDI NERO ?
VENERDI NERO cest un film né dans la société de production de ma femme. Il y a un des vendeurs de LULTIMO TRENO DELLA NOTTEà létranger, qui mavait dit que si je faisais le même genre de film, il me garantissais que je pourrais le vendre sans problème. Il na rien garanti et on sest retrouvé avec des dettes, cétait la merde totale. Mais ce nest pas un mauvais film. Ce nest pas SCIROCCO. Il y a une atmosphère. Même sil reprend certains mécanismes de LULTIMO TRENO DELLA NOTTE.
Je voulais terminer sur un film un peu à part, LA DESOBEISSANCE, que je trouve très beau.
Merci de men dire du bien car il est toujours oublié.
Jai du mal à le croire.
Tu es le seul qui men parle ! Mais je trouve que cest peut-être mon meilleur film.
Cest quand même une adaptation dAlberto Moravia, entre romantisme et contexte guerrier, éveil des sens et sens historique je trouve quil existe un bonne alchimie entre les acteurs. Karl Zinny est touchant, au milieu de Marie-Josée Nat, Stefania Sandrelli. Cest une poésie touchante, jamais niaise. Et une uvre différente au regard de votre uvre.
Il y a toujours des choses étranges dans le monde du cinéma. Javais fait un téléfilm pour Christine Gouze Renal qui sappelle MONSIEUR MASCANI. Cétait une série sur les musiciens, IL ETAIT UN MUSICIEN, avec des metteurs en scène français, italiens, allemands Elle était très contente du résultat. Elle voulait faire la même chose, mais avec des écrivains. Je tombe sur cette nouvelle de Moravia, que je connaissais. Il me cède les droits de la nouvelle. Je la propose à Gouze Rénal qui la propose à Antenne 2 qui refuse. Cela a semblé trop poussé pour la télévision. Lhistoire se déroulait en 1935-1936, à propos de la rébellion dun jeune homme contre sa famille. Je trouvais intéressante cette histoire de rebellion familiale que Moravia avait écrit en 1946, soit 20 ans avant les événements de 1968.
Cétait plutôt prémonitoire, surtout en Italie.
Absolument. Dautant plus intéressant quil y avait des éléments autobiographiques. Alors jai finis par mattacher à lhistoire et jai réussi à le monter grâce aux distributeurs régionaux italiens. A lépoque, dans chaque région, il existait un distributeur propre. Chaque distributeur national avait ainsi des antennes régionales. Et ce fut les distributeurs régionaux de la Gaumont qui ont avancé largent. Et ce fut la première fois que je travaillai avec Tony Molière en co-production. Il ma dailleurs apporté Jacques Perrin, qui est probablement le meilleur acteur avec qui jai travaillé. Jai alors écrit le scénario et déplacé laction à Venise dans les années 40.
Pourquoi ?
Cétait une période que je connaissais. Beaucoup dépisodes, même si jétais petit, sont des moments que jai vécu. Comme larrivée des maquisards. Et jai grandi à Venise. Jai dailleurs utilisé de grandes focales pour avoir cette Venise écrasée au fond, le quartier bourgeois du Lido, par exemple. Jen avais discuté avec mon directeur photo Dante Spinotti, qui a fait là son premier film en 35mm. Je voulais tourner cela avec de la pellicule Agfa Gevaert. Personne naimait tourner avec. Cela donnait des oranges, faisait sortir les couleurs. Je trouvais la Kodak trop lisse, trop effacée. Jai vraiment pu le faire comme je voulais Cest mon meilleur film dans labsolu.
Mais pourquoi indiquer quon nen dit pas du bien ? Il tient pourtant une place à part dans votre filmographie.
Personne nen parle. Il est considéré simplement comme un autre film que jai fait. Jai toujours essayé de donner un travail qui était le plus diversifié possible, en gardant une ligne directrice, des thèmes récurrents. Comme dans RITO DAMORE.
Cette histoire de cannibalisme inspiré de fait divers ?
Oui. Il sagissait dun japonais qui avait mangé sa petite amie. Mais ce fait divers mintéressait sur la partie amoureuse. En Italie, lorsquune grand-mère parle de ses petits enfants quelle aime beaucoup, il y a toujours cette partie du « Tu es tellement bon que je te mangerais ». Ce nest pas du langage propre, mais il y a cette volonté de faire sien, de manger le bonheur. Il y a peut être cette même expression en France ? Lamour cest mettre lautre en soi. Lhistoire du fait divers, cest que la fille était tellement amoureuse, quelle voulait rentrer dans son ami. Etre en lui, se faire bouffer. Cétait un film presque religieux, catholique. Moi je suis athée. Mais ceux qui font la communion, quest-ce quils font ? Ils bouffent Dieu.
Il y a un côté cannibale dans la religion chrétienne, donc.
Tout à fait. Cest la grande partie des gens qui suivent la religion qui sont cannibales et cannibalisés par la religion. Cest toujours un sujet sur la société, mais dans une autre thématique. Et même dans les films que jai raté, il y avait tout de même quelques choses dutile.
Lorsque justement vous regardez votre carrière passée, auriez-vous souhaité modifier quelque chose ?
On a toujours des regrets. De ne pas avoir fait un film daprès LObélisque Noir dErich Maria Remarque, sur la grande dépression en Allemagne. Je connaissais lex-femme de Charlie Chaplin, Paulette Godard. Elle était mariée alors à Erich Maria Remarque et javais pu alors posé une option sur les droits dadaptation du livre. Mais je nai jamais réussi à réunir les fonds nécessaires. Et jai le sentiment que, si javais pu faire, la trajectoire entière de ma carrière en aurait été bouleversée. Et je pense que je serais rentré dans la gotha des metteurs en scène. Cela aurait été une autre dimension. Cest le seul regret. Mais lorsque je regarde en arrière, jai eu de la chance de faire ce métier magnifique. Il te permet de fantasmer et de faire fantasmer. De créer à partir de rien. Et de pouvoir survivre économiquement en faisant ce métier, ce qui nest pas toujours possible. Même aujourdhui, en qualité de « script doctor ». Mais jai pu le faire uniquement parce que je suis têtu (rires)
Je crois que jai saisi ce fait-là ! En tous les cas, merci davoir pu consacrer ces quelques heures à répondre à mes questions.
Ce fut avec grand plaisir.