Critique du film
et du DVD Zone 2
LEATHERFACE : MASSACRE A LA TRONCONNEUSE III
1990
Un charnier est découvert au Texas pendant que Michelle et Ryan traversent l'état. Après qu'un policier leur a conseillé de s'en aller rapidement sans s'arrêter, ils font une étrange rencontre dans une station service qui les mènera vers une nuit cauchemardesque…
Grâce à Freddy Krueger et la série de films le mettant en scène depuis LES GRIFFES DE LA NUIT, New Line a pris de l'ampleur. L'idée germe alors de proposer une alternative à leur croquemitaine vedette ce qui sera aussi la motivation, un peu plus tard, pour reprendre Jason Voorhees de la série des VENDREDI 13 en commençant par JASON VA EN ENFER. Mais c'est de Leatherface dont il est question ici, ainsi que d'une suite au MASSACRE A LA TRONCONNEUSE de Tobe Hooper. Chez New Line, on voit là une façon de capitaliser sur un film culte tout en essayant de créer une nouvelle franchise, ce qui explique d'ailleurs le titre de LEATHERFACE pour bien axer la promotion sur le personnage principal à même de revenir pour de nouvelles aventures sanglantes. Un choix surprenant puisque MASSACRE A LA TRONCONNEUSE et son bourreau principal n'ont rien de rigolo, ce qui impose dès le départ une approche radicalement éloignée d'un concept de série ! Qu'importe, l'idée est lancée et le film se fera dans une incompréhension totale entre les intervenants : d'un côté les dirigeants du studio et de l'autre Jeff Burr, le réalisateur, ainsi que le scénariste.
Le troisième opus de MASSACRE A LA TRONCONNEUSE est un film qui ne reflète pas vraiment la vision définitive de son réalisateur ou de son scénariste pas plus qu'il ne répond aux attentes de New Line. Après avoir tenté de faire écrire le film par Kim Henkel, co-scénariste du film original, ce qui se soldera par un échec ou encore la fuite de Tobe Hooper au profit de SPONTANEOUS COMBUSTION, la rédaction du scénario est confiée à David Schow, auteur de nouvelles et romans horrifiques, et qui fut attaché à l'écriture de FREDDY 5 : L'ENFANT DU CAUCHEMAR, toujours pour New Line. Mais le script remis n'est pas du goût du studio qui trouve que tout cela va bien trop loin et des séquences seront abandonnées et d'autres modifiées pour atténuer le côté perturbant du massacre vu par le scénariste. Après avoir pensé à d'autres réalisateurs, le studio engage Jeff Burr qui prend la même direction que celle du scénariste, ce qui n'est en soit pas pour arranger New Line. Il sera même débarqué en cours de tournage avant d'être réintégré quelques jours plus tard car, comme le cinéaste le dit lui-même, la production n'a trouvé personne d'autres pour le remplacer et finir le film dans les temps. Suite aux projections-test, la fin est retournée pour ramener un personnage même s'il apparaît improbable qu'il ait pu survivre. Dans le même temps, le film est présenté à la MPAA qui donne les classifications de sortie des films qui sont en quelque sorte un équivalent de nos interdictions. Le but du jeu étant d'éviter une classification plus lourde que le «R» (Restricted) ce qui serait un suicide commercial. Plusieurs passages devant la MPAA plus tard, le film a perdu plusieurs minutes.
Comme le quatrième film, TEXAS CHAINSAW, cette seconde suite oublie volontairement MASSACRE A LA TRONCONNEUSE 2 pour le relier plus directement au premier film. Il n'en conservera que la phrase «The Saw is Family» qui se verra inscrite sur une tronçonneuse customisée devenant l'arme ultime pour Leatherface. Le tueur à la tronçonneuse et le grand-père se voient au passage replacés dans une nouvelle famille d'accueil. Parmi les idées franchement osées de ce troisième opus, on retiendra d'ailleurs une petite fille sadique bien à sa place dans cet environnement, même si son apparence physique contraste avec les dégénérés qui l'entourent. Mais en fait, en dehors de MASSACRE A LA TRONCONNEUSE 2, les autres films sont plus des remakes que de véritables suites. Le canevas des histoires est ainsi le même ou presque que celui du film original : des jeunes gens se perdent, irruption d'un auto-stoppeur, torture physique et morale de l'héroïne, la tablée de dingues, la fuite… L'introduction du film nous dresse un état des lieux suite au premier film et Leatherface est affublée d'une sorte de prothèse orthopédique, conséquence de sa blessure à l'issue de MASSACRE A LA TRONCONNEUSE, mais en dehors de cela, LEATHERFACE suit dans les grandes largeurs les jalons posés par Kim Henkel et Tobe Hooper.
En version intégrale, LEATHERFACE réussit à imposer plusieurs passages franchement horribles et dérangeant au sein de la famille de timbrés. Le film démarre assez bien jusqu'aux événements de la station service où l'on commence à découvrir que le fin fond du Texas n'a rien de très paisible. Dans cette même station service, David Schow se permet même d'emprunter une séquence voyeuriste au PSYCHOSE d'Alfred Hitchcock. Toute cette partie du film commence d'ailleurs à imposer une ambiance étouffante et dérangeante qui sera malheureusement mise en exergue durant toute la suite de l'intrigue avant d'arriver enfin à l'intérieur de la maison de Leatherface. Là encore, le film marque des points mais ne réussit pas vraiment à égaler la tension et l'hystérie de l'oeuvre de Tobe Hooper même lorsqu'il verse dans une horreur graphique bien plus démonstrative que ce que l'on pouvait découvrir dans son modèle.
Metropolitan reprend l'intégralité de l'édition parue aux Etats-Unis mais sur un disque double face et offre donc la possibilité de voir LEATHERFACE en deux versions : celle montrée dans les salles de cinéma et le montage intégral. Mais soyons lucides, la version intégrale qui opère quelques petites modifications dans le montage et ajoute une dose de séquences explicites plus insistantes mais pas forcément plus gore, n'est toujours pas, et cela ne sera jamais possible, celle prévue à l'origine par Jeff Burr et David Schow. Il s'agit de l'un des montages théoriquement refusés par le MPAA. Parmi toutes les modifications opérées tout au long de la création du film, il y a donc la fin originale que l'on retrouve sur le DVD et où Ken Foree se fait tronçonner explicitement le crâne lui épargnant une réapparition stupide à l'issue du métrage mais aussi une fin plus extrême ou en tout cas moins optimiste.
Les défauts de pellicule se font très rares et New Line a donc ressorti une copie d'excellente qualité pour son transfert en DVD. L'image a tout de même un grain visible mais celui-ci est inhérent au tournage. Pour sa sortie en DVD, des mixages multi-canaux ont aussi été réalisés. Pour le disque français, l'éditeur n'a pas repris la piste DTS anglaise mais seulement celle en Dolby Digital 5.1 et y a ajouté un nouveau mixage du doublage français. Pour ce dernier, la vision de la version intégrale oblige l'apparition de quelques scènes en version anglaise sous-titrées français. Les pistes sonores Dolby Digital 5.1 offrent une spatialisation et une reproduction sonore très nette. Comme souvent, on préférera la version originale anglaise puisque de toute façon il apparaît logique de visionner la version intégrale où tout n'a pas été doublé en français.
Le commentaire audio composé de Jeff Burr, David Schow, du maquilleur Greg Nicotero, des acteurs W. Butler et R.A. Mihailoff ainsi que du producteur exécutif Mark Ordesky est un montage composé d'allocutions séparées peut-être issues des deux commentaires où les mêmes intervenants s'exprimaient déjà sur le Laserdisc américain. La mauvaise surprise, c'est que Metropolitan n'a pas réalisé de sous-titrage pour ce commentaire audio et il ne s'adressera qu'à ceux qui comprennent l'anglais. Mais c'est toujours mieux que la suppression pure et simple de cette piste audio, comme ce fut le cas pour JASON VA EN ENFER. Ce commentaire, en raison de son montage, est soutenu et ne contient aucun temps mort mais ne colle que bien peu aux images. En tout cas, il est pertinent d'avoir redonné assez souvent le nom de la personne qui s'exprime avant chacune des interventions. MASSACRE A LA TRONCONNEUSE 2 y est plusieurs fois cité comme un film qui ne répondait pas aux attentes, alors qu'il est pourtant bien plus réussi que LEATHERFACE, et de nombreux points de vue sont bien plus détaillés, comme pour les anecdotes sur le casting et donc Viggo Mortensen, que dans les petits documentaires. Cela reste très intéressant mais d'un point de vue informatif et en raison du manque de sous-titrage sur le commentaire, les documentaires, celui sur les scènes coupées et le Making Of, vous donneront déjà l'essentiel. Toutefois, il faut être conscient que le commentaire ajoute tout de même de nombreuses anecdotes comme le fait que Gunnar Hansen fut approchée pour le rôle de Leatherface ou bien le fait que R.A. Mihailoff est gaucher alors que la tronçonneuse doit être utilisée par un droitier comme dans le premier film.
Le Making Of propose un assemblage d'interviews récentes de la plupart des intervenants où l'on apprend entre autres que Peter Jackson était un choix possible pour mettre en scène le film ou bien que Ken Foree apparaît ici car Jeff Burr est un fan de ZOMBIE. Viggo Mortensen ne fait pas partie des convives mais il faut dire que son interprétation dans LEATHERFACE n'a strictement rien à voir avec celle qui lui a apporté une grande renommée, encore pour New Line, avec LE SEIGNEUR DES ANNEAUX de Peter Jackson.
La partie des scènes coupées est atypique puisqu'il ne s'agit pas de séquences jetées en vrac mais d'une sorte de petit documentaire où Jeff Burr et Greg Nicotero donnent quelques explications à propos de ces bouts de pellicule qui nous sont ensuite présentés. Déjà évoquée, la fin alternative est proposée seule dans son coin. L'excellent «teaser» du film fait partie des suppléments avec son amusante parodie d'EXCALIBUR où Leatherface reçoit sa tronçonneuse de la Dame du Lac ! Des bandes-annonces d'autres films à sortir en DVD chez Metropolitan, comme le remake de MASSACRE A LA TRONCONNEUSE, sont aussi disponibles sur le disque.
Mutilé et modifié, le film de Jeff Burr ne réussit pas à égaler MASSACRE A LA TRONCONNEUSE tout comme il n'offre pas une véritable suite telle que pouvait le faire Tobe Hooper avec MASSACRE A LA TRONCONNEUSE 2. Mais ce troisième opus contient tout de même plusieurs bonnes séquences à l'instar de cette note d'humour noir où Leatherface s'entête à confondre un clown et de la nourriture ! En tout cas, Jeff Burr et David Schow auront bien mieux réussi leur film que Kim Henkel sur le largement plus raté TEXAS CHAINSAW.