Header Critique : MILL OF THE STONE WOMEN (LE MOULIN DES SUPPLICES)

Critique du film et du DVD Zone 0
MILL OF THE STONE WOMEN 1960

LE MOULIN DES SUPPLICES 

LE MOULIN DES SUPPLICES est une co-production entre la France et l'Italie, sortie en plein cœur de l'explosion mondiale du cinéma d'épouvante gothique. Il est réalisé par Giorgio Ferroni, lequel commence sa carrière de réalisateur dès les années 1930, essentiellement dans le domaine du documentaire. Il se tourne ensuite vers la fiction, domaine dans lequel il se montre assez touche-à-tout, surfant, comme beaucoup de ses collègues transalpins, sur les modes d'alors, que ce soit le péplum (HERCULE CONTRE MOLOCH...), le Western (LE DOLLAR TROUE...) ou l'espionnage (NEW YORK APPELLE SUPERDRAGON). Dans le rôle principal, on trouve le français Pierre Brice, lequel n'a pas encore été starifié par sa première interprétation du peau-rouge Winnetou, dans le western allemand LE TRÉSOR DU LAC D'ARGENT, qui date de 1962. Sa petite amie est interprétée par Dany Carrel, elle aussi issue des seconds rôles du cinéma français (elle est la fille aînée de Gabin dans DES GENS SANS IMPORTANCE...). Face à eux, dans le camp des méchants, on trouve deux comédiens allemands, à savoir Herbert A. E. Bohme (vu peu après dans DAS RATSEL DER ROTEN ORCHIDEE) et, surtout, Wolfgang Preiss, comédien d'envergure internationale qui, la même année, incarne pour la première fois le personnage du docteur Mabuse dans LE DIABOLIQUE DOCTEUR MABUSE, un rôle qu'il reprend encore quatre fois par la suite. Le tout est complété par deux habitués du cinéma populaire italien, à savoir la pulpeuse Scilla Gabel (LA CHARGE DES COSAQUES de Riccardo Freda...) et Marco Guglielmi (LES DENTS DU DIABLE de Nicholas Ray...).

Hans est chargé de rassembler de la documentation afin de préparer une monographie dédiée à un carillon bientôt centenaire : le "moulin des femmes de pierre", comme l'appellent les gens du bourg. En effet, ce carillon a la particularité d'être en fait un moulin dont les mécanismes ont été transformés de façon à permettre le défilement mécanique de figures de cire représentant des célébrités féminines et macabres. Hans se rend sur place et rencontre le professeur Wahl, actuel propriétaire du monument. Ce dernier vit dans le bâtiment en question, en compagnie de sa fille Elfi et d'un homme étrange, qui se fait appeler le docteur Bolem. Elfi s'éprend de Hans...

Après les succès gothiques de la Hammer, avec FRANKENSTEIN S'EST ECHAPPE ! et LE CAUCHEMAR DE DRACULA, on assiste, dans de nombreux pays, à une explosion de la production de films d'horreur gothique. L'Italie de l'après-guerre s'est déjà essayée au fantastique, avec un certain succès, en ce qui concerne les péplums mythologiques comme ULYSSE ou LES TRAVAUX D'HERCULE. Dès 1957, Riccardo Freda a tenté, de son côté, de lancer sur le marché transalpin un film d'épouvante, LES VAMPIRES (co-réalisé par Mario Bava), mais c'est un échec commercial. Deux ans plus tard, CALTIKI, LE MONSTRE IMMORTEL, du même tandem, ne fait pas vraiment mieux. 1960 marque par contre un tournant, avec le succès, notamment à l'exportation, du classique LE MASQUE DU DÉMON de Mario Bava. Cette même année, plusieurs autres films d'épouvante italiens apparaissent sur les écrans, comme LE MONSTRE AU MASQUE de Majano, révélant le début d'une véritable vague d'œuvres de ce style. Parmi les titres de ce crû 1960, on trouve aussi une oeuvre, qui, dès sa sortie, attire l'admiration des amateurs de fantastique : LE MOULIN DES SUPPLICES.

Réalisé dans des conditions plutôt confortables (il est en couleurs), il ne se déroule pas dans une ambiance latine. Si LE MASQUE DU DÉMON nous entraînait dans les profondeurs de la Russie légendaire, LE MOULIN DES SUPPLICES choisit, lui, de nous faire voyager aux Pays-Bas. Dès son générique, il réussit à nous plonger dans une ambiance des plus poétiques. Le jeune Hans attend, au bord d'un morne canal, la barque qui le mènera à sa destination. Comme une réminiscence du VAMPYR de Dreyer, un vieux paysan, à la silhouette lourde et au pas lent, appelle le bac en sonnant une lugubre cloche, dont l'écho se perd dans les brume. Pour un peu, on s'attendrait à voir surgir, dans ce paysage désolé, les grands conteurs de la littérature fantastique belge et flamande, comme Jean Ray ou Michel de Ghelderode !

Toujours dans le sens d'une ambiance fantastique, le "moulin des femmes de pierre" lui-même apporte une forte touche d'insolite. Ses charpentes torturées forment des entremêlements chaotiques, rappelant les décors instables de l'expressionnisme allemand. Lorsqu'il est mis en marche, le carrousel fait défiler, sur un fond musical obsédant, les statues de cire de personnages macabres, comme Jeanne d'Arc hurlant sur son bûcher ou Cléopâtre livrant son poignet aux crocs venimeux du serpent. Ce cortège délirant de suppliciées en tous genre rapproche ce long-métrage des récits fantastiques classiques mettant en scène d'inquiétants automates, comme certains écrits célèbres de Hoffmann ou de Poe.

Le récit en lui-même parvient à mélanger, assez astucieusement, des éléments issus du fantastique pur et des idées venant de la science-fiction. On a ainsi droit à un passage fort étrange, mettant en jeu fantômes et hallucinations, au cours duquel les frontières du temps et de l'espace semblent abolies, à la manière d'un glissement incontrôlable vers la folie : alors qu'il erre dans le moulin, Hans se retrouve, au détour d'une porte, dans la crypte du cimetière situé de l'autre côté de la rivière ; il revit un moment insolite vécu lors de son arrivée... La bizarrerie onirique qui se dégage de cette construction semble annonciatrice de certains films à venir, comme DANSE MACABRE, LISA ET LE DIABLE (titre vidéo), INFERNO ou L'AU-DELÀ. Pendant ce superbe passage cauchemardesque, les couleurs sont utilisées de manière expressionniste, prolongeant ainsi certaines recherches amorcées par Mario Bava en tant que chef-opérateur sur LES TRAVAUX D'HERCULE.

D'autre part, certaines séquences mettent en scène des méfaits scientifiques renvoyant à des classiques de l'époque, comme LE SANG DU VAMPIRE, ou LES YEUX SANS VISAGE. Cela fait d'ailleurs partie des relatives faiblesses du MOULIN DES SUPPLICES : en s'inspirant trop évidemment de certains de ses prédécesseurs (comme LES VAMPIRES, LE CABINET DES FIGURES DE CIRE de Leni, MASQUES DE CIRE de Curtiz...), il trahit quelques manques au niveau de son originalité. Heureusement, son récit est suffisamment bien agencé pour ne pas être trop prévisible. On peut encore regretter un démarrage qui prend un peu trop son temps : la première demi-heure du métrage semble manquer de nerfs.

Mais ces reproches pèsent peu face à la satisfaction réelle procurée par la découverte de ce célèbre titre de l'épouvante italienne, à l'ambiance si indéniablement envoûtante. Sorti en 1960 en Italie, il lui faudra attendre septembre 1962 pour arriver en France. Il aura l'honneur d'être le premier film italien de pure épouvante à être chroniqué dans la revue "Midi-Minuit Fantastique" (numéro 3, d'octobre-novembre 1962) : toute une époque !

Avec les années, il reste un titre cher aux cœurs des cinéphiles amateurs d'insolite. Malheureusement, pour les éditeurs, c'est autre chose. Aux USA, il sombre dans l'enfer des films libres de droit, des VHS dupliquées à la va-vite dans les arrière-boutiques, et, récemment des DVD-R.

Heureusement, Mondo Macabro est là ! Si cet éditeur a su donner une nouvelle chance à des titres relativement obscurs (LES WEEK-ENDS MALEFIQUES DU COMTE ZAROFF), voire nous a révélé des films quasiment inédits (ZINDA LAASH), il oeuvre aussi pour la sauvegarde de classiques reconnus comme tels depuis longtemps : LES PROIES DU VAMPIRE par exemple, et aujourd'hui LE MOULIN DES SUPPLICES (NTSC, multizone) !

Le film est présenté dans son format panoramique d'origine (1.66), avec une option 16/9. Ne mentons pas : le travail n'est pas, à proprement parler, parfait. Outre quelques saletés, légères traces de compression et rayures, on regrette un étalonnage des contrastes s'avérant assez inégal selon les plans. De même, les couleurs trahissent parfois une certaine paleur, voire, une légère dominante bleutée. La fixité n'est pas impeccable non plus. Ne faisons pas trop la fine bouche quand même, le résultat d'ensemble reste tout à fait regardable, et ce notamment grâce à des teintes plutôt naturelles et à une définition globalement correcte.

La bande-son est proposée en trois versions : ou bien avec le doublage anglais ; ou bien avec le doublage américain (qui est différent), ou bien avec son honnête doublage français, qu'on peut consulter avec ou sans sous-titrage anglais. Toutefois certaines scènes ne disposent pas d'un doublage français et sont diffusées en anglais (avec des sous-titres français si on choisit de visionner le film en français non sous-titré en anglais. Ouf !). Codées sur deux canaux, ces pistes mono sont honnêtes au vu de l'ancienneté du film. Mais, on aurait aussi aimé avoir une piste sonore italienne en plus...

Au rayon des suppléments, Mondo Macabro nous épate encore en faisant beaucoup avec (relativement) peu : ainsi, on ne trouvera pas de suppléments spécialement filmés pour l'occasion. Par contre, on peut consulter une bande-annonce américaine d'époque (ce qui est classique), mais aussi un générique alternatif français. On peut aussi visionner une version alternative de la séquence de cauchemar, issue du montage américain ; ainsi qu'une petite scène coupée, car n'apparaissant que sur les copies françaises. Peut-être aurait-il mieux valu la réintégrer au métrage (avec, si nécessaire, des sous-titres anglais), afin d'offrir un montage encore plus complet du film ?

Toute une section est consacrée à des bonus écrits. Étant l'œuvre de spécialistes de l'envergure de Pete Tombs et de Lucas Balbo, ce sont évidemment d'incontournables perles pour les cinéphiles curieux ! On trouve ainsi des notes de production et, surtout, d'excellentes biographies illustrées de Pierre Brice, Wolfgang Preiss, Scilla Gabel et Dany Carrel. Enfin, on a accès à une magnifique galerie de matériel promotionnel, regroupant des quantités de dossiers de presse, pavés de presse, photos d'exploitation et affiches en provenance du monde entier ! Superbe ! Bref, sans investir des mille et des cents, mais en s'assurant la collaboration de collectionneurs et de rédacteurs passionnés, Mondo Macabro parvient à offrir une section de bonus de très bonne tenue, dont le contenu est digne des meilleurs fanzines et magazines spécialisés !

Si cette édition laisse de la marge à certaines améliorations (qualité d'image, piste sonore italienne...), elle n'en reste pas moins tout à fait intéressante, permettant de redécouvrir dans des conditions convenables ( et "frenchy friendly") ce titre classique de l'épouvante italienne.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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Un bon film d'épouvante italien
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On aurait aimé la piste sonore italienne
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L'édition vidéo
IL MULINO DELLE DONNE DI PIETRA DVD Zone 0 (USA)
Editeur
Mondo Macabro
Support
DVD (Double couche)
Origine
USA (Zone 0)
Date de Sortie
Durée
1h35
Image
1.66 (16/9)
Audio
US English Dolby Digital Mono
English Dolby Digital Mono
Francais Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Anglais
  • Supplements
    • Bande-annonce
      • Alternate scenes
      • Missing french "Bridge" scene (1mn22)
      • Alternate US cut "Hallucination" scene (6mn30)
      • French title sequence (2mn30)
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