Entre LA DERNIERE VAGUE et le film de guerre GALLIPOLI, quatre années passent sans que le réalisateur australien Peter Weir ne sorte de film au cinéma. Entre-temps, il écrit et réalise néanmoins LE PLOMBIER, un téléfilm, toujours avec le soutien d'organismes publics (Australian Film Commission et South Australian Film Corporation). Comme interprètes, il recrute des acteurs qui feront l'essentiel de leur carrière à la télévision, comme Judy Morris (RAZORBACK...), Robert Coleby (LE FANTÔME DU BENGALE...) et, pour le rôle du "plombier", Ivor Kants.
Dans le petit appartement qu'elle partage avec son mari, Jill Cowper prépare un mémoire d'anthropologie sur une peuplade de Nouvelle-Guinée. Mais la vie de la jeune femme va être bouleversée par l'arrivée d'un plombier étrange. Prétendant effectuer des travaux prévenant une vaste inondation, il met la salle de bains sens dessus dessous. Présent du matin au soir, il est si bruyant qu'il empêche la jeune femme de travailler. De plus, son attitude semble parfois étrange, voire inquiétante. Le mari de Jill, trop absorbé par son travail ne s'en préoccupe pas...
Avec LE PLOMBIER, Peter Weir tourne le dos au fantastique pour se livrer à un petit exercice de style destiné à être diffusé à la télévision. Une femme exerçant un travail intellectuel à son domicile voit son espace vital investi par un plombier aussi bruyant qu'envahissant. Empruntant le point de vue de Jill, le film nous fait percevoir le comportement de ce personnage comme ambigu. Si il est indéniablement irritant par certains côtés, Jill perçoit, en plus, certaines de ses paroles et certains de ses actes comme menaçants, inquiétants. Dès lors, un suspens psychologique se construit, sur un principe vieux comme L'ÉVENTREUR d'Alfred Hitchcock, dans lequel une femme soupçonnait son locataire d'être Jack l'Eventreur. Ce même style de suspens ambigu a été réemployé par le même réalisateur, plus tard, avec SOUPÇONS (une femme suspecte son mari de chercher à l'assassiner) ou L'OMBRE D'UN DOUTE (une jeune fille est convaincue que son oncle est en fait un criminel).
Comme pour ces films, deux solutions sont possibles dans LE PLOMBIER : ou bien Jill a trop d'imagination et ses soupçons sont infondés ; ou bien elle a raison et cet homme est bien un personnage dangereux. Jouant avec le spectateur et avec les codes du thriller, Weir met en place une confrontation entre deux univers totalement différents. Jill est une intellectuelle, que son travail (l'anthropologie) est supposé ouvrir sur les autres. Mais, en pratique, elle vit coupée du reste du monde, retranchée dans un milieu universitaire hors duquel elle ne s'aventure guère. Alors qu'elle est censée chercher à comprendre des populations aux traditions très différentes des siennes, elle se montrera incapable de communiquer avec son propre plombier. Les malentendus vont alors s'accumuler, les deux personnages, qui vont mener à une surenchère totalement absurde.
Si Peter Weir propose un suspens faisant la part belle à l'humour noir, son film n'est pourtant pas exempt de défauts. Après des titres aussi originaux que PIQUE-NIQUE A HANGING ROCK et LA DERNIERE VAGUE, on est peut-être en droit de s'attendre à quelque chose d'un peu plus ambitieux. Il s'amuse ici avec le spectateur en jonglant avec les codes de l'horreur et de la comédie, et offre, en fin de compte, une oeuvre assez anecdotique, bien faite, mais sentant tout de même le déjà-vu.
Amusant, LE PLOMBIER reste en tous cas une curiosité intéressante dans la carrière de son réalisateur. En DVD, il a déjà été publié aux USA, en complément du film LES VOITURES QUI ONT MANGE PARIS (zone 1, NTSC). En France, où il a connu une distribution directement en vidéo, il arrive désormais dans le coffret "Peter Weir" d'Opening, qui contient aussi LES VOITURES QUI ONT MANGE PARIS, PIQUE-NIQUE A HANGING ROCK et LA DERNIERE VAGUE.
L'image est proposée dans un cadrage 1.77 (avec option 16/9) qui n'est pas son format d'origine (la présentation des téléfilms de l'époque était du 1.33, format proposé sur la VHS française). Le DVD américain a été soumis au même traitement et, même s'il faut bien reconnaître que ce recadrage n'est pas extrêmement gênant, on aurait préféré avoir le cadrage original. Quoi qu'il en soit, le télécinéma, récent, est remarquable pour une telle oeuvre. Le rendu de la lumière et des couleurs est admirable, tandis que la compression reste toujours quasi-invisible. Un léger grain est assez présent, mais il est rendu avec beaucoup de naturel. Les plus observateurs remarqueront une petite pixelisation de l'image à un moment, mais ce phénomène est tellement court qu'il est à peine perceptible. Bref, c'est de l'excellent travail pour un téléfilm ayant plus de vingt ans d'âge.
La bande-son anglaise est proposée dans un excellent mono d'origine. La version française sonne plus fatiguée, mais c'est déjà bien qu'elle soit présente, vu qu'il ne s'agit pas d'un titre ayant eu une grande distribution dans notre pays. Le sous-titrage français est amovible à volonté.
En bonus, on ne trouve que peu de choses sur le film lui-même, à savoir : une bande-annonce récente, les bio-filmographies de Peter Weir et Judy Morris, puis une biographie de Robert Coleby. Par contre, on a droit à un document de 40 minutes, qui retranscrit un séminaire tenu en 1989 par Peter Weir, à l'École Australienne de Cinéma et de Télévision. Certes, il n'y parle que bien peu de la partie de sa carrière couverte par le coffret Opening (1974 à 1979), et il se concentre bien plus sur LE CERCLE DES POÈTES DISPARUS qui venait de triompher. Mais il y donne tout de même beaucoup d'informations intéressantes sur son parcours et sur sa vision du cinéma.
Somme toute, cette édition française est assez intéressante, même si l'on regrette la présentation du film dans une cadrage 1.77. Le DVD américain offrant lui aussi le film en format panoramique, il n'y a, semble-t-il, aucune possibilité de voir ce titre en 1.33 pour le moment, en DVD.