Kate Davis (Chantal Contouri) est, sans le savoir, la descendante directe d'une sorcière transylvanienne ayant créé une confrérie vampirique qui perdure de nos jours aux quatre coins du globe. Dans le but de réunir la lignée, cette dernière est kidnappée par l'ordre des suceurs de sang. Soumise à un véritable conditionnement physique et psychologique, Kate va tenter de toutes ses forces de lutter contre une destinée la superposant à ses terribles ancêtres.
Le méconnu THIRST fait véritablement partie de ces films ayant en tête de donner un autre regard sur un mythe codifié jusqu'à l'extrême. Le mythe du vampire, puisque c'est de lui qu'il s'agit, est quelque peu prisonnier de l'image gothico-romantique de son plus illustre représentant à savoir le Comte Dracula. Heureusement, une poignée de films vient à intervalle régulier dépoussiérer tout ça. C'était le cas de NEAR DARK de Kathryn Bigelow où les suceurs de sang étaient représentés comme des desperados fatigués par une vie d'éternité, ou encore de VAMPIRES de John Carpenter où le vampire de base avait plus des allures de mort-vivant dopé à l'ultra-soif de sang. Parmi ces essais finalement assez marginaux par rapport au mythe, THIRST vient apporter une autre vision pertinente.
Dans ce film, le vampire n'est donc absolument pas représenté comme un prince ténébreux gominé craignant les gousses d'ail ou les crucifix. Ici, tout a été épuré à l'extrême pour favoriser un cadre ultra réaliste à l'histoire. Les suceurs de sang du titre n'ont absolument aucune particularité physique paranormale, et si on les entrevoit à quelques moments avec des canines hypertrophiées, c'est uniquement pour assurer le spectacle via des prothèses dentaires lors des cérémonies d'initiations. Tout l'enjeu de THIRST est de nous montrer les vampires comme un groupuscule tendance secte consommant le sang comme une marque de supériorité humaine et sociale. Concentré dans une ferme éloignée du monde, le sang est même «cultivé» à la chaîne sur des spécimens humains pour être ensuite empaqueté dans des briques de lait prêtes à la consommation.
Cette volonté de ramener son histoire à un cadre adulte et hyper réaliste est typique du cinéma Australien de l'époque. Si vous êtes client de films comme PATRICK ou NEXT OF KIN, nul doute que ce THIRST vous comblera. Les amateurs retrouveront même de nombreuses têtes connues au travers du casting du film : David Hemmings (BLOW UP, LES FRISSONS DE L'ANGOISSE, réalisateur du SURVIVANT D'UN MONDE PARALLELE), Henry Silva (immortel méchant de la série BUCK ROGERS), et même «le» Patrick à savoir Robert Thompson. Quant au réalisateur du titre, Rod Hardy, il s'agit de son quasi unique film de cinéma puisque le monsieur s'est exclusivement consacré à la télé au travers de nombreux téléfilms ou séries (comme la mise en scène d'une poignée d'épisodes d'X-FILES).
Sans déluges d'effets spéciaux ou de rebondissements superflus, THIRST déroule sa narration sans aucune concession au spectaculaire. Si le thème de la société supérieure se nourrissant des plus faibles est tout juste effleuré, le film se montre extrêmement précis quant à la description de l'addiction de Kate. En tentant de transformer une personne normale en suceur de sang, le film nous plonge dans une véritable cure de désintoxication à l'envers où la réalité ne cessera de se dérober face au calvaire psychologique de l'héroïne. Cèdera-t-elle a la consommation d'hémoglobine ? Tel est le ressort principal de ce film atypique.
THIRST est donc une très bonne surprise si l'on accepte volontiers que la narration prenne son temps. Loin d'être un défaut, ce rythme posé permet de peindre avec moult détails cet univers hyper original de communauté cultivatrice de sang. Si l'on regrette finalement que le scénario ne soit pas plus dense face aux différentes possibilités de son histoire, on appréciera en revanche une mise en scène somptueuse et une interprétation impeccable. Du fantastique de grande classe, dont on ne comprend d'ailleurs toujours pas la confidentialité de nos jours.
Il y a une justice en ce bas monde ! Si THIRST est victime d'un manque de reconnaissance flagrant, cela n'empêche pas Elite de lui réserver les honneurs d'une édition de toute beauté. La qualité du transfert est en effet à tomber quand on pense qu'il s'agit d'un petit film vieux de près de 25 ans ! De quoi rendre justice au très beau travail photographique du métrage, qui n'est pas pour rien dans la réussite de son ambiance si particulière. Pas de remix audio ce coup-ci, mais un mono toutefois suffisamment clair pour se faire efficace (à noter que le disque propose une piste doublée en espagnol). Malheureusement pour les non anglophones, aucun sous-titre d'aucune sorte n'est disponible.
Moins spectaculaire dans ses bonus, l'édition fait preuve d'un bel effort comme celui de convoquer le réalisateur Rod Hardy et le producteur Anthony I. Ginnane pour un commentaire audio. Pour les deux hommes, le film fait figure d'histoire un peu ancienne. Ces deniers se consacrent donc plus volontiers à une description de l'industrie cinématographique australienne de l'époque au détriment d'une véritable analyse. De tels propos étant plutôt rares, nous n'irons pas nous en plaindre. A noter que l'éditeur fait preuve d'une initiative toute bête et pourtant bien utile. Pour éviter que le spectateur mélange les intervenants, ces derniers sont séparés l'un à gauche l'autre à droite de vos haut-parleurs.
Sur une autre piste alternative, nous trouvons la musique du film isolée du reste de l'environnement sonore. De quoi satisfaire les fans de Brian May (non, pas le guitariste de Queen, l'autre Brian May), et de se rendre compte à quel point le compositeur effectue ici un tour de chauffe pour l'une de ses partitions les plus mémorables à savoir la musique de MAD MAX 2. May expérimente sur THIRST beaucoup d'idées (surtout sur les cuivres) qu'il resservira quasiment à l'identique pour le films de Miller. D'autant plus étonnant que les deux métrages n'ont strictement rien à voir dans leurs atmosphères. Plus classique mais non moins superflus, la section bonus propose des bandes-annonces et des spots télé d'époque, de nombreuses filmographies des membres de l'équipe, ainsi qu'une galerie de photos et d'affiches plutôt copieuse.
Excellente redécouverte, THIRST nous prouve (si besoin est) que le cinéma Australien fut une véritable mine de films fantastiques adultes et maîtrisés. La plus grande qualité du film restera sa vision très originale du mythe du vampire, que près de vingt-cinq ans de redigestion cinématographique n'auront toujours pas rendu obsolète. L'impeccable édition du titre ne fournit désormais plus d'excuse à l'injustifiée confidentialité du film.