Malcom Crowe est un célèbre psychologue pour enfants. Un soir, un de ses anciens patients fait irruption dans sa maison avec un revolver et lui reproche de ne pas l'avoir aidé à se débarrasser de sa peur. Il lui tire une balle dans le ventre et se suicide sous ses yeux. L'année suivante, Crowe prend en charge le cas de Cole Sear, un enfant victime d'hallucinations morbides. Ce garçon prétend entendre et voir des personnes mortes...
M. Night Shyamalan est né en Inde, puis a grandi à Philadelphie avec ses deux parents médecins. Il s'oriente tôt vers le cinéma, réalisant des courts-métrages avec les moyens du bord durant son adolescence. Il passe à la vitesse supérieure en réalisant son premier long métrage, PRAYING WITH ANGER, à propos d'un émigré indien qui revient dans son pays. Un film qu'il réalise, écrit et interprète. Ce titre est remarqué positivement en festival et le réalisateur sort en 1995 son second métrage, à nouveau sur un sujet non fantastique : WIDE AWAKE.
Il manque encore un vrai succès à M. Night Shyamalan pour émerger dans le monde du cinéma. Il écrit alors le scénario de SIXIÈME SENS qu'il soumet à divers producteurs, et notamment à Kathleen Kennedy et Frank Marshall, complices historiques de Steven Spielberg. Ceux-ci acceptent de produire le métrage avec le support du studio Disney. Bruce Willis est alors une vedette en vue, ayant cumulé au cours des années quatre-vingt-dix de gros succès comme PULP FICTION, L'ARMÉE DES DOUZE SINGES, LE CINQUIÈME ÉLÉMENT ou ARMAGEDDON. Le voir s'orienter vers un film à moyen budget, plutôt intimiste et narrant une histoire de fantômes, genre alors en désuétude, surprend son monde.
A ses côtés, nous trouvons Haley Joel Osment, acteur enfant déjà croisé dans FORREST GUMP de Robert Zemeckis et dans le film d'ami imaginaire BOGUS, avec Whoopi Goldberg. Son interprétation subtile de la mélancolie de Cole Sear lui vaudra d'être très remarqué.
SIXIÈME SENS baigne dans une ambiance à la fois lente et apaisée, imprégnée de la lumière automnale et mélancolique que distille la photographie de Tak Fujimoto, chef-opérateur ayant déjà travaillé sur les images mortifères du SILENCE DES AGNEAUX.
La plupart de ses scènes "d'horreur" sont très bien amenées et font frissonner. Tournant le dos à l'épouvante Gore et explicite des années quatre-vingts et quatre-vingt-dix, laquelle donnait le beau rôle aux maquillages et aux effets spéciaux, SIXIÈME SENS s'oriente vers une inquiétude suggérée, raffinée, rappelant les classiques d'un fantastique retenu comme LA FÉLINE de Jacques Tourneur, LES INNOCENTS de Jack Clayton ou L'ENFANT DU DIABLE de Peter Medak. En cela, il indique un tournant à 180 degrés dans le cinéma d'horreur d'alors.
Sous l'effet conjoint de SIXIÈME SENS et du LE PROJET BLAIR WITCH, il va en effet tourner le dos à l'ironie et aux meurtres sanglants que SCREAM et le Néo-Slasher ont popularisé peu avant. Toutefois, tout n'est pas égal dans SIXIÈME SENS et certaines séquences sont moins réussies (les pendus dans le collège).
Bruce Willis joue sobrement son rôle de psychiatre. Le jeune Haley Joel Osment se montre parfois impressionnant, mais peut aussi se laisser aller à un cabotinage irritant dans certaines scènes. Toni Collette charge parfois son interprétation de mère déboussolée.
Les scènes d'horreur ne sont pas l'essentiel de ce film très personnel. Il parle en fait des relations entre les vivants et les morts de façon touchante. Il aborde des sujets comme l'absence de communication, le manque de confiance entre les personnes et la peur des autres. Les dernières scènes (avec la mère, et avec le psychologue et sa femme) versent tout de même dans le larmoyant et brisent la retenue sensible et délicate caractéristique du film. Peut-être SIXIÈME SENS aurait-il dû finir après la pièce de théâtre où Cole joue le rôle du roi Arthur arrachant Excalibur à son rocher (Arthur était aussi un enfant doué d'un don caché).
Malgré certains passages creux (notamment au début), une interprétation inégale et une fin discutable, SIXIÈME SENS est un film intéressant à la réalisation soignée. Il installe par moment une sensation de peur fine, délicieuse pour les amateurs d'épouvante cinématographique.
À sa sortie, SIXIÈME SENS apparaît comme l'œuvre d'un auteur singulier, à suivre attentivement. Au vu de ses producteurs et de l'adulation qu'il porte à Steven Spielberg, M. Night Shyamalan est alors parfois désigné, un peu vite, comme le successeur de ce dernier. Il confirme cependant avec talent le succès public et critique considérable de SIXIÈME SENS grâce à son second métrage fantastique : son chef-d’œuvre INCASSABLE, qui approche la figure du super-héros sous un angle inédit et donne à nouveau la vedette à Bruce Willis.
Le succès de SIXIÈME SENS aux USA et celui de RING au Japon entraînent une avalanche de films de fantômes. C'est particulièrement en Espagne qu'émergeront les titres les plus marquants du genre, avec des titres comme L'ÉCHINE DU DIABLE de Guillermo del Toro et LES AUTRES d'Alejandro Amenábar. Aux USA, les remakes de films de fantômes asiatiques connaissent un fort impact, en particulier LE CERCLE de Gore Verbinski.
La carrière de M. Night Shyamalan connaîtra ensuite des hauts et des bas. Mais il restera fidèle au fantastique et à l'horreur sous toutes ses formes. Il tournera, entre 1999 et 2024, pas moins de quatorze métrages tous rattachés à ces genres, en brassant des thèmes et des styles très variés, du blockbuster familial (LE DERNIER MAÎTRE DE L'AIR) au thriller stressant (TRAP), du Found Footage (THE VISIT) au film-catastrophe surnaturel (PHÉNOMÈNES). Par sa façon discrète d'aborder des facettes variées du surnaturel et par son goût des dénouements inattendus, il se place, à sa façon, dans le prolongement d'un Rod Serling, le maître d’œuvre de « LA QUATRIÈME DIMENSION ».