Ana se réveille un matin pour voir son fiancé massacré et son univers plongé dans le chaos : les morts se réveillent pour devenir des zombies affamés. Avec un groupe de survivants, elle se réfugie dans un centre commercial.
Il fallait un certain culot pour s'attaquer au remake de l'un des classiques les plus vénérés du cinéma d'horreur, ni plus ni moins que le DAWN OF THE DEAD de George Romero ! Chef d'œuvre du cinéma des années 70, film engagé dont la mise en scène et l'interprétation sont insurpassables, portant la paternité de son illustre metteur en scène, mais également de son producteur, Dario Argento, DAWN OF THE DEAD plus connu en France sous le titre de ZOMBIE garde encore aujourd'hui tout son impact et sa modernité. Intemporel comme toutes les grandes oeuvres, voilà bien un film qui n'avait nul besoin d'être refait.
Mais c'était sans compter sur l'actualité récente, qui a remis le cinéma d'horreur au goût du jour. Comme dans les années 70 où des films tels que DELIVRANCE de John Boorman ou LA DERNIERE MAISON SUR LA GAUCHE de Wes Craven tentaient d'exorciser la violence de l'Amérique du Viêt-Nam, il devenait nécessaire qu'une nouvelle génération de cinéastes brossent aujourd'hui le tableau de l'Amérique post-11 septembre. Outre cette fonction cathartique du cinéma d'horreur, il faut ajouter le flair des studios hollywoodiens, qui ont vu aussi la possibilité de mettre en place un projet au fort potentiel lucratif. En effet, 2003 a vu coup sur coups le succès sur les écrans de MASSACRE A LA TRONCONNEUSE, premier remake d'un classique du cinéma d'horreur des seventies, mais également de 28 JOURS PLUS TARD de Danny Boyle, fortement inspiré des films de morts-vivants de Romero. Mettre en place un remake de DAWN OF THE DEAD s'imposait donc vraisemblablement comme un bon moyen de surfer sur ces deux réussites commerciales.
Restait à réunir des individus assez fous pour accepter de marcher sur les pas du père du cinéma de morts-vivants moderne ! Au scénario, ce sera James Gunn (dont la carrière fait le grand écart entre TROMEO & JULIET et SCOOBY-DOO) et à la mise en scène, Zack Snyder (jusqu'alors réalisateur de spots publicitaires). Le casting est intelligemment partagé entre l'excellente Sarah Polley, une habituée des films d'auteur (THE SWEET HEREAFTER), et Ving Rhames, un second couteau incontournable du cinéma de genre (PULP FICTION).
La philosophie des auteurs est claire dès la séquence pré-générique qui ouvre le film : évacuation du discours de Romero sur la société de consommation et de tout son commentaire sur les années 70, pour mieux se recentrer sur l'action, le suspense et le gore. Et ça marche ! Car disons-le tout net : les quinze premières minutes de L'ARMEE DES MORTS sont franchement bluffantes. Conscient de ne pouvoir atteindre le niveau de frénésie et de folie de l'introduction du film original - située en huis clos sur un plateau de télévision -, Snyder utilise son confortable budget pour présenter ce que Romero n'avait pu tourner faute de moyens : des scènes apocalyptiques à grande échelle, dont chaque fan avait rêvé jusqu'alors. Le spectateur assiste ainsi à l'avènement des zombies et à la chute d'un monde qui sombre de manière irréversible dans le chaos et la sauvagerie. Tendue comme un arc, tétanisante et brutale, rythmée par la musique de Johnny Cash, cette entrée en matière nous plonge dans un état de choc. On notera par ailleurs que le superbe générique est signé Kyle Cooper, déjà réalisateur de celui de SE7EN.
La suite, si elle n'atteint plus jamais l'état de grâce de ce démarrage tonitruant, reste d'un excellent niveau, et plutôt fidèle au pessimisme de l'oeuvre de Romero. Bourré d'action, le film est également porté par une galerie de personnages particulièrement bien campés, au sein desquels se détachent ceux interprétés par Jake Weber, sorte de sosie attachant de Dustin Hoffman, et Michael Kelly, dans le rôle particulièrement jouissif de CJ. Ayant substantiellement réduit l'intrigue et le propos du film original, Zack Snyder maintient l'intérêt avec plusieurs scènes-choc qui satisferont les spectateurs friands d'émotions fortes. Hélas, le réalisateur pousse peut-être le bouchon un peu trop loin lorsqu'il nous gratifie d'un bébé zombie peu convaincant mais qui, heureusement, disparaît très vite. Peu importe car ce remake se distingue nettement des films d'horreur de ces dernières années, notamment par son absence notable de concession au teen-movie. Le film est traité tambour battant de manière sérieuse et ambitieuse, avec un indéniable talent visuel. On regrettera un montage parfois trop syncopé dès qu'il s'agit de fusillades (la nouvelle mode du cinéma américain), mais qui peut se justifier si l'on considère que le réalisateur a voulu adopter un style proche de celui d'un bulletin télévisé pris sur le vif.
Certains spectateurs, dont Romero lui-même, se sont offusqués des libertés prises avec le film original, notamment concernant les zombies, ici très différents des habituels cadavres lents et grotesques vus dans les films précédents. Avec ce remake, nous avons affaire à des cannibales féroces et affamés, prêts à piquer un 100 mètres pour atteindre leurs proies, comme d'ailleurs dans le film de Danny Boyle. Franchement, l'outrage ne nous parait pas flagrant, d'autant que l'on a déjà vu des morts-vivants de ce style dans le cinéma italien. Surtout, le meilleur moyen de rendre hommage à la démarche irrévérencieuse et iconoclaste des auteurs de cinéma gore est certainement d'adopter une optique tout aussi irrespectueuse que la leur, et donc de prendre certaines libertés avec les références. Notons à cet égard que Snyder n'oublie pas de rendre hommage à son modèle, puisque nombre des acteurs du film de 1978 font ici une apparition, parmi lesquels l'inusable Tom Savini, mais surtout Ken Foree, l'exceptionnel interprète de Peter dans le film de Romero.
Mais c'est précisément au moment de l'apparition de Ken Foree, dans le rôle d'un télévangéliste, que le spectateur risque de ressentir un malaise. On a compris que Snyder n'entendait pas reprendre à son compte le propos anticapitaliste, voire anarchiste, de son modèle. En revanche, certains passages du film, et surtout le discours de Ken Foree dans la version longue, conduisent à s'interroger sur les intentions du réalisateur et de son scénariste. Que l'avènement des morts-vivants puisse être une métaphore de l'actualité de ces dernières années, c'est une évidence qu'il n'était nul besoin de souligner. Mais certaines images insistent sur ce propos. L'image de musulmans priant au début du générique frénétique et apocalyptique avait déjà éveillé les esprits, mais que penser du télévangéliste expliquant, sans autre commentaire, que l'humanité fait l'objet d'un jugement divin pour s'être adonnés à l'homosexualité et à l'avortement ? Peut être faut-il y voir une dénonciation maladroite de l'Amérique de Bush, plutôt qu'un propos construit qui, pris au premier degré, rendrait le film douteux.
Au final, ce remake de DAWN OF THE DEAD, pour ceux qui sont prêts à en accepter le principe et à excuser certaines légèretés dans le propos, constitue une excellente surprise, et l'un des grands moments du cinéma d'horreur américain de ces dernières années. Tout juste regrettera-t-on que le succès commercial du film ait engendré une série de remakes nettement moins réussis de classiques des seventies, parmi lesquelles les épouvantables AMITYVILLE ou FOG.
Aux Etats-Unis, L'ARMEE DES MORTS avait fait l'objet de deux éditions distinctes, l'une comprenant la version sortie en salles, et l'autre celle du réalisateur. En France, Metropolitan a eu l'initiative particulièrement heureuse de sortir ensemble ces deux montages dans une édition double DVD, qui répartit par ailleurs entre les deux disques tous les bonus des éditions américaines.
Qu'il s'agisse de la version cinéma ou du Director's cut, le film est présenté dans une splendide image 16/9, qui restitue pleinement l'expérience ressentie en salle. Chaque montage du film peut être vu en version française (Dolby Digital 5.1 ou DTS), ou en anglais (Dolby Digital 5.1 mais cette fois sans DTS) avec des sous-titres français non optionnels. Si on peut être réservé sur les Director's cut en général, on recommande pour une fois vivement la vision de celui-ci, plus long de dix minutes qui ne viennent toutefois pas modifier le rythme du film. Outre quelques plans sanglants disséminés tout au long du métrage, le réalisateur ajoute plusieurs scènes approfondissant les personnages de Michael Kelly et Jake Weber, ainsi que la totalité du discours du télévangéliste évoqué plus haut. Ces inclusions sont insérées harmonieusement, sans artifice de montage, et ont donc pleinement leur place dans le film. On peut ainsi parier que c'est ce Director's cut qui restera bientôt dans les esprits comme LA véritable version de L'ARMEE DES MORTS. C'est en tous cas ce que Zack Snyder, qui présente son montage le temps d'une courte introduction, semble penser.
Pour le reste, autant avouer que les bonus ne nous feront pas danser la carmagnole. Le commentaire audio du réalisateur et de son producteur, présent tant sur la version cinéma que sur le Director's cut, est purement anecdotique. Enregistré avant même la sortie du film en salle, ce commentaire manque vraisemblablement de la distance nécessaire pour pouvoir nous livrer une quelconque information ou analyse digne d'intérêt, en dehors de la satisfaction manifeste de Snyder et de son producteur devant leur bébé.
On se reporte alors sur les bonus du premier disque, dont deux courts segments a priori excitants, le flash spécial (21 minutes) et la cassette d'Andy (16 minutes), conçus comme des extensions au film lui-même. Ainsi, le flash est composé d'une série de bulletins télévisés décrivant la panique collective liée à l'arrivée des zombies. La cassette d'Andy nous présente un personnage secondaire du film, parlant à son caméscope à la manière d'une confession intime, narrant sa solitude au fur et à mesure que son immeuble est encerclé par les morts-vivants. Sur le papier, on veut bien croire que ces idées pouvaient être amusantes, et partaient d'une bonne intention, à savoir réaliser des bonus créatifs qui veulent prolonger le plaisir du film. Malheureusement, ces deux bonus se révèlent longs, mal joués, et plus grave, franchement ennuyeux.
Le Making-Of de 23 minutes, parfaitement conventionnel, présente des images du tournage ainsi que de courtes interviews du réalisateur, du scénariste et de quelques acteurs. Monté suffisamment vite pour éviter l'ennui, ce documentaire n'apporte pas pour autant d'informations dignes d'intérêt. Tout juste pourra-t-on apercevoir un James Gunn dans un état de bonheur communicatif, manifestement heureux et fier d'avoir pu scénariser le remake d'un de ses films préférés. Le premier disque se termine sur les bandes-annonces du film.
Le second DVD contient tout d'abord trois featurettes sur les effets spéciaux, se focalisant successivement sur les maquillages, les «explosions crâniennes» et les «meilleurs zombies», le tout sur une vingtaine de minutes. Une fois encore, rien ici ne sort du lot commun des bonus, mais les fans d'effets spéciaux trouveront certainement matière à s'amuser.
On s'enfonce dans l'absence totale d'intérêt avec neuf courtes scènes coupées, toutes présentées avec des sous-titres français, ainsi qu'un commentaire audio optionnel du réalisateur et du producteur. Qu'il s'agisse de versions alternatives de scènes déjà présentes dans le film, ou de plans supplémentaires, leur retrait apparaît particulièrement fondé, tant elles semblent parfaitement inutiles, même en simple qualité de bonus. Mais on touche franchement au néant abyssal avec l'interview, exclusive à cette édition, des deux comédiens Jake Weber et Ty Burell. N'ayant strictement rien à nous dire sur le film, les deux acteurs remplissent poussivement les dix minutes de cette interview avec une telle nonchalance qu'on se demande s'il ne faut pas prendre leurs propos au second degré. Si nous ne pouvons que saluer les bonnes intentions de l'éditeur, qui a voulu ici enrichir les suppléments de l'édition américaine, une telle initiative est malheureusement gâchée par des bonus strictement promotionnel. Ce deuxième disque se termine par la bande-annonce du DAWN OF THE DEAD original, laquelle laisse rêveur quand on pense aux possibilités qu'offrait une comparaison du film de 1978 avec son remake. Surtout, nous aurions bien aimé savoir dans le détail ce qu'en pense Romero !
Chacun l'aura compris, si les bonus sont présents en quantité, seule la version longue mérite vraiment l'attention, l'ensemble des featurettes et autres scènes coupées étant parfaitement dispensables. Mais la qualité du film justifie de toutes façons pleinement l'acquisition du DVD. En attendant le remake à venir du JOUR DES MORTS-VIVANTS…