C'est en direction de Daytona Beach que s'en vont Anderson, Nelson et Corey, étudiants à l'humour graveleux en quête de bières et de fesses. Leur route sera toutefois quelque peu déviée par un étrange panneau de signalisation leur indiquant la direction de Pleasant Valley… Un mal pour un bien puisque l'accueil que leur réserve la séduisante ville est étonnement jovial. Charmantes demoiselles se trémoussant explicitement et alcool en quantité déraisonnable sont autant d'arguments qui vont décider nos vils comparses à participer à la grande fête annuelle de la petite commune sudiste. Suite à l'arrivée de cinq autres jeunes vacanciers, les festivités peuvent enfin commencer dans ce cadre certes rural mais ô combien convivial. Dès lors, copulation et levé de coude deviennent bien vite les activités privilégiées de notre bande d'ahuris aveugles aux agissements des habitants de Pleasant Valley… En effet, malgré son air sympathique et son œil pétillant, le Maire Buckman, aidé de ses deux mille concitoyens, prépare en réalité un banquet des plus marginaux à base de barbecue humain, de pâté de blonde et de boudin Nordiste.
C'est en 1963 avec son célèbre BLOOD FEAST que Herschell Gordon Lewis crée un nouveau genre cinématographique, le gore. L'idée est alors simple : Greffer sur une trame scénaristique filiforme un maximum d'effets saignants et repoussants, transposant ainsi au cinéma le concept mis en scène par le théâtre du Grand Guignol dont les premiers débordements gores apparaissent en 1904 dans la pièce LA DERNIERE TORTURE. Malgré son budget étriqué de 24.000 dollars, le film est un franc succès qui permit même à quelques petites salles de subsister durant plusieurs semaines. Fort de cette réussite, Herschell Gordon Lewis et son ami David F. Friedman enchaînent alors sur DEUX MILLES MANIAQUES !, l'histoire simple de personnes égarées puis accueillies à bras ouverts par deux mille Sudistes se préparant à commémorer leur «Guts and Glory». Bien vite, les hôtes comprendront qu'ils sont aussi les principales attractions de cette célébration morbide…
Nous voici maintenant en 2000 et le cinéma d'horreur, après un petit passage à vide, revient en force sur les écrans. Tim Sullivan, co-scénariste de LA CHOSE, décide alors de s'atteler à la réalisation de son premier long métrage. L'homme contacte alors Herschell Gordon Lewis, lui demande son accord pour réaliser une suite à DEUX MILLES MANIAQUES ! et enchaîne sans attendre sur l'écriture d'un scénario. Le film sera aussi bien une suite qu'un remake et s'intitulera tout simplement 2001 MANIACS en raison de l'année de sortie prévue par l'optimiste Tim. Malheureusement, la recherche de financements n'est guère fructueuse et il faudra attendre 2003 pour que la situation puisse être débloquée.
C'est en effet un an plus tôt que le jeune Eli Roth cartonne au box-office avec sa première réalisation nommée CABIN FEVER. Ce véritable hommage au cinéma horrifique des années 80 permettra à Roth de créer en mai 2003 sa propre société de production, Raw Nerve, en compagnie des scénaristes/réalisateurs Boaz Yakin et Scott Spiegel. Tim Sullivan trouvera alors en cette société un allié précieux et surtout la moitié du budget nécessaire à la réalisation de son saignant métrage. Fort de cette association, la mise en chantier peut débuter et c'est en 2005, soit 41 ans après l'original, que 2001 MANIACS verra le jour…
Cependant, durant les quatre décennies écoulées, l'amateur de gore a pu voir bien des choses à l'écran. Le cinéma d'horreur a fait son petit bonhomme de chemin, certaines «règles» ont été instaurées et bon nombre d'oeuvres ou de réalisateurs ont su marquer le genre de leur empreinte inimitable... Nourri de ces différentes influences, Tim Sullivan va donc nous concocter un mets des plus délectable, mariant à la fois classicisme et modernisme. Le classicisme, nous le retrouverons tout d'abord dans la trame scénaristique, monstrueusement banale, calquant à l'identique celle du film de Lewis (écrite en deux jours seulement) déjà remarquablement simpliste. C'est par ailleurs avec une joie scandaleusement perverse que nous constatons que Sullivan reprend de même les mises à mort sanglantes et peu communes qui avait fait le succès de l'œuvre originale. Mais plus que cela, c'est le ton global, festif à la limite du comique adopté par DEUX MILLES MANIAQUES ! que nous pourrons retrouver dans cet étonnant remake…
A côté de cela, le jeune réalisateur n'hésite pas une seconde à remettre au goût du jour ce qui, reconnaissons le, avait bien vieilli. Il rajeunit donc les différents protagonistes pour coller à la «norme» actuelle qui veut que l'âge moyen des premiers rôles ne dépasse que très rarement les 25-30 ans. Sans doute sous l'influence de Eli Roth, il injecte par ailleurs dans son film une (trop) grande quantité de situations à caractère érotico-comique, faisant par moment lorgner son film vers la comédie pesante type AMERICAN PIE. C'est ainsi que nous aurons droit à bon nombre de clichés avec entre autres un couple de métisses sado-masochistes, une initiation homosexuelle, deux cousines très proches l'une de l'autre, un frustré obligé de se satisfaire à l'aide de son traversin, un sudiste visiblement amoureux de son mouton récalcitrant, etc. A cela viendra bien sûr s'ajouter une pelletée de décolletés généreux, d'allusions plus qu'explicites et de personnages décomplexés comme cette laitière dont on se demande bien naturellement d'où elle tire son lait…
Avouons que le côté « horrifique » de l'entreprise a bien du mal à trouver sa place dans ce contexte détendu et bon enfant qui prend le pas durant plus d'une heure de métrage. Tim Sullivan ne s'arrête pourtant pas là et se permet un nombre impressionnant de clins d'œils et de caméos en tous genres. Citons tout d'abord DELIVRANCE auquel le film rend hommage à plusieurs reprises. Nous retrouverons donc une brève scène de «duel» au banjo accompagné d'une danse grotesque, une réplique sans équivoque («Je l'ai fait couiner comme un porc !») et l'acteur Bill McKinney, célèbre sodomite animalier dans le film de John Boorman qui interprète ici l'un des sympathiques maniaques… Le spectateur attentif pourra par ailleurs reconnaître Eli Roth dans le rôle de Justin, l'homme au chien déjà présent dans CABIN FEVER. A ceux-ci viennent s'ajouter Kane Hodder dans le rôle de «Jason» en référence à la saga VENDREDI 13, Scott Spiegel, scénariste de EVIL DEAD 2, Travis Tritt (célèbre chanteur de country) dans le rôle d'un pompiste et enfin Tim Sullivan en personne. John Landis et David F. Friedman n'auront pas la même chance que leurs petits camarades et se trouveront malheureusement coupés au montage définitif…
Malgré cet aspect ludique incontestable, Sullivan n'en oublie pas pour autant l'horreur et le politiquement incorrect. Les mises à mort s'avèrent dès lors particulièrement nombreuses et savoureuses. Outre les classiques mais réjouissants démembrements, nous aurons donc droit à quelques scènes évocatrices comme celle au cours de laquelle l'acteur afro-américain Mushond Lee se verra bien malmené sur un lit de coton. Brian Gross, interprète du membre gay de l'équipe, se verra quant à lui violemment puni pour sa sexualité difficilement acceptée par les sudistes centenaires… Les amoureux de l'œuvre de Lewis regretteront toutefois l'absence de la scène devenue culte du tonneau ou d'une scène parvenant réellement à l'égaler.
2001 MANIACS est donc dans l'esprit un film particulièrement respectueux du matériau d'origine, allant jusqu'à reprendre une bonne partie des chansons écrites à l'époque par Herschell Gordon Lewis. Le film adopte de plus un ton très similaire à son modèle lorsqu'il s'agit par exemple de parodier à outrance le côté rustique des sudistes qui constituent la population de la petite bourgade isolée de Pleasant Valley.
Au-delà de cela, le spectateur sera heureux de constater que DEUX MILLES MANIAQUES ! se voit largement surclassé par son remake. Tout d'abord au niveau des acteurs puisque la troupe d'amateurs embauchés sur les lieux même du tournage laisse ici place à une brochette de «gueules» absolument magnifiques menées tambours battants par le génial Robert Englund. L'inoubliable interprète de Freddy Kruger trouve en effet ici un rôle à sa mesure, dans lequel il peut laisser exploser sans complexe son immense talent et sa folie sadique. Le Maire Buckman en devient un personnage à la fois sympathique et diabolique, comme le montre ce final fort bien mis en image se déroulant au beau milieu d'un cercle de flammes infernales… L'homme sera par ailleurs secondé par l'excellente Lin Shaye, étonnante dans le rôle d'une Granny Boone d'apparence placide allant pourtant jusqu'à lécher langoureusement l'extrémité d'une lance ruisselante de sang…
Bien entendu, 2001 MANIACS n'atteint ni le niveau d'excellence du récent THE DEVIL'S REJECTS ni le degré de tension provoquée par le haletant remake de LA COLLINE A DES YEUX. Reste qu'il nous convie à un spectacle qui parvient sans mal à maintenir son spectateur en constant éveil, intrigué qu'il est par la foule d'événements drôles, sexy ou gores qui s'enchaînent sans relâche et sans véritable fausse note.
L'édition DVD chroniquée ici est celle proposée à la location depuis quelques mois. De fait, elle ne contient qu'une simple bande annonce en guise de bonus. L'édition commerciale devrait répondre aux attentes des DVDphiles en nous proposant des suppléments plus développés avec normalement les scènes coupées évoquées auparavant.
Le film nous est proposé au format 1.85 d'origine avec un transfert 16/9 qui délivre une image d'assez bonne tenue. Les pistes sonores sont au nombre de quatre et c'est en stéréo ou en 5.1 que nous pourrons profiter de la piste originale anglaise ainsi que du doublage français. Si les pistes 5.1 sont agréables, il est étonnant de constater à quel point leurs homologues stéréo sont étouffés… Le doublage français s'avère par ailleurs décevant à de très nombreuses reprises, faisant l'impasse sur de nombreux jeux de mots comme cette demoiselle prénommée «Peach» cherchant désespérément un partenaire pouvant lui fournir la crème nécessaire à la création d'une pèche melba que l'on imagine du meilleur goût. Le doublage devient même ridicule lorsque l'un des personnages évoque son «Dog Tag», plaque militaire portée en pendentif, et que la traduction française nous inflige un étonnant «collier de chien porte-bonheur» ! A éviter donc de toute urgence, ne serait-ce que pour ne pas avoir à supporter les voix horriblement nasillardes de certaines protagonistes…
A l'heure où l'on est en droit de se poser la question de l'utilité de certains remakes, 2001 MANIACS débarque et remet au goût du jour, avec brio, un classique vieux de plus de quarante ans. La cure de jouvence fait merveille et l'œuvre modeste et très bancale de Herschell Gordon Lewis trouve ici une seconde vie. Le résultat demeure encore imparfait du fait de son scénario trop simpliste, de ses clichés souvent trop lourds et de l'absence de scènes destinées à devenir culte mais qu'importe car le pari est réussi. Tim Sullivan devient donc dès son premier long métrage un réalisateur qu'il convient de surveiller d'un œil attentif…