En 1983, avec DEAD ZONE, le producteur Dino De Laurentiis amorce une série d'adaptations de textes de Stephen King. Nous le retrouvons ainsi derrière FIRESTARTER de Mark Lester, le film à sketchs CAT'S EYE de Lewis Teague, puis PEUR BLEUE de Daniel Attias. Détenteur des droits de la nouvelle "Poids lourds", extraite du recueil "Danse macabre", De Laurentiis demande à Stephen King d'en écrire lui-même l'adaptation, comme il l'avait fait pour certains épisodes de CAT'S EYE et pour PEUR BLEUE. Mais l'écrivain refuse et, finalement, un autre scénariste rédige cette transposition, laquelle ne plaît ni à King, ni à De Laurentiis. Et finalement, De Laurentiis revient à la charge, proposant à Stephen King non seulement d'écrire le film, mais aussi de le... réaliser !
Stephen King reconnaît que ce n'est pas la première fois que la mise en scène d'un film lui est proposée. Les compagnies de production s'imaginaient alors sans doute qu'il pourrait renouveler sur grand écran ses succès littéraires. Ici, c'est la première fois qu'il accepte une telle tâche. MAXIMUM OVERDRIVE se tourne alors à Wilmington, dans l'état américain de la Caroline du Nord où De Laurentiis a récemment fait construire des studios de cinéma. Le budget, plutôt raisonnable, de 10 millions de dollars, est investi avant tout dans la construction du Dixie Boy, station routière où va se dérouler l'essentiel de l'action. La distribution donne la vedette à Emilio Estevez, fils de Martin Sheen et frère de Charlie Sheen. Sa jeune carrière semblait alors prometteuse, oscillant entre comédie adolescente (BREAKFEAST CLUB, ST. ELMO'S FIRE) et fantastique (REPO MAN, EN PLEIN CAUCHEMAR).
La Terre traverse la queue d'une énorme comète et, apparemment sous cette influence céleste, les machines commencent étrangement à se détraquer. Un pont mécanique s'ouvre accidentellement, alors que de nombreux véhicules sont engagés sur sa voie. Un distributeur de boissons lance des cannettes en direction d'un entraîneur de base-ball. Un passant se fait injurier par un distributeur de billets... Des phénomènes comparables font leur apparition dans le Truck Stop Dixie Boy. Un couteau électrique agresse une cuisinière, des machines à sous se détraquent. Surtout, les camions garés sur le parking s'animent d'une vie propre et se mettent à agresser les humains. Rapidement, les occupants de cette station se retrouvent assiégés par une dizaine de poids lourds sans conducteur !
Au départ, "Poids lourds" est une nouvelle assez courte, semblant ne décrire qu'un épisode d'une action plus longue, commençant auparavant et supposée se poursuivre après le dernier mot du texte... Rapporté au film, ce texte correspond en gros aux évènements se déroulant entre l'arrêt de l'électricité dans le Dixie Boy et la fuite de ses occupants. Autant dire que, pour en faire un long métrage, Stephen King a dû se livrer à un important travail d'écriture, élaborant ainsi tout une nouvelle première partie montrant des machines diverses et variées se révolter à plusieurs endroits. King rajoute aussi de nouveaux personnages, tel celui du petit garçon, et offre une explication aux évènements. Une explication absente de la nouvelle et louchant largement vers la science-fiction des années 50… Cet anachronisme apporte alors à ce long métrage une touche ironique, rétro, absente du texte d'origine.
Car, contrairement à "Poids lourds", MAXIMUM OVERDRIVE joue sur divers registres, dont le principal s'avère la comédie. Les personnages, d'abord, sont souvent des caricatures lorgnant vers le grotesque, telles cette jeune mariée porcine et colérique accompagnée par son benêt d'époux. Ou Hendershot, le patron du Dixie Boy, ordure campée avec gouaille par Pat Hingle. Ou encore un marchand de bible opportuniste et polisson... Autant de figures tracées à gros traits par un King au regard acide, n'hésitant pas, par moment, à se laisser aller à un humour franchement scatologique, à base de pets et de matière fécale !
L'humour de MAXIMUM OVERDRIVE se retrouve aussi dans ses séquences d'horreur. King avait très tôt clamé son admiration pour EVIL DEAD de Sam Raimi. Il n'est donc pas étonnant de le voir aborder les séquences gore, nombreuses, sous un angle délirant, avec un humour cruel dénué de concession...
Malheureusement, le travail d'étirement de la nouvelle "Poids lourds" se ressent à de nombreux endroits. Les séquences de siège se font parfois fastidieuses, longuettes. Les vagues interactions entre les personnages, telles la romance entre Emilio Estevez et l'auto-stoppeuse, ne fonctionnent pas bien. Plus grave, MAXIMUM OVERDRIVE s'avère par moment répétitif dans ses péripéties, et l'attention du spectateur peut se relâcher...
Pourtant, MAXIMUM OVERDRIVE ne doit pas être rejeté en bloc. En effet, King s'amuse - et nous amuse - en démolissant tout ce qui lui tombe sous la main : camion, voitures, humains, maison... Tout est bon pour être concassé, écrabouillé, aplati dans un déluge de cascades et d'effets spéciaux assez jubilatoire, rythmé adéquatement par le puissant hard rock d'AC/DC ! A ce titre, l'ouverture sur le pont mécanique reste un moment assez anthologique, tout comme le très jubilatoire dernier quart d'heure du film et ses scènes de destruction hallucinantes ! MAXIMUM OVERDRIVE nous apprend au moins une chose : si Stephen King n'avait pas été écrivain, il aurait sans doute travaillé en tant qu'artificier ou dans la démolition ! La violence du film lui vaut d'ailleurs des soucis de censure : Stephen King fut contraint de retirer plusieurs secondes de gore dans le métrage, le MPAA envisageant de classer son film "X" s'il ne s'exécutait pas. Par exemple, la scène au cours de laquelle un enfant se fait écraser par un rouleau compresseur durait quelques secondes de plus, le spectateur étant censé voir gicler du sang à ce moment. Des secondes qui, depuis, n'ont pas été, à notre reconnaissance, réintégré dans quelque copie du film que ce soit...
A sa sortie, MAXIMUM OVERDRIVE reçoit pourtant un accueil tiédasse. De la part de celui qu'on considérait alors comme un "maître de l'horreur", le public attend un chef-d'oeuvre. Il ne livre qu'une amusante Série B, un joujou dans lequel il se défoule comme un gosse lâché dans une cour de récréation ! King lui-même ne sera, par la suite, pas tendre, considérant MAXIMUM OVERDRIVE comme un ratage, avouant sans ambages que mettre un film en scène est un travail dont il ne connaissait pas les plus élémentaires rudiments au début du tournage. Quant au public, il boude définitivement MAXIMUM OVEDRIVE, que ce soit dans les salles françaises ou américaines...
MAXIMUM OVERDRIVE ne mérite pas d'être jugé avec sévérité tant son absence de prétention et sa bonne humeur destructrice rendent aujourd'hui éminemment sympathique cette production bien de son époque ! Signalons enfin que "Poids Lourds" connaîtra plus tard une autre adaptation audiovisuelle : le téléfilm TRUCKS de Chris Thomson, sorti en 1997...
MAXIMUM OVERDRIVE est sorti dans quelques éditions laserdisc NTSC, mais sans jamais avoir les honneurs d'une édition particulièrement soignée. En DVD, c'est à peine mieux. Aux USA se sont succédées deux éditions Anchor Bay puis Fox, dans de bonnes copies, mais sans suppléments à l'exception de quelques notes écrites et de la bande-annonce. En France, MAXIMUM OVERDRIVE a été publié très tôt en DVD, et est ressorti sous plusieurs bannières. Ici, nous traitons de l'édition Opening...
Ce disque français propose MAXIMUM OVERDRIVE dans une copie respectant le scope 2.35 d'origine (quand bien même la jaquette annonce par erreur un format 1.85) et dans un télécinéma 16/9. Dès les premières images, nous grinçons des dents : définition grossière, couleurs délavées, contrastes atténués, poussières... Voici un transfert passable qui, s'il reste regardable, mériterait une mise à jour.
En bande-son, nous trouvons la piste anglaise d'origine ainsi que la version française d'époque, toutes les deux disponibles dans leur mixage Dolby Stéréo. L'ensemble sonne correctement, malgré des timbres tout de même un peu durs. Sur la version originale, un sous-titrage français inamovible est disponible... En guise de suppléments, il nous faut nous contenter de quelques notes écrites sur la carrière de Stephen King, de sa bibliographie et de sa filmographie.
Bref, nous voici face à un disque franchement minimaliste et datée. MAXIMUM OVERDRIVE est ressorti par la suite chez DVDY dans une édition proposant le même contenu augmenté de remix DTS Arkamis (les pistes Dolby Stereo d'origine sont - heureusement - aussi fournies). Somme toute, MAXIMUM OVERDRIVE n'a pas été gâté dans notre pays, quand bien même il peut se trouver facilement à des tarifs tournant aux alentours de l'euro symbolique...