Header Critique : HARVEY

Critique du film et du DVD Zone 2
HARVEY 1950

 

Dans sa petite ville, tout le monde considère Elwood P. Dowd comme un original. Il prétend en effet être accompagné en permanence par son ami Harvey, un lapin géant invisible, avec lequel il converse souvent. Mais tout cela ne fait pas les affaires de sa soeur Veta et sa nièce Kelly, qui vivent dans sa maison et aspirent à une existence plus traditionnelle...

Vedette incontestée de la comédie américaine d'avant-guerre, James Stewart y avait imposé un personnage quotidien, rêveur et courageux, dans des comédies pleines d'optimisme et de bons sentiments réalisées par Frank Capra : VOUS NE L'EMPORTEREZ PAS AVEC VOUS et MR. SMITH AU SENAT. C'est à l'apogée de cette première carrière, peu après avoir tourné des classiques comme RENDEZ-VOUS de Lubitsch ou INDISCRETIONS de Cukor, que Stewart abandonne Hollywood, en 1941, pour se consacrer exclusivement et très activement à une héroïque carrière militaire dans l'aviation américaine, qui le mènera jusqu'au grade de colonel. Une fois la guerre achevée, Stewart reprend son personnage classique pour le célèbre conte de Noël fantastique LA VIE EST BELLE, qui marque son retour triomphal au cinéma. Mais sa comédie suivante, MAGIC TOWN de Wellman, est un bide, qui force l'acteur à se remettre en question. Il va alors s'orienter vers des rôles plus graves, auprès de nouveaux réalisateurs : LA CORDE de 1948, qui marque sa première collaboration avec Hitchcock, et des westerns, comme WINCHESTER 73 D'Anthony Mann ou LA FLECHE BRISEE de Delmer Daves, indiquent une nouvelle direction pour la Star. Pourtant, un de ses succès les plus mémorables de cette période sera encore une comédie humaniste dans la tradition de Capra : HARVEY de Henry Koster.

HARVEY est en premier lieu une pièce de théâtre à succès de Mary Chase, qui commença à être montée à Broadway en 1944. Le rôle de Elwood P. Dowd y était tenu par Frank Fay, parfois remplacé par James Stewart à partir de 1947. Le spectacle ayant un énorme succès, la firme Universal envisage de l'adapter au cinéma, en un film réalisé par Henry Koster, qui s'était déjà illustré peu avant avec un autre classique de la comédie fantastique : HONNI SOIT QUI MAL Y PENSE, dans lequel Cary Grant incarne un ange. Comme acteur principal, la compagnie hollywoodienne préfère James Stewart, une célébrité du cinéma, plutôt que Frank Fay. On retrouve aussi Josephine Hull (belle-soeur de Henry Hull, le loup-garou du MONSTRE DE LONDRES), star de Broadway, qui n'a que peu tourné au cinéma, bien qu'elle reste dans toutes les mémoires comme une des "Aunties" empoisonneuses d'ARSENIC ET VIEILLES DENTELLES de Capra.

Elwood P. Dowd, vieux garçon de 42 ans, mène une vie pour le moins curieuse. Il passe ses journées à faire le tour des cafés en compagnie d'Harvey. Jusque-là, rien de bien original. Sauf que seul Elwood est capable de voir Harvey, qui serait un lapin géant et parlant, de près de deux mètres de haut ! Dès lors, tout le monde semble prendre Elwood pour un fou... Sa soeur Veta et sa nièce Kelly, qui partagent sa maison, n'en peuvent plus de ses manies excentriques qui font d'eux des parias de la vie sociale locale. Après qu'Elwood ait semé le désordre à une réception de Veta, celle-ci décide de le faire interner en clinique psychiatrique. Mais, suite à un malentendu, c'est la respectable vieille dame qui se retrouve enfermée dans une cellule aux parois capitonnées !

A partir du milieu des années 1930, suite au succès de FANTOME A VENDRE tourné en Grande-Bretagne par le français René Clair, la comédie fantastique va connaître un essor fort important à Hollywood, avec la mise en chantier rapide du COUPLE INVISIBLE et ses gentils fantômes. Les comédies mettant en scène le surnaturel avec plus ou moins de sérieux, deviennent fréquentes : L'ETRANGE SURSIS en 1939, LE MYSTERE DU CHATEAU MAUDIT de George Marshall, le faustien TOUS LES BIENS DE LA TERRE de Dieterle... Ce mouvement va se poursuivre tout au long des années 1940, avec René Clair (MA FEMME EST UNE SORCIERE, C'EST ARRIVE DEMAIN), Mankiewicz (L'AVENTURE DE MADAME MUIR...), Capra (LA VIE EST BELLE) parmi de nombreux autres. A la même époque, la seconde vague de films de monstres de la Universal (lancée par LE FILS DE FRANKENSTEIN en 1939) semble trahir un certain manque d'inspiration et d'ambition, si bien que ce cycle se verra, lui aussi, mis à la sauce de la comédie en confrontant les plus fameuse figures de l'épouvante aux comique Abbott et Costello, à partir de la seconde moitié des années 1940 (DEUX NIGAUDS CONTRE FRANKENSTEIN...).

De son côté, HARVEY aborde le surnaturel d'une manière plutôt ambigüe. En effet, un des enjeux du métrage va consister à déterminer si Harvey est le fruit de l'imagination d'Elwood ou s'il existe bien. Lorsque des proches de cet exentrique commencent à croire en l'existence de son compagnon invisible, on peut se demander s'ils ont été influencés par des coincidences et par les certitudes du fou, ou bien si cet esprit farceur est une réalité. Afin, de maintenir le suspens, le scénario s'amuse à semer des indices troublants, comme le chapeau percé au niveau des oreilles, par exemple.

Comme dans les plus célèbres comédies interprétées par Jimmy Stewart, tout va reposer sur la mise en valeur des bons sentiments et de la bonne volonté (incarnés par Elwood), opposés à l'égoïsme et au conformisme social (Veta). Si la première partie du métrage amuse le spectateur en opposant le comportement fantaisiste du rêveur et les réactions hystériques de sa soeur, le film va, comme on s'approche du dénouement, passer à des choses plus sérieuses. Certes, Elwood est un farfelu et un alcoolique, mais c'est aussi un personnage d'une grande sociabililté, capable d'être ouvert aux autres sans préjugés ni arrière-pensées. Alors que Veta cherche en vain à se faire des "amis" parmi l'"élite" de la ville, son frère ramène presque chaque soir à dîner des gens de toutes provenances : vagabond, chauffeur de taxi...

Qui plus est, il distille dans ses paroles une sagesse généreuse dont sauront tirer profit ses proches, comme il leur ouvrira les yeux sur la simplicité des valeurs menant au bonheur. Difficile de résister au plaisir de citer une tirade synthétisant tout l'état d'esprit dont est friand le public de ce style de comédies humanistes : "Il y a des années, ma mère me disait : "Elwood" - elle m'appelait toujours Elwood - "dans ce monde, pour réussir dans la vie, tu dois être ou très malin, ou très gentil." Pendant des années, j'ai été malin. Aujourd'hui, je recommande la gentillesse !"

Il faut reconnaître que, si l'effusion de générosité fait son petit effet lacrimal dans la seconde moitié du métrage, le début est peut-être un peu plus laborieux. L'origine théâtrale du projet reste très évidente, aussi bien dans une réalisation aussi sage que discrète, que dans un recours très fréquent à d'abondants bavardages. Cantonné dans des décors de studios peu variés, les acteurs pétillent heureusement de talent et de fantaisie, et finissent par emporter l'adhésion du spectateur.

Sans être digne des meilleurs Capra, HARVEY reste une bonne comédie fantastique dans le style chaleureux et touchant qui a fait la célébrité de sa vedette. Il connut un beau succès à sa sortie aux USA, où il reste un des Jimmy Stewart les plus aimés du public. Il sera refait plusieurs fois à la télévision, et connaîtra même un dérivé étrange avec DONNIE DARKO et son lapin maléfique, ou des variations très éloignées comme K-PAX. En France, toutefois, HARVEY est loin d'avoir la même réputation.

Déjà publié en laserdisc au début des années 1990, ce titre est sorti en DVD aux USA (NTSC Zone 1) en 2001, chez Universal. Il arrive enfin en Europe (Zone 2 PAL) dans ce format chez le même éditeur.

L'image est proposée dans son format 1.33 d'origine, sans option 16/9. L'état de la copie est plutôt bon pour un film de 1950. Certes, on ne peut pas rater les quelques saletés et poinçons qui perturbent ponctuellement la propreté de la pellicule. On constate un grain assez présent, ainsi qu'une fixité (un tout petit peu) instable. Certains petits moirages sont perceptibles. Néanmoins, le transfert numérique est inattaquable. Les contrastes et la définition sont remarquables, tandis que la compression est tout simplement invisible.

La bande-son est proposée dans diverses langues, en mono codé sur deux canaux : anglais, français, allemand, italien et espagnol. Les pistes française et anglaise se débrouillent très bien au vu de leur âge. Enfin, on trouve toute une batterie de sous-titrages de la zone 2, dont un français, bien entendu.

La section bonus (sous-titrée), assez chiche, reprend du matériel disponible sur le Zone 1. On y trouve une émouvante présentation audio du film par James Stewart, enregistrée en 1990, sur laquelle défile une belle sélection de photographies de plateau et de tournage (7 minutes). On peut aussi consulter une bande-annonce américaine d'époque. Et puis c'est tout. Les notes de production et les filmographies du Zone 1 se sont apparemment perdues au cours de la traversée de l'Atlantique !

Relativement méconnue en France, HARVEY est tout de même une bonne comédie américaine classique, que les amateurs de ce genre (re-)découvriront avec plaisir. Certes, cette édition est un peu limitée en interactivité, mais elle est proposée à un prix très raisonnable.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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L'édition vidéo
HARVEY DVD Zone 2 (France)
Editeur
Support
DVD (Double couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h40
Image
1.33 (4/3)
Audio
English Dolby Digital Mono
Francais Dolby Digital Mono
German Dolby Digital Mono
Italian Dolby Digital Mono
Spanish Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Anglais
  • Français
  • Supplements
    • Introduction de James Stewart sur une galerie de photos (7mn08)
    • Bande-annonce
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