Un beau jour, à la gare de Grand Central à New York, un
inconnu apparaît, comme surgi de nulle part. La police l'interpelle
: l'homme affirme s'appeler Prot, et être un extra-terrestre en
provenance de la planète K-Pax, venu sur Terre en voyageant sur
un rayon de lumière. Il est aussitôt envoyé dans
un asile psychiatrique où il est pris en charge par le docteur
Powell. Après plusieurs entretiens, Powell se met à douter.
Et si cet homme était bien ce qu'il prétend être...
?
K-PAX est au départ un roman publié en 1995 par l'écrivain américain Gene Brewer, qui lui donna deux suites : ON A BEAM OF LIGHT et THE WORLDS OF PROT. Le producteur Lawrence Gordon en acquiert les droits dès 1995. Mais le projet mettra du temps à se concrétiser. Kevin Spacey est contacté assez tôt, et se montre intéressé, bien qu'on ne lui propose pas encore de jouer Prot (à un moment, on envisagera de le faire interpréter par Will Smith). Toutefois, tout auréolé du prestige que lui a apporté son interprétation dans AMERICAN BEAUTY, c'est finalement Spacey qui décroche ce rôle. Jeff Bridges (TRON, STARMAN de John Carpenter, FISHER KING de Terry Gilliam...) interprète le docteur Powell, tandis que, parmi les malades de l'hôpital, on reconnaît David Patrick Kelly (LES GUERRIERS DE LA NUIT de Walter Hill, DREAMSCAPE...).
Le réalisateur Iain Softley s'était fait remarqué en 1993 avec son premier long métrage BACKBEAT, retranscription des débuts des Beatles. Aux USA, il tourne le thriller technologique HACKERS, puis part dans une direction bien plus classique en adaptant Henry James avec LES AILES DE LA COLOMBE en 1997, qui récolte quelques nominations aux Oscars. C'est à lui qu'on confie, en fin de compte, la réalisation de K-PAX.
Le récit de K-PAX s'organise autour de la mystérieuse personnalité de Prot. Au premier abord, cet homme qui prétend être un extra-terrestre a tout de l'aliéné. Le docteur Powell l'aborde comme tel, c'est-à-dire comme un patient ordinaire dont il écoute patiemment les délires afin de pouvoir identifier les symptômes de ses déficiences mentales. Pourtant, comme les deux personnages apprennent à mieux se connaître, des indices étranges sèment le doute chez le psychiatre. Prot est anormalement résistant à certains calmants ; il semble bien que ses yeux soient excessivement sensibles à la lumière (il est même capable de percevoir les rayonnements ultraviolets) ; et il possède des connaissances stupéfiantes dans le domaine de l'astronomie. Alors : mystificateur génial ou véritable extra-terrestre ? Powell va mener son enquête et tenter de reconstituer le passé de ce mystérieux personnage...
K-PAX fonctionne entièrement sur l'opposition entre les deux hypothèses possibles : est-on dans le domaine du fantastique ou dans un film réaliste ? La mise en scène va jouer finement sur cette ambiguïté. D'une part elle refuse tout recours à un fantastique explicite, du style rayon laser ou vaisseau spatial, ce qui rappelle en partie le point du vue porté sur les comics par INCASSABLE, avec ses super-héros sans costume. Néanmoins, par l'emploi astucieux des éclairages, des couleurs, de la surexposition et des défauts des objectifs (Flare et mise au point), Softley donne à l'univers réaliste où vivent les personnages une tonalité surnaturelle renvoyant à la perception qu'aurait un extra-terrestre de notre planète.
Par conséquent, K-PAX se retrouve à cheval entre plusieurs genres. On pense d'une part aux films de science-fiction mettant en scène des extra-terrestres bienveillants ayant une apparence humaine : STARMAN de Carpenter bien sûr, dans lequel Jeff Bridges incarnait le visiteur d'outre-espace ; ou BROTHER de John Sayles, dans lequel un alien noir débarquait aux USA ; ou encore LE JOUR OU LA TERRE S'ARRÊTA où l'extra-terrestre Klaatu tente de communiquer avec les humains. Dans ces trois cas, les visiteurs d'outre-espace, malgré leurs intentions pacifiques, sont souvent assez déçus de l'accueil bien peu amical qui leur est réservé. Prot est bien plus détaché qu'eux. Certes, à peine arrivé sur Terre, on l'envoie directement dans une institution pour fous. Néanmoins il ne s'en offusque guère et considère sa situation avec un grand détachement.
Mais... Prot n'est peut-être qu'un détraqué comme les autres ? Dès lors, K-PAX évoquera un peu les films d'"affligés", qui opposent deux personnages dissemblables, dont l'un est forcément handicapé mentalement ou, au moins, physiquement. Ce genre de films est généralement prétexte à mettre en valeur des interprétations "oscar-isable". Citons Dustin Hoffman en autiste dans RAIN MAN ; L'EVEIL dans lequel Robin Williams soigne Robert De Niro victime d'une encéphalite ; ou encore, plus récemment, ENVOLE-MOI dans lequel Kenneth Brannagh s'éprend d'une jeune femme victime d'une grave sclérose ; ou bien LE HUITIÈME JOUR avec Daniel Auteuil et Pascal Duquenne... Les relations entre Prot et les autres patients de l'hôpital peuvent rappeler, mais en beaucoup plus optimiste, quelques descriptions fameuses d'institutions psychiatriques comme VOL AU-DESSUS D'UN NID DE COUCOUS de Milos Forman, SHOCK CORRIDOR de Samuel Fuller ou LA TÊTE CONTRE LES MURS de Georges Franju, dans lequel Jean-Pierre Mocky se retrouvait interné contre son gré.
Ce mélange est néanmoins réussi, et K-PAX ne donne jamais l'impression de se disperser dans des directions hasardeuses. Pourtant, ce film souffre tout de même d'une indéniable lenteur. Si la première partie du film se suit agréablement, on peut regretter que l'enquête sur l'identité de Prot se prolonge déraisonnablement, notamment avec les longues séances d'hypnose à répétition. La mise en scène est raffinée, mais elle est aussi sage, trop sage, et, sur presque deux heures, elle finit par engendrer une impression d'apathie. Enfin, on peut trouver que le scénario donne parfois un peu trop facilement dans les recettes de l'émotion facile (les relations entre Prot et les autres malades).
Malgré ces défauts, qui paraîtront plus ou moins gênants selon la sensibilité du spectateur, K-PAX est tout de même un film intéressant, réalisé subtilement, globalement bien interprété, qui fait le pari de la subtilité et refuse la facilité d'un récit trop clairement balisé (dans son dénouement, notamment).
Au niveau technique, la qualité de l'image de ce DVD Universal est à nouveau irréprochable. Gestion des couleurs, finesse de la définition, luminosité... Tout est nickel, à part peut-être quelques plans sombres légèrement instables. Pour les bande-sons, on dispose de la version française et de la version anglaise en Dolby Digital, ainsi que d'une VF supplémentaire en DTS. Les sous-titres sont disponibles en anglais et en français. Au passage, signalons qu'il est recommandé de rester jusqu'à la toute fin du métrage, où se cache une petite séquence post-générique...
Ce DVD semble a priori assez correctement pourvu en bonus sous-titrés en français. On trouve une fin alternative, qui ne change en fait pas grand chose. On trouve aussi quelques scènes supplémentaires peu indispensables. On peut visionner une petite featurette "En coulisses" d'environ 12 minutes qui fournit quelques infos sur le tournage et l'élaboration du projet. Outre la bande-annonce, on a encore une sélection de belles photographies prises sur le plateau par Jeff Bridges en noir et blanc, en format panoramique et avec objectif à courte focale ; mais cela ne dure que deux minutes. Un autre petit bonus compare le film et le story-board en ce qui concerne l'arrivée de Prot à la gare. Enfin on trouve une section DVD-rom qui permet, en plus, d'avoir accès à des infos supplémentaires via le site internet. En fin de compte, seule la featurette s'avère vraiment informative ! Heureusement, on peut encore consulter le commentaire du réalisateur Iain Softley, sous-titré en français. Celui-ci se penche surtout sur ses choix de réalisation, l'usage de la lumière, des couleurs, ainsi que sur les motivations des personnages. Malheureusement, on a l'impression qu'il tombe assez vite à sec et, plus le film avance, plus les plages de blanc se multiplient. Dommage... Les notes de production et les filmographies du DVD américain ont disparu dans cette édition française.
K-PAX est un film qui n'est certes pas dénué d'intérêt. Mais on peut tout de même regretter qu'il soit un peu trop lisse et un peu trop lent. Quand à l'édition en DVD, si le travail sur l'image et le son est irréprochable, peut-être les bonus auraient-ils pu être un peu plus riches en informations ?