Donnie Darko, un adolescent d'une quinzaine d'années, se réveille
une fois de plus hors du domicile familial, à cause des crises
de somnanbulisme récurrentes auxquelles il est sujet. Le soir
suivant, alors qu'il dort profondément, une voix lui intime l'ordre
de se lever et de sortir. Dans le jardin, il voit un lapin géant,
qui lui annonce que la fin du monde est proche...
Première incursion cinématographique pour Richard Kelly, très jeune réalisateur tout juste sorti d'une puberté dont on décèle encore les traces dans un visage poupin aux joues rondes, DONNIE DARKO est une première réalisation remarquable à défaut d'avoir été remarquée lors de sa sortie en salles, ce qui peut être considéré comme une belle injustice. La vision de DONNIE DARKO a pourtant de quoi propulser son jeune auteur au rang de ceux sur lesquels nous allons devoir compter ces prochaines années à moins qu'il ne vienne s'ajouter à tous ceux qui n'ont pas su aller au-delà d'une première oeuvre réussie.
Le scénario très judicieux du film nous embarque dans un voyage de 28 jours de la vie d'un garçon un peu lunaire, voyage au cours duquel il aura à faire un choix et non des moindres. La question posée étant de se demander ce qui aurait pu arriver si... Le conditionnel prend ici toute sa signification, changeant les destinées de nombreux protagonistes plus ou moins proches du héros. Ainsi, sa seule volonté bouleversera la vie de toute une bourgade. Donnie Darko a en effet la chance de pouvoir vivre un passage de son avenir, son présent ou son passé selon votre perception de l'histoire et d'influer ainsi sur celui-ci.
Le film démontre à quel point nos vies sont toutes plus ou moins liées, nos actes dictés par des évènements que nous ne maîtrisons pas forcément. Sauf que dans la vraie vie, les choses se passent sans qu'il y'ait de seconde chance. Partant de ce principe, le réalisateur imagine une histoire où justement, grâce à une intervention inconnue, le héros dispose de ce choix. Même si cette force qui le guide n'est pas explicitée clairement, il apparaît évident qu'il s'agit en réalité d'une intervention divine, ce que confirmera le réalisateur dans le commentaire audio d'une scène coupée. Néanmoins, il a volontairement laissé planer le doute sur l'origine de cette force, afin de ne pas trop guider le spectateur. Ainsi, sommes-nous tentés de nous interroger sur l'existence de ce messager, sur sa provenance, hésitant entre l'hypothèse d'une force divine, extraterrestre, spectrale ou émanant de l'imaginaire d'un adolescent perturbé par des questions existentielles.
L'adolescence est d'ailleurs au centre de cette histoire et il est clair que le réalisateur s'est inspiré de ses propres expériences. Le film décrit ainsi une cellule familiale plutôt banale et un environnement qui ne l'est pas moins. C'est dans le choix des acteurs et leur direction que s'installe la crédibilité de la famille Darko. L'acteur principal, Jake Gyllenhaal s'insère parfaitement dans le rôle de Donnie, sa soeur dans le film est interprétée par sa propre soeur dans la vie (Maggie Gyllenhaal), Holmes Osborne incarne un excellent père et surtout Mary Mc Donnell, qui joue avec la sobriété nécessaire la parfaite mère de famille. En fait, il serait possible de faire l'éloge de tout le casting, y compris Patrick Swayze, qui, dans un rôle à contre emploi, s'occupe à éclater le vernis des fausses institutions bien pensantes. Donnie, en bon adolescent rebelle et curieux, étant forcément opposé à cet homme qui veut imposer sa vision de la vie. Pour résumer, DONNIE DARKO fonctionne si bien en grande partie en raison de l'élaboration d'un microcosme peuplé de nombreux personnages qui viennent donner une véritable vie à l'élément fantastique sur lequel repose tout le film. Pour que le spectateur gobe une histoire, c'est donc bel et bien en créant des personnages attachants que l'on y parvient et non pas en étalant le maximum d'effets spéciaux.
A l'issue de la projection de DONNIE DARKO, les questions fusent et il ne reste plus qu'à recoller les morceaux pour en tirer une théorie. Toutefois, le film brouille les pistes et donne assez d'éléments pour en tirer pas mal d'interprétations. En réalité, c'est surtout en se focalisant sur la prédestination de nos vies, une théorie assez pessimiste, qu'il est préférable de creuser. Une vie qui suit des rails tout tracés ou plutôt les lignes auxquelles il n'est pas possible de se soustraire (la fameuse théorie du livre dans le film repose là-dessus). Donnie en prend conscience et peut dès lors anticiper ou modifier son univers. Le réalisateur a quant à lui d'autres idées à vous soumettre ce qui prouve bien qu'un film est à l'arrivée une expérience très subjective qui échappe à son créateur !
A noter qu'un
lien internet accessible à partir de votre lecteur de DVD-rom
vous permettra d'accéder au site de Metrofilm mais aussi au site
français du film. Néanmoins il est étonnant de
ne pas y voir un lien vers le site officiel américain de DONNIE
DARKO, donc intégralement en anglais, initié vraisemblablement
par le réalisateur lui-même. Présenté sous
la forme d'un jeu de piste, il s'agit d'une sorte de labyrinthe à
énigmes qui permet de poursuivre l'histoire après le film.
On y apprend notamment qui sont et ce que sont devenus Roberta Sparrow,
Monnitoff ou encore Jim Cunningham, par le biais d'un vrai-faux site
internet du journal local de Middlesex. A vous d'en découvrir
les clés... (voir ici).
Cette édition comporte un commentaire audio du réalisateur accompagné de Jake Gyllenhaal, dans lequel mises à part quelques anecdotes elles-mêmes peu captivantes, on n'apprendra pas grand chose sur le film, la démarche du réalisateur ou ses intentions. De plus, la présence de Jake Gyllenhaal n'aide en rien le réalisateur à parler de son film, puisqu'il est continuellement interrompu par des commentaires hors de propos du jeune acteur. Le réalisateur nous conseille tout de même de nous tourner vers Napster pour récupérer la bande originale du film, explique rapidement pourquoi le cinéma diffuse EVIL DEAD alors qu'il voulait à l'origine C.H.U.D. ou revient sur l'étrange monologue à propos des Schtroumpfs ce qui nous mène à une anecdote aussi inutile qu'amusante. La bonne humeur reste donc quand même de mise, mais si vous pensiez décrypter un peu plus le film grâce à ce commentaire, c'est raté. En fait, pour cela, il faudra plutôt écouter le second commentaire audio, par les acteurs et producteurs du film ainsi que le réalisateur. Malheureusement, aucun sous-titrage n'est disponible, ce qui rend son intérêt limité pour les non anglophones. Dommage car une fois de plus, les sujets de conversations fusent dans tous les sens en raison du grand nombre d'intervenants. En effet, près de dix personnes se sont retrouvées là, menées par Drew Barrymore et le réalisateur. Un commentaire très sympathique où les uns posent des questions auxquelles les autres répondent et inversement, le tout dans une certaine bonne humeur. Bien entendu, sans sous-titrage, ce type de commentaire est difficilement exploitable !
Passés ces commentaires, on découvre une interview en version originale sous-titrée de Richard Kelly, dans laquelle on apprend pourquoi il situe l'action de son film en 1988, dans une période charnière sur le plan politique et culturel. Le réalisateur nous délivre quelques-unes des raisons qui ont inspiré sa réflexion, notamment fondée sur sa propre expérience d'adolescent, mais il exprime surtout le cheminement de son idée, partant de la chute du réacteur d'avion, à travers des références que l'on retrouve dans le film, par le truchement des écrits de Hawking (Une brève histoire du temps), qui parle de la quatrième dimension. Richard Kelly explique ensuite les choix musicaux et les difficultés rencontrées pour utiliser certains des titres qu'il avait prévus dans son script, essentiellement financières, l'amenant à faire d'autres choix. Enfin, on y apprend comment son scénario a été plébiscité par les producteurs qui ont immédiatement voulu s'investir dans ce projet, amenant Drew Barrymore à le marrainer via sa propre société de production.
Dans son interview, Richard Kelly faisait état d'extraits du livre sur la philosophie du voyage dans le temps qu'on retrouverait sur le DVD. En fait, il est introuvable et à défaut, un bonus caché vous emmènera sur une succession d'écrans dont les premiers concernent les pages du fameux livre de Roberta Sparrow, illisibles, malheureusement, et de créations visuelles pour le film : dessins, design du lapin, mais aussi logos pour les différentes institutions rencontrées dans le film. C'est toujours ça de pris, mais ça ne casse pas trois pattes à un canard, pour être honnête. Suivent les spots TV en version originale sous-titrée et la bande-annonce en version française ou en version originale sous-titrée elle aussi. Enfin et pour clore ce chapitre des suppléments, on retrouve les bios/filmos des acteurs et du réalisateur. Viennent ensuite vingt scènes coupées disponibles en VOST avec ou sans commentaire du réalisateur. Celui-ci s'exprime sur la nécessité de couper une demi-heure de son film, regrettant souvent que certaines de ces scènes aient disparu du montage final.
Enfin, le bonus intitulé "Préceptes de Jim Cunningham", est disponible en version brute ou commentée par son réalisateur fictif et une Linda Connie aussi fictive, en version originale sous-titrée. Cette dernière est en réalité un délire sur les deux spots qu'on a pu voir dans le film. Véritable parodie de commentaires audio, on peut même y voir une critique supplémentaire de ces prêcheurs de pseudo bonne parole.
DONNIE DARKO est un
film évènement qu'on ne peut se contenter de ne visionner
qu'une seule fois. C'est d'ailleurs la recommandation de son réalisateur,
qui suggère plusieurs visionnages afin de bien assembler les
pièces d'un puzzle complexe, où chaque détail,
chaque personnage a son importance et représente un indice dans
l'histoire. Et cela tombe plutôt bien puisque le DVD retranscrit
plutôt bien le son tout en conservant la touche très particulière
de la photo pour les images voulue par le réalisateur. C'est
là où cela se complique car la compression se fait sentir
assez souvent en faisant des amalgames avec les nuances des couleurs
le plus souvent lors des séquences sombres. Un DVD sympa tout
de même pour un film original et intelligent dans lequel on se
laisse embarquer sans déplaisir.