3. Rétro David Lean
Une rétrospective David
Lean a également pris place dans ce festival. Grâce en partie
à la fondation éponyme, il a donc été possible de
voir trois classiques du maître anglais. Un bémol cependant puisque
deux des trois films ont été projeté en numérique
2K alors que provenant de master 4K. LE PONT DE LA RIVIERE KWAI dans
un premier temps. Est-ce du au tirage Deluxe allant avec les films en CinemaScope
dans les années 50 ? Car la copie était assez laide comparée
aux autres projections. Des couleurs aux résonances métalliques,
un manque de contrastes dans les scènes extérieures et un traitement
de DNR qui semble vouloir gommer à tout pris le grain existant. Troublant,
pour ne pas dire dérangeant. Mais surtout, le film accuse ses 2 heures
et 57 minutes de métrage. Passée la première scène
d'arrivée au camp et l'enfermement d'Alec
Guinness, le temps parait très très long à la vision
de ce film qui, à l'époque, fut longtemps l'un des plus grands
succès mondiaux tous pays confondus. Et l'on attend avec une impatience
non dissimulée la fameuse dernière partie du film et ce satané
pont.
DOCTEUR JIVAGO fut tourné en Panavision 35mm format 2.35:1 puis gonflé en 70mm, avec un tirage Technicolor. Il en résulte ici une diffusion en numérique 2K (et comme pour LE PONT DE LA RIVIERE KWAI depuis un master 4K), bien supérieure au précédent film. Lean choisit une narration qui ressemble à LAWRENCE D'ARABIE, à savoir commencer par la fin du film et procéder à un long flash-back. Puis d'utiliser des acteurs dans une sorte de continuité d'auteur. Alec Guinness est présent dans tous ses films depuis LE PONT DE LA RIVIERE KWAI. Il y aussi Omar Sharif (comme dans LAWRENCE D'ARABIE), son chef opérateur attitré Freddie Young, Maurice Jarre à la musique (que pourtant la production ne voulait pas à la base, malgré l'Oscar de LAWRENCE D'ARABIE), Robert Bolt au scénario (avec qui Lean travailla à quatre reprises)… L'adaptation de Boris Pasternak donne une œuvre au romantisme tragique légendaire. Surtout dans une période de l'histoire assez peu filmée en 1966 : la Révolution russe de 1917 et les relations adultérines du héros. Avec un récit qui ne prend pas fait et cause de la morale, mais des sentiments ravageurs de destins contrariés. Des plans terribles de guerres, de désertions en masse, d'aveuglement politique et dramatique, David Lean filme une saga aux accents mélodramatiques évitant soigneusement de sombrer dans un pathos ridicule. Il dresse un portrait émotionnel d'humains en proie au doute amoureux, pris au piège d'événements qu'ils ne peuvent contrôler – tout comme leurs sentiments. S'il n'atteint pas le degré de perfection de LAWRENCE D'ARABIE et malgré une projection numérique qui aurait gagné à plus de définition, le métrage est une oeuvre marquante, émouvante et remarquable.
LAWRENCE D'ARABIE
– 70mm et 6 pistes stéréophoniques remixées en DTS en 2002.
Probablement la plus belle copie présentée cette année.
Une splendeur de tous les instants. Une force évocatrice peu commune.
Une narration totalement maîtrisée, sans rien laisser au hasard.
Un sujet hors des sentiers battus, aux sous-entendus lourds de conséquences
mais surtout en avance sur son temps (l'homosexualité de Lawrence d'Arabie
y est plus que suggérée, notamment son caractère masochiste
vis-à-vis du Turkish Bey [José
Ferrer]). On se demande encore aujourd'hui comment un tel scénario
a pu arriver à être produit et distribuer, sans compter le succès
énorme que le film rencontra et la pluie d'Oscars… un chef d'œuvre absolu
et à ne voir QUE SUR GRAND ECRAN ! Il faut être envahi par
l'image, le son multidirectionnel. Profiter de la maestria visuelle de Lean,
l'interprétation flamboyante de Peter
O'Toole, se perdre dans un désert infini… jamais une apparition fantôme
comme celle d'Omar Sharif
ne fut aussi bien filmée. Jamais. Et de redécouvrir cette œuvre
dans de telles conditions, c'est profiter d'une leçon de cinéma
grandeur nature. Surtout dans sa version d'origine telle que la première
a pu connaître en 1962, soit 227 minutes. Une copie sublime, un cinéma
rare, sans effets spéciaux numériques à la noix ou autres
effets de post production. Un film, un vrai.