Header Critique : HISTOIRES D'OUTRE-TOMBE (TALES FROM THE CRYPT)

Critique du film
HISTOIRES D'OUTRE-TOMBE 1972

TALES FROM THE CRYPT 

Durant une visite de catacombes, cinq personnes se perdent dans les galeries labyrinthiques. C’est là qu’elles vont finir par rencontrer un personnage énigmatique qui les mettra, les unes après les autres, face à leur destin… 

HISTOIRES D'OUTRE-TOMBE est un film à sketches adapté des bandes dessinées EC Comics. A la fin des années 40, quelques éditeurs de bande dessinée tentent de s’orienter vers l’horreur à l’instar d’Avon Comics et son «Eerie». Pour autant, il faudra attendre 1951 pour qu’EC Comics, la maison d’édition emblématique du genre, ne se lance elle aussi dans ce domaine. William M. Gaines est à la tête de l’entreprise familiale lorsqu’il opère un tournant radical en transformant ses publications policières en œuvres horrifiques. Cela donne ainsi naissance à «Tales From The Crypt» ou encore «The Vault of Horror» qui vont marquer le genre en raison de la qualité des illustrations et des histoires. Cet âge d’or des comics horrifiques ne va pas durer longtemps puisqu’à la fin de l’année 1954, le «Comics Code Authority» vient réguler ce que l’on peut ou ne peut pas mettre dans les illustrés, de manière à protéger la jeunesse. De nombreux éditeurs sont ainsi obligés de mettre fin à ce type de publications : Avon Comics, DC Comics, Marvel, Harvey Comics… et bien évidemment EC Comics. Bien que la censure ait muselé ces bandes dessinées, elles ont marqué un grand nombre de lecteurs, tels que Stephen King, R.L. Stine, John Carpenter, George A. Romero, Joe Dante… Dès le milieu des années 60, la maison d’édition Ballantine va publier des recueils en noir et blanc. Ces recueils ne sont pas considérés comme des illustrés mais comme des livres. Ils échappent donc au «Comics Code Authority» et sont vendus via un canal de distribution différent. Ainsi, en 1964, le premier recueil de ce type sort en reprenant des histoires de «Tales From the Crypt», avec une couverture de Frank Frazetta. Rapidement un autre recueil dédié à «The Vault of Horror» voit le jour. En France, apparaissent des traductions non officielles dans des publications en petits formats et en noir et blanc. Diverses publications rassemblent, de manière disparate et sans citer de sources, des histoires horrifiques mélangeant EC Comics avec d’autres éditeurs. C’était le cas de «Il est minuit… l’heure des sorcières», «Le Manoir des Fantômes», «Spectral», «Etranges Aventures»…

En Grande-Bretagne, la maison de production Amicus propose déjà des films à sketches horrifiques depuis les années 60. Inspiré par AU CŒUR DE LA NUIT d'Alberto Cavalcanti, Milton Subotsky avait ainsi écrit et produit LE TRAIN DES ÉPOUVANTES en 1964. S’ensuivent trois autres films qui ne sont alors toujours pas liés aux EC Comics bien que l’approche soit assez similaire. Il s’agit de raconter plusieurs histoires d’horreur se terminant invariablement par une chute ironique et cruelle, très souvent doublée d’une leçon de morale. Au début des années 70, Russ Jones, éditeur de «Creepy», donne à Milton Subotsky deux recueils édités par Ballantine. Le producteur se tourne alors vers William M. Gaines avec l’intention d’acheter les droits de plusieurs histoires et de les adapter au cinéma. L’affaire est conclue et cinq histoires seront adaptées directement de leurs versions dessinées, sans grande modification. Ceci n’est pas surprenant puisqu’à la vente des droits, William M. Gaines avait demandé un droit de regard sur le scénario.

Alors que les EC Comics sont très outranciers visuellement, HISTOIRES D'OUTRE-TOMBE adopte l’aspect sobre de la Amicus. Ainsi, la fameuse crypte est assez terne, les histoires se déroulent dans un cadre très commun et sans débauche esthétique, et le nombre de décors est relativement limité. Bien que le film ait coûté beaucoup plus cher que les productions habituelles chez Amicus, il manque de panache. Ce défaut est toutefois contrebalancé par cinq histoires aussi horribles qu’amusantes mettant en scène quelques habitués de l’épouvante britannique.

Lors du réveillon de Noël, une femme interprétée par Joan Collins planifie l’assassinat de son mari. Mais l’arrivée d’un psychopathe aux alentours de la maison va la mettre dans une position délicate. Cette première histoire prenant place durant les festivités de fin d’années adopte un contraste surprenant entre les décorations de fête, l’accoutrement du Père Noël et un meurtre sordide. Mais c’est surtout l’issue en forme de pied de nez de cette intrigue qui est amusante.

Dans la seconde histoire, un homme fait un cauchemar alors qu’il vient de quitter sa femme et ses enfants pour s’enfuir avec sa maîtresse. En mari adultère, Ian Hendry va connaître un destin funeste qui, une nouvelle fois, se clôt par une issue moralisatrice.

La troisième histoire met en scène Peter Cushing. Son nom est évidemment synonyme de cinéma horrifique bien que cela soit réducteur. Il apparaît dans trois des quatre films à sketches de la Amicus qui ont précédé et il était d’ailleurs le maître de cérémonie du TRAIN DES ÉPOUVANTES. Avec HISTOIRES D'OUTRE-TOMBE, sa participation prend une connotation particulière. Au début de l’année 1971, l’épouse du comédien décède. Celui-ci est abattu et déclare même qu’il est mort en même temps que sa femme mais n’a d’autre choix que d’avancer. Lorsqu’on lui propose HISTOIRES D'OUTRE-TOMBE, il était prévu qu’il interprète l’un des deux personnages maléfiques. Mais il demande spécifiquement à endosser le rôle d’un homme veuf qui fait le bien autour de lui, tout en vivant avec le souvenir de sa défunte épouse. La fiction rejoint la réalité, le comédien puisant dans son vécu pour interpréter son personnage. Il avait même déclaré qu’il n’avait pas besoin de jouer, il lui suffisait de penser à sa femme lors du tournage pour que les larmes commencent à couler. Peter Cushing est ici particulièrement émouvant dans l’incarnation d’un homme désemparé qui ne comprend pas tous les malheurs qui lui tombent dessus. Une nouvelle fois, ceux qui font le mal paient le prix fort avec une ironie toute particulière en rapport avec la fête des amoureux.

La quatrième histoire est une variation de l’histoire de «La Patte de Singe» datant du début du XXe siècle. D’ailleurs, les deux personnages centraux connaissent cette courte histoire et vont tenter de contrer leur destin. Ainsi, un homme ruiné et sa femme se rendent compte qu’ils ont une statuette à même d’exaucer trois vœux. Il n’en faut pas plus pour demander la fortune… Mais bien évidemment, cela ne se terminera pas de manière heureuse. C’est probablement la seule histoire où les personnages sont châtiés sans qu’il n’aient spécifiquement fait de mauvaises choses. La morale, ici, est plutôt de nous dire qu’il faut se méfier de ce que l’on obtient trop facilement. Avocat de la famille, Roy Dotrice ne peut que constater l’horrible situation ! Cette histoire est graphiquement la plus abominable !

La dernière histoire donne la vedette à Patrick Magee qui endosse le rôle d’un aveugle vivant dans un établissement spécialisé. A l’arrivée d’un nouveau directeur, l’existence des résidents prend un nouveau tournant et leur quotidien se détériore. A force de se plaindre, les aveugles vont trouver une solution radicale à leur problème. En fin de film, cette histoire impose une longueur plus importante que les autres, ce qui casse un peu le rythme général. L’intrigue se réveille au moment de l’épilogue pour nous offrir une curieuse vengeance !

La plupart des films à sketches ont un fil conducteur qui mène à l’issue du métrage. Ici, c’est Ralph Richardson, interprétant le fameux gardien de la crypte. Il impose aux différents protagonistes de vivre une étrange histoire qui se termine de manière fatale. La toute fin d’HISTOIRES D'OUTRE-TOMBE opère une révélation qui lève le voile sur le rassemblement, dans un même lieu, de ces cinq personnages qui n’ont rien en commun.

Comme souvent avec ce type de films, les histoires se montrent inégales. Les décors ainsi que la mise en scène manquent d’ambition. Mais c’est, comme on l’a déjà dit, une marque de fabrique de la maison de production Amicus. La plupart de leurs films s’inscrivent dans un quotidien réaliste, en partie pour économiser chaque sou mis en œuvre. 
 
Le succès du film mène à produire un prolongement avec LE CAVEAU DE LA TERREUR. Ce n’était pourtant pas gagné ! En effet, William M. Gaines n’en était pas forcément convaincu au visionnage d’HISTOIRES D'OUTRE-TOMBE dont il estimait le traitement trop sobre et trop sérieux comparé aux EC Comics originaux. Le film sera tout de même mis en boîte par Roy Ward Baker très rapidement. Par la suite, Amicus ne produira que trois autres films à sketches, toujours dans le domaine de l’horreur, mais sans aucun lien officiel avec EC Comics : FRISSONS D'OUTRE-TOMBE, THE UNCANNY et THE MONSTER CLUB.

Rédacteur : Christophe Lemonnier
Photo Christophe Lemonnier
Ancien journaliste professionnel dans le domaine de la presse spécialisée où il a oeuvré durant plus de 15 ans sous le pseudonyme "Arioch", il est cofondateur de DeVilDead, site d'information monté en l’an 2000. Faute de temps, en 2014, il a été obligé de s'éloigner du site pour n'y collaborer, à présent, que de manière très sporadique. Et, incognito, il a signé de nombreuses chroniques sous le pseudonyme de Antoine Rigaud ici-même.
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