1799, New York. Constable Ichabod Crane est un jeune inspecteur de police qui veut démontrer que toutes les affaires criminelles peuvent être résolues rationnellement. On l'envoie enquêter dans le petit village de Sleepy Hollow où des meurtres par décapitation ont été commis...
SLEEPY HOLLOW est un projet qui germe initialement dans l'esprit de Kevin Yagher. Celui-ci commence au cinéma comme maquilleur et spécialiste des effets spéciaux, en particulier sur des films d'horreur des années quatre-vingts comme LA REVANCHE DE FREDDY ou JEU D'ENFANT. Pour ce dernier, il crée ainsi la poupée tueuse Chucky. Il passe progressivement à l'écriture et à la mise en scène en participant à la série télévisée «LES CONTES DE LA CRYPTE».
Il réalise ensuite HELLRAISER : BLOODLINE pour le cinéma au début des années quatre-vingt-dix. Quatrième volet des aventures de Pinhead, sa production s'enlise dans des réécritures et des reshoots. Si bien que Kevin Yagher s'en désolidarise, demandant que son nom soit retiré du générique.
Il a ensuite l'idée d'écrire et réaliser une nouvelle adaptation de la nouvelle «La légende de Sleepy Hollow», conte américain publié au XIXème siècle par Washington Irving. Ce classique de la littérature états-unienne raconte la mésaventure d'un jeune instituteur, Ichabod Crane, qui se rend dans le petit village de Sleepy Hollow. Il s'y trouve traqué par un cavalier étêté, spectre d'un mercenaire décapité durant la Guerre d'Indépendance.
Kevin Yagher a l'idée de faire d'Ichabod Crane non plus un instituteur peureux, mais un détective spécialisé dans les affaires de meurtres. Le projet est acquis par le studio Paramount et traverse la décennie sans aboutir.
Arrive sur ces entre-faits le réalisateur Tim Burton. Après le défouloir de science-fiction MARS ATTACKS!, il passe une année engluée dans le projet SUPERMAN LIVES, nouvelle adaptation cinématographique des aventures du super-héros kryptonien écrite par Kevin Smith. Ce qui aurait dû être le grand retour de Tim Burton aux super-héros DC Comics après BATMAN et BATMAN RETURNS, finit en un onéreux développement conflictuel, appelé à rester inabouti. Le studio Warner y met en effet un terme après l'échec critique et commercial de BATMAN ET ROBIN en 1997.
Suite à cette expérience amère, que Tim Burton décrit lui-même comme un traumatisme, il se rabat sur le projet de SLEEPY HOLLOW. Celui-ci a tout pour le séduire. S'il n'a jamais tourné de films d'horreur en tant que tel, nombre de ses projets puise des éléments macabres dans ce domaine : BEETLEJUICE, BATMAN et BATMAN RETURNS, EDWARD AUX MAINS D'ARGENT, L'ÉTRANGE NOËL DE MONSIEUR JACK...
Par ailleurs, Tim Burton a été très marqué par le second segment du long métrage LE CRAPAUD ET LE MAÎTRE D'ÉCOLE. Ce dessin animé Disney de 1949 réunit deux contes de la littérature anglo-saxonne : «Le vent dans les saules» de Kenneth Grahame et «La légende de Sleepy Hollow». Méconnu en France (où il n'est pas sorti au cinéma), ce métrage est plus reconnu aux USA où il a été mainte fois diffusé et a impressionné de nombreux jeunes spectateurs. La séquence de la poursuite avec le cavalier sans tête constitue un grand moment macabre du catalogue Disney, au même titre que la séquence du «Diable sur le Mont Chauve» de FANTASIA ou les apparitions de la Sorcière dans BLANCHE-NEIGE ET LES SEPT NAINS.
Outre LE CRAPAUD ET LE MAÎTRE D'ÉCOLE, Tim Burton enfant a aussi été marqué par les classiques du cinéma gothique de l'après-guerre, qu'il s'agisse du cinéma américain (LA CHAMBRE DES TORTURES avec Vincent Price et Barbara Steele), italien (LE MASQUE DU DÉMON de Mario Bava) ou anglais (LE CHIEN DES BASKERVILLE version Hammer, de Terence Fisher, qui met en scène le détective Sherlock Holmes investiguant sur une histoire de chiens fantômes).
Tim Burton se joint donc au projet SLEEPY HOLLOW pour le mettre en scène, Kevin Yagher restant activement à bord en tant que scénariste et concepteur d'effets spéciaux. Tim Burton réunit une équipe rodée à son cinéma avec des collaborateurs récurrents comme le compositeur Danny Elfman ou le directeur artistique Rick Heinrichs. Ainsi que des acteurs comme Johnny Depp (EDWARD AUX MAINS D'ARGENT, ED WOOD), Martin Landau (ED WOOD), Jeffrey Jones (BEETLEJUICE, ED WOOD), Christopher Walken (BATMAN RETURNS) ou Michael Gough (BATMAN et BATMAN RETURNS).
Ce dernier est lui-même un vétéran de l'épouvante gothique British et il retrouve pour l'occasion son complice de la Hammer Christopher Lee (les deux comédiens ayant partagé l'affiche du CAUCHEMAR DE DRACULA).Nouvelle venue dans le cinéma de Tim Burton, Christina Ricci est une ex enfant actrice ayant marqué le public dans des succès fantastique comme LA FAMILLE ADDAMS de Barry Sonnenfeld ou CASPER.
Les classiques du cinéma gothique des années cinquante et soixante, influence clé du cinéma de Tim Burton en général et de SLEEPY HOLLOW en particulier, se déroulent dans un dix-neuvième siècle brumeux et poétique, peuplé de manoirs inquiétants et de cimetières nocturnes.
Tim Burton et son équipe en restituent avec soin l'atmosphère. Les décors et la photographie de SLEEPY HOLLOW sont somptueux. Emmanuel Lubezki, directeur de la photographie rattaché au cinéma d'Alfonso Cuarón puis plus tard d'Alejandro González Iñárritu, dé-sature ses couleurs pour proposer une image proche du noir et blanc, évoquant en particulier LE MASQUE DU DÉMON. Danny Elfman, compositeur attitré de Burton, rend aussi l'atmosphère recherchée. Si l'influences des films Hammer est la plus perceptible, celle de Mario Bava est importante, notamment dans le flash-back historique et les scènes oniriques.
SLEEPY HOLLOW se rattache de façon revendiquée au cinéma gothique anglais (il est d'ailleurs tourné en Grande-Bretagne), mais il y règne aussi une ambiance plus rare d'horreur gothique américaine. Il plonge en effet ses racines dans le folklore fantastique des États Unis, à l'instar du FOG de John Carpenter par exemple.
La source littéraire de SLEEPY HOLLOW y est bien sûr pour beaucoup, plantant son action dans un village colonial et rural de Nouvelle-Angleterre au Vingtième siècle. Le personnage du détective très rationnel Ichabod Crane rappelle certes Sherlock Holmes, mais aussi son prédécesseur Auguste Dupin, créé par l'Américain Edgar Poe dans «Double assassinant dans la rue Morgue»
Le début de SLEEPY HOLLOW peut laisser sceptique et a du mal à accrocher le spectateur. Johnny Depp, acteur tendre et américain, paraît un peu ridicule lorsqu'il imite le jeu de Peter Cushing, comédien sec et british. SLEEPY HOLLOW hésite alors entre les genres : parodie, horreur, policier... Même les scènes de meurtre brutales ont du mal à faire peur.
Heureusement, peu à peu, une réelle atmosphère d'épouvante s'installe et le film trouve son rythme. Les grandes scènes de cavalcade du chevalier sans tête sont impressionnantes. Burton n'oublie pas de faire un clin d'œil à l'horreur américaine des années trente, en nous offrant un incendie de moulin digne du premier FRANKENSTEIN. Le final est spectaculaire et efficace.
SLEEPY HOLLOW s'avère donc une réussite grâce à une seconde moitié très réussie et à une tenue visuelle et artistique magistrale, comme souvent chez Tim Burton.
SLEEPY HOLLOW arrive sur les écrans alors que la mode du cinéma gothique, qui a culminé quelques années avant avec BRAM STOKER'S DRACULA et ENTRETIEN AVEC UN VAMPIRE, est largement sur le reflux. Elle a cédé la place à celle du Néo-Slasher après le succès de SCREAM de 1996. Bien qu'arrivant à contre-temps, SLEEPY HOLLOW trouve pourtant son public, en particulier en France où il réunit plus deux millions de spectateurs, score rare pour un film de notre genre favori !
Remis en selle par ce succès, Tim Burton se tourne ensuite vers la science-fiction pour une nouvelle version de LA PLANÈTE DES SINGES au sein du studio 2Oth Century Fox.