Reconnu coupable de la mort de son fils, Qodrat est envoyé en prison. Après avoir purgé sa peine, il décide de retourner auprès de son mentor, dans l’école coranique où il a fait ses études, pour retrouver la sérénité. Malheureusement, la région est affligée de nombreuses calamités dont des morts étranges et des cas de possessions…
En 2022, QODRAT remue le box-office de son pays natal, l’Indonésie. Cette année-là, il réussit l’exploit de faire partie des films locaux les plus rentables avec un cocktail horrifique assez corsé. Il est même nominé dans plusieurs catégories aux Maya Awards, l’équivalent des Césars ou des Oscars en Indonésie. En tête d’affiche, on trouve deux comédiens et mannequins qui sont mariés dans la vraie vie : Vino G. Bastian et Marsha Timothy. A partir de là, on serait amené à penser que l’on va assister à un film glamour et plutôt lisse… Mais, on ne peut pas dire que ce soit le cas !
Les habitants d’Indonésie sont en grande majorité musulmans. Dès lors, la culture locale imprègne inévitablement un film dont le thème est plus connu sous le prisme de l’église catholique. En effet QODRAT évoque l’affrontement des forces divines contre les puissances démoniaques. Le personnage principal est un érudit religieux, autrement dit un Ustad, qui a fait ses études au sein d’un Pesantren, une école coranique indonésienne qui forme des religieux sous l’égide d’un maître appelé Kyai. Tous ces termes, on les retrouve sans aucune explication particulière dans le film.
QODRAT rejoint donc la très courte liste de films de possessions démoniaques et d’exorcismes musulmans. On pourra ainsi citer le turc SEMUM (2008) ou encore l’indonésien RUQYAH: THE EXORCISM (2017).
Si vous êtes habitué à L'EXORCISTE, vous ne serez pas totalement en terrain connu. Effet, le film reprend des idées déjà vues dans le film de William Friedkin mais elles sont assez souvent en décalage. Ainsi, on abandonne le décor urbain du classique du genre pour se placer dans le cadre rural d’un petit village isolé dans les montagnes. Cela a d’ailleurs l’avantage d’offrir de temps à autres de jolis paysages bucoliques qui tranchent, à vrai dire, avec les horreurs qui s’y cachent. Dans L'EXORCISTE, on évoquait un homme d’église qui avait perdu la foi et dont les convictions étaient encore plus ébranlées par un cas de possession démoniaque. Le héros du film, Qodrat, est lui aussi en pleine crise face à son échec à contrer le démon qui a causé la perte de son enfant. En voulant se réfugier hors du monde, il se heurte à de nouveaux démons. On notera parmi ceux-ci une corruption qui n’épargne pas les religieux, bien au contraire.
Cela tombe bien, le Pesantren de l’histoire forme clairement des Ustad rompus aux techniques d’exorcisme. Toutefois, on sera un peu surpris par la “Roqya”, l’utilisation de la parole divine pour guérir des maladies occultes, maléfices et possessions démoniaques. Ici, cela se termine assez souvent par des coups de pieds retournés et des affrontements flirtant très nettement avec les arts martiaux.Ces échanges musclés font écho à certains films de Hong Kong où l'on combattait déjà des fantômes ou des démons, de manière beaucoup plus enjoués, comme dans L'EXORCISTE CHINOIS (1980) ou bien MR. VAMPIRE (1985). Néanmoins QODRAT se montre beaucoup plus sérieux et solennel. D'ailleurs, le générique de fin crédite des experts de l’Islam qui ont donc œuvré, on le suppose, à rendre le film crédible vis-à-vis des pratiques religieuses.
Ainsi, QODRAT est le résultat d'une collision entre deux cinémas assez antinomiques. Un peu comme si L'EXORCISTE avait été réalisé par les cinéastes de MATRIX. De ce dernier, on retrouve l’idée de faire de belles images avec des ralentis magnifiant l’action, allant même jusqu’à un court affrontement en apesanteur. On y retrouve aussi les oripeaux des films d’exorcisme à base de petit enfant possédé menaçant son entourage avec une voix gutturale. Les souvenirs fugaces d’un EVIL DEAD ne sont jamais non plus très loin avec des démons qui infligent d’atroces traitements à leurs hôtes.
A la lecture de cette chronique, vous avez peut-être déjà l’envie irrépressible de découvrir QODRAT ! Mais tempérons un peu les ardeurs, le film de Charles Gozali présente tout de même quelques défauts. En premier lieu, QODRAT propose pas mal de scènes bourrées d’emphase qui cassent un peu le rythme. De même, au bout d’un moment, on ressent une certaine redondance dans les déclarations religieuses sensées bouter les démons hors de notre monde. On pourra aussi un peu tiquer avec l’épilogue final un peu niais ! Après avoir fait un sourire à un môme, notre héros s’éloigne sur une moto, tel un cow-boy solitaire des temps modernes, débarrassé de tous ces problèmes (oui, TOUS !).
Quoi qu’il en soit, les cinéastes de QODRAT ont peut-être l’idée de transformer ce personnage en James Bond de l’occulte car le générique final débute par un message sans équivoque : «Qodrat will return». Petite phrase qui annonce une suite ! Vous n’attendrez pas très longtemps, QODRAT 2 sort en 2025 sur les écrans indonésiens et la bande-annonce ne laisse planer aucun doute : il revient et il va faire bouffer ses tatanes à beaucoup de possédés ! En attendant, vous pouvez déjà découvrir le premier film si vous avez un abonnement à Amazon Prime.