Header Critique : UN VAMPIRE À BROOKLYN (VAMPIRE IN BROOKLYN)

Critique du film
UN VAMPIRE À BROOKLYN 1995

VAMPIRE IN BROOKLYN 

En 1994, Wes Craven tente un retour à la série des Freddy Krueger, saga qu'il a initié en 1984 avec LES GRIFFES DE LA NUIT. Il réalise alors FREDDY SORT DE LA NUIT, septième volet de cette série de Slashers fantastiques. Il y porte déjà un regard analytique sur le genre horrifique hollywoodien et le rapport qu'entretient le public à son endroit. Ce qui annonce déjà son SCREAM à venir. Mais le public est plus que las des Slashers aux suites innombrables qui ont pullulé à la fin des années quatre-vingts, jusqu'à la saturation totale. Cet effort tardif reçoit un accueil public décevant, qui met un terme définitif aux aventures originelles du croquemitaine des rêves.

Autre émanation des années quatre-vingts, l'acteur comique Eddie Murphy a régné sur le box-office de la bonne humeur au gré de titres comme UN FAUTEUIL POUR DEUX, LE FLIC DE BEVERLEY HILLS ou UN PRINCE À NEW YORK. Pourtant, quelques ombres apparaissent au tableau au début des années quatre-vingt-dix, avec le succès partagé de MONSIEUR LE DÉPUTÉ et surtout la réception glacée de l'onéreux FLIC DE BEVERLEY HILLS 3.

Pour se réinventer, Eddie Murphy souhaite profiter de l'engouement d'alors pour les films de vampire, avec les succès de BRAM STOKER'S DRACULA et ENTRETIEN AVEC UN VAMPIRE. Il produit et co-signe le scénario d'un film dédié à ce style de monstre : UN VAMPIRE À BROOKLYN. Pour mettre toutes les chances de son côté, il fait appel à un réalisateur spécialisé dans l'horreur : Wes Craven.

Le studio Paramount, échaudé par LE FLIC DE BEVERLEY HILLS 3, ne confie pour l'occasion qu'un budget modeste.  Au générique, nous retrouvons l'acteur Zakes Mokae, particulièrement remarqué dans CRY FREEDOM de Richard Attenborough et redoutable sorcier vaudou dans L'EMPRISE DES TÉNÈBRES de Wes Craven. Nous trouvons aussi la belle Angela Bassett, révélée quant à elle dans les films de nouveaux réalisateurs afro-américains comme Spike Lee (MALCOLM X) ou John Singleton (BOYZ N THE HOOD).

Maximilian, dernier rejeton d'une haute lignée de vampires, arrive à New-York pour y trouver une de ses cousines avec laquelle il devra s'accoupler pour éviter l'extinction de son espèce. Cette jeune femme ignore qu'elle a du sang de vampire...

Dans UN ROI À NEW YORK de 1957, Charles Chaplin incarne un aristocrate européen plongé dans une Big Apple moderne. Avec la comédie UN PRINCE À NEW YORK de John Landis, Eddie Murphy reprend cette formule de la comédie et la remet à sa sauce, en incarnant un prince venu d'Afrique. C'est encore cette formule de l'aristocrate immigré qu'il reprend avec UN VAMPIRE À BROOKLYN, puisqu'il incarne un vampire africain qui débarque à New York au gré d'une croisière macabre rappelant, bien sûr, celle du Déméter amenant Dracula à Londres.

Dans le cinéma américain, la formule du vampire noir de peau n'est pas une nouveauté. Elle a déjà été déclinée aux grandes heures de la Blaxploitation, dans BLACULA : LE VAMPIRE NOIR et sa suite SCREAM, BLACULA, SCREAM !, distribués par le studio AIP, spécialiste de la série B d'alors. William Marshall y incarnait le classieux prince Manuwalde, aristocrate africain contaminé par Dracula lors d'un périple en Europe. Arrive aussi GANJA & HESS de Bill Gunn, avec Duane Jones (LA NUIT DES MORTS-VIVANTS), qui place le vampirisme dans un contexte d'origine africaine.

UN VAMPIRE À BROOKLYN approfondit la question du vampire noir en faisant de lui une créature de la nuit purement africaine. La lignée du vampire vient en effet ici de ce continent. Par ailleurs, Maximilian s'installe spécifiquement à Brooklyn, alors quartier pauvre de New York, avec une forte population afro-américaine. UN VAMPIRE À BROOKLYN prolonge ainsi un cinéma abordant la question contemporaine du Ghetto, cinéma qui émerge à la fin de la décennie précédente au gré de films comme COLORS de Dennis Hopper, ou de titres de jeunes réalisateurs afro-américains comme Mario Van Peebles (NEW JACK CITY), Spike Lee (DO THE RIGHT THING), les frères Hughes (MENACE II SOCIETY) ou John Singleton.

Mélanger cinéma d'horreur et Ghetto est alors rare, mais est tout de même déjà arrivé peu avant UN VAMPIRE À BROOKLYN. Avec évidemment CANDYMAN et son Boogeyman sévissant dans un grand ensemble décrépi de Chicago. Relevons aussi LE SOUS-SOL DE LA PEUR de Wes Craven dans lequel les propriétaires blancs qui louent des habitations décrépies aux populations d'un Ghetto de Los Angeles s'avèrent des méchants dignes des plus cruels contes de fées. Ce film, réussi et original, apporte un soutènement social au genre.

Wes Craven a aussi tourné L'EMPRISE DES TÉNÈBRES, classique de l'épouvante se déroulant à Haïti, interprété par un casting très majoritairement noir et rehaussé d'un regard politique et ethnographique. Ajoutons à cela qu'il a déjà imposé un personnage horrifique célèbre comme Freddy Krueger et Wes Craven paraît clairement un choix pertinent pour qu'Eddie Murphy lui propose de réaliser UN VAMPIRE À BROOKLYN.

Le film traite la mythologie des vampires avec un certain sérieux. Maximilian est un personnage tragique, qui ne prête pas à sourire. Par contre, sa goule de service est un personnage comique dans la pure tradition des précédents films d'Eddie Murphy. De nombreux emprunts sont faits aux films de vampires, et même à NOSFERATU LE VAMPIRE de Murnau : le bateau hanté rentre dans le port de Brooklyn en silence, Maximilian se redresse droit comme une planche après avoir été abattu...

Pourtant, grâce à son contexte particulier (les quartiers noirs de Brooklyn), UN VAMPIRE À BROOKLYN reste toujours original. Craven utilise bien la photogénie des rues nocturnes de New York et réussit quelques belles images cauchemardesques, évoquant ses meilleurs films (le sang qui dégouline d'une serrure, la jeune fille crucifiée).

Malheureusement, l'interprétation d'Eddie Murphy en vampire est peu convaincante. Nous avons du mal à croire à ce personnage et à s'intéresser à ses problèmes. En plus, le récit s'avère conventionnel. La dernière demi-heure du film est ratée : décors minables, maquillages ridicules, fumigènes rudimentaires, dilemme inspiré d'ENTRETIEN AVEC UN VAMPIRE (la nouvelle vampire refuse de boire du sang humain)... Lorsque Maximilian ensorcelle sa cousine en lui faisant danser un slow sur une reprise de "No Woman, No Cry", la barrière du Kitsch est largement dépassée.

UN VAMPIRE À BROOKLYN contient quelques bonnes idées et certains moments drôles. Mais l'interprétation discutable d'Eddie Murphy et l'essoufflement final du récit rendent ce film indigeste.

Il connaît un échec critique et public qui fait tourner court cette tentative d'Eddie Murphy de se reconvertir vers un cinéma d'horreur «R-Rated». Il n'abandonne pourtant pas les grandes figures du fantastique puisque son film suivant est LE PROFESSEUR FOLDINGUE, transposition modernisée de «Docteur Jekyll & Mister Hyde», ou plutôt de son adaptation comique DOCTEUR JERRY ET MISTER LOVE de et avec Jerry Lewis. Bien plus orienté vers un public familial traditionnel, vulgaire mais divertissant, LE PROFESSEUR FOLDINGUE va rencontrer un énorme succès et relancer significativement la carrière d'Eddie Murphy.

Wes Craven hésite quant à lui entre plusieurs projets, dont une nouvelle version de LA MAISON DU DIABLE (qui aboutira quelques années plus tard avec le raté HANTISE de Jan De Bont). Finalement, il est choisi pour mettre en scène un scénario de Kevin Williamson pour un film dénommé «SCARY MOVIE»... Qui va aboutir en 1996 avec SCREAM, dont l'énorme et durable succès constituera un rebond majeur pour le réalisateur de LA DERNIÈRE MAISON SUR LA GAUCHE, LA COLLINE A DES YEUX et LES GRIFFES DE LA NUIT.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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