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Critique du film
DELLAMORTE DELLAMORE 1994

 

Au départ «Dellamorte Dellamore» est un roman de l'Italien Tiziano Sclavi, auteur s'étant particulièrement illustré en tant que scénariste de bande dessinée. Ainsi, il est le créateur du personnage «Dylan Dog», enquêteur londonien explorant le paranormal et vivant des aventures mêlant horreur et humour noir. «Dylan Dog» connaît un énorme succès en Italie dès la fin des années quatre-vingts.

Le scénariste Gianni Romoli cultive alors l'idée de transposer les œuvres de Tiziano Sclavi au cinéma. A cette période, il travaille notamment avec le réalisateur Dario Argento en étant scénariste de TRAUMA et aussi de THE SECT, production de Dario Argento réalisée par Michele Soavi.

Ce dernier a commencé à réaliser des films à la fin des années quatre-vingts, sous la férule de ses deux mentors. D'abord, Joe D'Amato (ANTHROPOPHAGOUS) produit BLOODY BIRD, qui connaît un bel accueil critique en 1987. Puis Dario Argento produit SANCTUAIRE, dans la continuité du DÉMONS de Lamberto Bava et reprenant le même principe : un groupe d'individus se trouve enfermé dans un lieu clos et est décimé par des forces maléfiques. Ici, une cathédrale remplace le cinéma de DÉMONS ou l'immeuble d'habitation de DÉMONS 2. En dépit d'un récit limité, SANCTUAIRE est une réussite formelle et atmosphérique.

Arrive ensuite l'insolite et trop sous-estimé THE SECT, récit macabre mélangeant Lovecraft, les souvenirs de ROSEMARY'S BABY et les exactions macabres de Charles Manson. C'est sur ce film que Soavi rencontre Gianni Romoli et les deux complices travaillent ensuite à l'écriture et à la préparation de DELLAMORTE DELLAMORE, basé sur le roman du même nom.

Le cinéma italien, après un long déclin de son audience amorcé dans les années soixante-dix, s'effondre dans les années quatre-vingts. Il atteint son nadir en nombre de films produits annuellement à la fin de cette décennie. Pour y sortir des longs-métrages, il faut alors le soutien financier des chaînes de télévision. Comme en France à la même période, celles-ci sont peu intéressées par l'horreur, et ce genre se trouve marginalisé.

DELLAMORTE DELLAMORE doit donc compléter son financement hors d'Italie, notamment avec le soutien de la chaîne française Canal +, mais aussi du fonds Eurimages, fondé par le Conseil de l'Europe et dédié à la diversité de la production à travers l'Union Européenne.

Dans le casting de DELLAMORTE DELLAMORE, nous reconnaissons le français François Hadji-Lazaro (alors chanteur des groupes Les Garçons Bouchers et Pigalle). Nous trouvons aussi Rupert Everett, britannique alors présent dans le Cinéma d'Auteur européen, dans des titres comme ANOTHER COUNTRY aux côtés de Colin Firth ou LES LUNETTES D'OR avec Philippe Noiret. Tiziano Sclavi était alors si féru de Rupert Everett qu'il avait encouragé le dessinateur de «Dylan Dog» à lui donner les traits de cet acteur.

Francesco Dellamorte est gardien de cimetière dans une petite ville. Il est assisté par Gnaghi, gros garçon ne s'exprimant que par des grognements. Récemment, les morts se mettent à sortir de leurs tombes et Francesco se charge de les exécuter, d'une balle dans la tête. Un jour, il s'éprend d'une jeune et belle veuve...

DELLAMORTE DELLAMORE commence comme une comédie fantastique. Nous suivons la vie quotidienne de Francesco et Gnaghi, deux gardiens d'un cimetière peu orthodoxes. Il y a alors beaucoup d'humour noir (les scouts zombies). Les effets spéciaux particulièrement réussis sont dus à Sergio Stivaletti, spécialiste italien du Gore depuis ses débuts sur le PHENOMENA de Dario Argento. Le rythme du récit est très rapide, la première demi-heure du métrage est particulièrement dense et ne laisse jamais au spectateur le temps de s'ennuyer.

Petit à petit, le film glisse vers une fable mélancolique sur la solitude et le désenchantement. Les deux gardiens cherchent l'amour chacun à leur façon, mais doivent se résigner face à son inconstance. Tout succombe à la mort. Même ces sentiments si forts qu'on pourrait les croire immortels. Francesco comprend alors que la frontière entre la mort et la vie est bien mince.

Comme THE SECT, DELLAMORTE DELLAMORE déploie une histoire très particulière, plus proche du rêve que d'un scénario classique. Cela rappelle INFERNO de Dario Argento mais aussi VAMPYR de Carl Theodor Dreyer.

Ce film a une ambiance unique, quelque part entre la poésie, la BD et le cinéma Gore des années quatre-vingts. Rupert Everett et François Hadji-Lazaro interprètent de façon touchante ces deux paumés séparés du reste du monde par les murs du cimetière.

DELLAMORTE DELLAMORE est émouvant et très original. Il transforme une histoire classique de zombies en une fable sur la condition absurde des humains, lesquels ne naissent que pour mourir. Mais le film ne sombre jamais dans un intellectualisme satisfait ou austère.

DELLAMORTE DELLAMORE reçoit un bel accueil dans les festivals dédiés au fantastique et de la part de la presse cinéma spécialisée. Il recueille le Prix Spécial du Jury au premier festival de Gérardmer, successeur du Festival d'Avoriaz (le Grand Prix de cette année allant au non moins remarquable THE BRIDE WITH WHITE HAIR de Ronny Yu).

Soavi s'inscrit ici dans la vague de jeunes réalisateurs qui reprennent la main sur ce genre en cours de déshérence et lui donnent un coup de fouet insolent et salvateur. Nous pensons aux films que font à l'époque Peter Jackson en Nouvelle-Zélande ou Alex de la Iglesia en Espagne. Pourtant, ces films sont surtout des succès d'estime, des œuvres devenues des classiques, mais sorties au mauvais moment et appelées à rester historiquement sans descendance.

Avec DELLAMORTE DELLAMORE, Michele Soavi semble le légitime héritier des maîtres du fantastique à l'italienne, des Mario Bava et autres Dario Argento. Pourtant, sa carrière s'oriente très vite vers la télévision et il faut attendre douze ans pour voir un nouveau film de sa part au cinéma. DELLAMORTE DELLAMORE a laissé espérer une renaissance du cinéma d'horreur italien. Il en aura en fait été le chant du cygne, conclusion mélancolique d'une ère ouverte en 1960 par LE MASQUE DU DÉMON.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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