Le professeur Pretorius et son assistant Crawford Tillinghast mettent au point le Résonateur, machine sensibilisant le cerveau à des réalités invisibles et inconnues. Mais après un essai, Pretorius est retrouvé mort. Crawford est interné dans un asile et une jeune psychiatre mène l'enquête...
A sa sortie, la petite production RE-ANIMATOR connaît un joli succès, recevant des prix dans des festivals et surfant sur l'essor du marché de la vidéo. En effet, au milieu des années quatre-vingts, le marché des cassettes VHS proposées à la vente ou à la location est florissant. Aux côtés des Majors classiques, des studios indépendants émergent en s'appuyant sur ce nouveau débouché. Le plus fameux d'entre eux est le studio Cannon. Mais la firme Empire de Charles Band, distributrice de RE-ANIMATOR, connaît aussi une belle croissance avec des titres comme GHOULIES ou FUTURE COP. Parmi les indépendants de l'époque, Empire se distingue par sa spécialisation dans le cinéma fantastique.
Charles Band étend ses opérations en achetant des studios de tournage à Rome, en Italie, dans des locaux auparavant occupés par le producteur Dino De Laurentiis. Charles Band pense ainsi tourner des métrages avec des budgets plus réduits qu'aux USA, pour un résultat équivalent. Il signe un contrat pour trois films avec Stuart Gordon, le metteur en scène de RE-ANIMATOR, lequel ambitionne de réaliser plusieurs métrages adaptés des écrits de Lovecraft.
Néanmoins, le premier métrage qu'il tourne à Rome est DOLLS, indépendant des écrits de l'ermite de Providence. Ce film de poupées tueuses inaugure toute une série de métrages mettant en scène des jouets maudits et des pantins démoniaques. Le producteur Charles Band va en effet s'en faire une spécialité, en particulier avec PUPPET MASTER et ses innombrables suites et dérivés.
Après DOLLS, Stuart Gordon réunit l'équipe de RE-ANIMATOR pour une nouvelle transposition de Lovecraft. À savoir l'adaptation du court texte «De l'au-delà», texte qui enthousiasme Charles Band, passionné de science-fiction. Gordon écrit donc le scénario avec ses complices de RE-ANIMATOR, à savoir Brian Yuzna et Dennis Paoli (c'est notamment lui qui a eu l'idée du fameux cunnilingus de RE-ANIMATOR !).
A Rome, ils retrouvent deux collaborateurs-clés de RE-ANIMATOR : le chef-opérateur suédois Mac Ahlberg qui, après ses débuts dans l'érotisme et le porno scandinaves, est devenu un technicien-clé des productions Empire ; et le créateur d'effets spéciaux et de maquillages John Carl Buechler, lui aussi collaborateur régulier des films produits par Charles Band.
Deux vedettes de RE-ANIMATOR font leur retour. Jeffrey Combs tient le rôle de Crawford Tillinghast, laborantin exposé au Résonateur qui va connaître toutes sortes de mutations. Et Barbara Crampton dans le rôle d'une psychiatre appelée à subir l'influence de la terrible machine. Nous retrouvons aussi Ken Foree, habitué du genre horreur depuis sa prestation dans ZOMBIE de George A. Romero.
«Herbert West, ré-animateur» était une nouvelle atypique dans l'œuvre Lovecraftienne. Elle pouvait s'adapter au cinéma comme une classique histoire de zombies. «De l'au-delà» va permettre au tandem Yuzna-Gordon d'affronter un problème plus pointu : comment rendre l'"indicible" Lovecraftien au cinéma ?
La nouvelle est très courte. Son adaptation ne recouvre que le pré-générique du métrage. Le film raconte essentiellement l'enquête qui suit la mort du savant. A sa sortie, FROM BEYOND est fraîchement reçu, ne retrouvant pas l'accueil enthousiaste de RE-ANIMATOR.
FROM BEYOND est effectivement déconcertant. Il met Lovecraft à une sauce typique des années quatre-vingts. On y dévore des cerveaux, le gore et l'érotisme y sont bien présents, et nous avons même un personnage d'inspecteur de police baraqué peu Lovecraftien.
Néanmoins, le scénario reprend des thèmes chers à l'écrivain et rarement traités dans les films d'horreur ou de science-fiction : la hantise de la folie, ou encore l'existence d'un univers menaçant que les humains côtoient sans en connaître l'existence.
Cet assemblage disparate fonctionne ici grâce à un récit bien élaboré. RE-ANIMATOR était initialement conçu par Stuart Gordon comme un film sérieux. Mais les événements excessifs qu'il décrit, l'interprétation histrionique de Jeffrey Combs et la musique délibérément parodique de Richard Band en ont fait une œuvre d'humour noir.
Avec FROM BEYOND, Gordon va au bout de son idée d'un film d'horreur sérieux et ne donne pas dans l'humour sympathique. L'ambiance y est cauchemardesque, triste et oppressante, sans concession.
Une grande originalité de ce métrage est la déchéance psychologique des deux principaux personnages. Ce sont des dommages mentaux qui les détruisent, et non des attaques physiques. Ils sont confrontés à l'horreur révélée par la machine de Pretorius, horreur qui affecte leurs cerveaux et les transforme progressivement en monstres.
Sous l'influence du Résonateur, la jeune psychiatre BCBG se découvre un goût certain pour les sous-vêtements en cuir. Stuart Gordon parvient à imposer des situations sexuelles, des personnages pervers, dans une adaptation d'un texte de Lovecraft dont l'œuvre est peu portée sur la chose. Et cela sans briser la cohérence du métrage et du récit, bien au contraire.
Les effets spéciaux sont pour la plupart excellents. Nous avons des monstres lovecraftiens convaincants, méchants et dangereux. Les producteurs n'ont pas radiné. Certains trucages ne sont pas toujours à la hauteur (la tête monstrueuse de Pretorius, le monstre volant). Mais nous n'oublierons pas de sitôt l'incroyable final gore et visqueux.
Nous arrivons en effet à une époque où les maquillages fantastiques et monstrueux rivalisent d'imagination dans le cinéma fantastique. Après les pionniers Dick Smith et Rick Baker, de jeunes maquilleurs encore plus imaginatifs émergent, comme Chris Walas (LA MOUCHE), Rob Bottin (THE THING) ou Screaming Mad George (SOCIETY). Avec FROM BEYOND, John Carl Buechler signe lui son chef-d’œuvre de l'imaginaire délirant, multipliant les visions grotesques et inédites.
FROM BEYOND est un film profondément original, réalisé avec sérieux par des auteurs ambitieux et passionnés de Lovecraft. Ils ont parfaitement réussi à concilier l'univers de cet auteur et le meilleur du cinéma d'horreur des années quatre-vingts.
Comme pour tout film explicitement gore à l'époque, la question de la censure se pose lors de sa distribution au cinéma. RE-ANIMATOR est sorti aux USA sans coupure et sans classification, ce qui a réduit l'étendue de son exploitation en salles dans ce pays. Pour FROM BEYOND, Stuart Gordon et Empire veulent une classification «R Rated» (interdit au moins de 17 ans non accompagnés), ce qui leur permet de mieux distribuer le métrage.
Ils ont ainsi délibérément réduit la présence du sang dans le métrage, le remplaçant par du slime translucide et autres matières colorées moins identifiables. Rien n'y fait, la commission de classification américaine, le MPAA, exige quand même des coupes énergiques dans FROM BEYOND. Le «Director's Cut» complet sera rétabli dans les années 2000 et distribué en DVD et Blu-ray.
Pour le troisième film de son contrat avec Empire, Stuart Gordon envisage d'adapter la nouvelle classique de Lovecraft «Le cauchemar d'Innsmouth», mettant en scène les Profonds, créatures à mi-chemin de l'homme et du poisson. Il se penche aussi sur «Le monstre sur le seuil», avec les mêmes créatures.
Mais le film ne se fait pas à ce moment. Après la succession de trois tournages en peu de temps, Gordon aspire à plus de stabilité pour lui et sa famille. Il est question que le métrage se tourne en Angleterre et il ne souhaite pas déménager de nouveau. Par ailleurs, l'idée des hommes-poissons ne convainc pas les producteurs, notamment Charles Band.
Finalement, le troisième film du contrat de Stuart Gordon sera LES GLADIATEURS DE L'APOCALYPSE, film de combat de robots géants, orienté vers la science-fiction. Sa production compliquée va coïncider avec la faillite d'Empire. Charles Band rebondira en fondant une nouvelle compagnie spécialisée dans le cinéma fantastique à la fin des années quatre-vingts : les studios Full Moon.
Stuart Gordon finira par réaliser son adaptation du «Cauchemar d'Innsmouth» et du «Monstre sur le seuil» bien plus tard, en 2001, avec un autre de ses classiques : DAGON, produit en Espagne par Brian Yuzna.