Header Critique : LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS (THE RETURN OF THE LIVING DEAD)

Critique du film
LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS 1985

THE RETURN OF THE LIVING DEAD 

LA NUIT DES MORTS-VIVANTS de George A. Romero connaît en son temps un énorme succès, alors qu'il s'agit d'une production artisanale. Les droits sur cette œuvre sont ensuite partagés entre Romero et ses trois scénaristes, parmi lesquels John A. Russo. Romero réalise ensuite ZOMBIE en 1978, suite officielle de LA NUIT DES MORTS-VIVANTS.

Russo envisage lui-aussi de donner, de son côté, une suite à LA NUIT DES MORTS-VIVANTS. Il rédige une histoire qu'acquiert le producteur Tom Fox. Lorsque celui-ci annonce son intention de produire LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS, suite de LA NUIT DES MORTS-VIVANTS, Romero et sa compagnie Laurel Entertainment l'attaquent en justice.

Ils échouent, mais tout cela fait traîner en longueur la production de cette suite parallèle. Tobe Hooper est d'abord pressenti pour réaliser en relief LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS. Il abandonne pour aller faire LIFEFORCE en 1985, coûteuse production horrifique de la firme Cannon. Seul reste en lice le scénariste Dan O'Bannon, qui vient de réviser le script du RETOUR DES MORTS-VIVANTS. Il va s'agir de sa première mise en scène d'un long-métrage.

Pour les rôles principaux, O'Bannon sélectionne quelques vétérans comme Clu Gulager (A BOUT PORTANT de Don Siegel, LA REVANCHE DE FREDDY), James Karen (CAPRICORN ONE, POLTERGEIST) et Don Calfa. Surtout, il recrute Linnea Quigley, pour le rôle d'une Punk portée sur les strip-teases en plein cimetière. Elle deviendra une vedette du cinéma fantastique américain à petit budget, en jouant notamment dans des films de David DeCoteau (CREEPOZOIDS, NIGHTMARE SISTERS).

Louisville Kentucky, 1985. Frank, vieil employé de la morgue, raconte à Freddy, nouveau-venu, une anecdote incroyable : le film LA NUIT DES MORTS-VIVANTS a été inspiré au réalisateur George A. Romero par des événements réels s'étant déroulés à la fin des années soixante.

Suite à des expérimentations hasardeuses, des militaires ont répandu un gaz dangereux qui a ramené des cadavres à la vie. Certains zombis ont été conservés à l'intérieur de containers de l'armée, dans la cave de la morgue de Louisville.

Ce que Frank ignore, c'est que les militaires américains n'ont absolument aucune idée de l'endroit où sont entreposés ces dangereux "déchets" ! Frank et Freddy descendent dans la cave de la morgue et découvrent les fameux barils. Ils en fendent un par accident, qui laisse échapper du gaz maléfique. Tout cela marque le début d'une série d'incidents catastrophiques...

Lorsqu'un genre devient populaire, il n'est pas rare que déboulent des parodies, des œuvres détournant avec ironie ses conventions. Ainsi, les succès gothiques de la Hammer ont entraîné des films irrévérencieux tels que LE BAL DES VAMPIRES ou FRANKENSTEIN JUNIOR.

Les films de morts-vivants connaissent un retentissant succès à la fin des années soixante-dix, avec ZOMBIE suivi de titres comme L'ENFER DES ZOMBIES. Au début des années quatre-vingts, le genre s'essouffle vite. Mais un Michael Jackson zombifié danse avec des morts-vivants sur son titre THRILLER en 1983, dans un clip-fleuve célèbre réalisé par John Landis.

Dès lors, il n'est pas étonnant de voir débarquer en 1985 LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS, traitant les zombies sur le ton de la parodie noire. Le timing est pertinent puisque la même année arrive LE JOUR DES MORTS-VIVANTS, troisième métrage zombiesque de George A. Romero, a priori promis à un aussi gros succès que ses deux prédécesseurs. D'autres films mettant en scène des morts-vivants apparaissent ainsi opportunément autour de la sortie du nouveau Romero, comme RE-ANIMATOR.

Pour comprendre l'approche de Dan O'Bannon, revenons sur sa carrière. Après avoir aidé Carpenter sur DARK STAR, comédie de science-fiction à la conclusion nihiliste, il est recruté par Alejandro Jodorowsky pour préparer à Paris le scénario d'une adaptation monumentale du roman de science-fiction «Dune». O'Bannon rencontre à cette occasion des dessinateurs européens comme Moebius (Jean Giraud) ou H.R. Giger, eux aussi affectés à cette préparation.

Ils sont alors liés au magazine français «Métal Hurlant», revue pionnière de la bande-dessinée pour adultes. Elle accorde une large place à la connaissance de la culture populaire (cinéma fantastique, bande dessinée américaine, littérature de science-fiction, musique Rock, Heroic Fantasy) et est imprégnée d'un goût pour la contre-culture, directement dans le prolongement des Surréalistes et d'un esprit progressiste "Mai 68".

Le «Dune» de Jodorowsky tombe à l'eau et O'Bannon travaille ensuite sur le scénario d'ALIEN de Ridley Scott. Il conseille à ce réalisateur de recruter Giger (qui dessine le fameux extra-terrestre) et Moebius. Puis nous retrouvons O'Bannon en tant que scénaristes de certains passages du long-métrage d'animation MÉTAL HURLANT, inspiré par les BD de la revue française.

Nous relevons une communauté d'esprit entre LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS et ce magazine. Ses sources d'inspiration sont à chercher dans la culture populaire : Punk Rock (avec la présence sur la bande-son de groupes comme The Damned ou The Cramps) ; cinéma d'épouvante, bien sûr ; et surtout les bandes dessinées de l'éditeur américain E.C. Comics, avec des titres d'épouvante des années cinquante comme «Tales From the Crypt». Dans ces fascicules, le macabre se mêlait à un humour très noir.

George A. Romero n'a jamais caché l'influence que les E.C. Comics ont eu sur ses films, en particulier sur ZOMBIE qui laisse déjà paraître des touches d'humour noir. Il propose même un hommage transparent à ces publications avec CREEPSHOW de 1982, anthologie au scénario signé Stephen King.

Les zombies du RETOUR DES MORTS-VIVANTS creusent ce sillon eux aussi, et ont un aspect très graphique, très expressif, agressif, voire comique, ce qui nous emmène loin des inertes bouffeurs de chair fraîche de L'ENFER DES ZOMBIES ou de LA NUIT DES MORTS-VIVANTS.

Le film de zombies est ici traité avec iconoclasme et ironie, sur le ton d'une comédie irrévérencieuse. Aucun personnage ne trouve grâce aux yeux d'O'Bannon, qui stigmatise autant la bande de punks débiles que les militaires incompétents, je-m'en-foutistes et inhumains (voir le dénouement, qui tombe comme un ultime éclat de rire désespéré).

Les séquences gores, souvent explicites, donnent lieu à des gags étonnants. Nous trouvons encore un emploi innovant de la musique Rock, notamment pour le réveil des morts du cimetière, ainsi qu'un penchant marqué pour l'érotisme, avec le - mythique - strip-tease de Linnea Quigley (immortalisé par l'affiche du film).

LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS fonctionne aussi sur certains aspects authentiquement horrifiques et fantastiques. Des détails insolites frappent par leur poésie (des papillons épinglés reviennent à la vie), et des passages sont étonnants par leur mélancolie. Comme la confession de la femme-tronc zombie, expliquant les raisons de la boulimie de cerveaux des morts-vivants. Ou bien lorsque le pauvre Freddy, en cours de zombification, commente en direct ce que ressent un cadavre en train de se raidir.

La situation des personnages principaux est angoissante. Contrairement à la plupart des œuvres de ce style, les morts-vivants sont pratiquement indestructibles. Le seul moyen de les re-tuer est de les brûler intégralement. Mais leurs corps se dispersent alors en un gaz capable de rendre la vie à d'autres cadavres ! Plus LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS progresse, plus les (anti-)héros du film sont voués à une mort certaine, inéluctable.

LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS souffre de quelques faiblesses. La plus ennuyeuse est la platitude de la réalisation, se bornant souvent à laisser l'action se dérouler devant une caméra fixe. Ce style neutre, complètement opposé à la surexcitation et à l'invention d'un Sam Raimi ou d'un Stuart Gordon à la même époque, alourdit LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS, notamment en son milieu où l'action se ralentit.

LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS n'en reste pas moins une réussite de la comédie fantastique, dans laquelle le caractère horrifique reste bien présent. Succédant à EVIL DEAD ou au LOUP-GAROU DE LONDRES dans cette voie, il va, avec RE-ANIMATOR sorti la même année, ouvrir la porte à des œuvres zombiesques de plus en plus folles (comme EVIL DEAD 2 en 1987) jusqu'au point de non-retour : BRAINDEAD de Peter Jackson.

LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS est distribué dans les salles américaines par la firme Orion. Cette compagnie indépendante est fondée à la fin des années soixante-dix par d'anciens cadres de United Artists, après la déconfiture de ce studio consécutive à des échecs commerciaux tels que BLOW OUT de Brian De Palma ou LA PORTE DU PARADIS de Michael Cimino. Orion s'illustre notamment en distribuant TERMINATOR et en produisant ROBOCOP au cours des années quatre-vingts.

LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS sort aux USA avec un classement R-Rated (interdit au moins de 17 ans non accompagnés), ce qui lui permet d'accéder à un vaste réseau de salles. LE JOUR DES MORTS-VIVANTS, son concurrent direct, sort pour sa part sans classification (Unrated) comme ZOMBIE en son temps, ce qui lui laisse toute liberté en terme de séquences gore, mais rend sa distribution et sa promotion plus restreintes.  Au box-office américain, LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS est un succès, alors que LE JOUR DES MORTS-VIVANTS est un relatif échec, surtout comparé aux succès de LA NUIT DES MORTS-VIVANTS et de ZOMBIE.

LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS est donc suivi rapidement d'une première suite, avec l'anecdotique LE RETOUR DES MORTS VIVANTS 2 de 1988. Le film de zombie connaît alors un petit retour en grâce de deux ou trois ans, avec des titres comme FLIC OU ZOMBIE ou ZOMBIE 3. Dan O'Bannon continuera sa carrière comme scénariste. Il ne réalisera qu'un seul autre film : THE RESURRECTED de 1992, adaptation réussie de «L'affaire Charles Dexter Ward» de Lovecraft.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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