Header Critique : FRAYEURS (PAURA NELLA CITTA DEI MORTI VIVENTI)

Critique du film
FRAYEURS 1980

PAURA NELLA CITTA DEI MORTI VIVENTI 

Après les succès du ZOMBIE de George A. Romero et de L'ENFER DES ZOMBIES de Lucio Fulci, le cinéma transalpin est pris d'une frénésie de Gore, laquelle s'étale durant trois belles années, de 1980 à 1982, avant de refluer. Zombies, tueurs maniaques et cannibales sont mis à toutes les sauces au gré d'une production brassant très large en terme qualitatif. Des films brillants comme INFERNO de Dario Argento, CANNIBAL HOLOCAUST de Ruggero Deodato ou L'AU-DELÀ de Lucio Fulci côtoient des bandes irregardables comme LE MANOIR DE LA TERREUR d'Andrea Bianchi ou VIRUS CANNIBALE de Bruno Mattei.

Juste après L'ENFER DES ZOMBIES, Fulci savoure la renaissance de sa carrière, notamment en tournant pour le cinéma LA GUERRE DES GANGS, film sur fond de contrebande napolitaine, dans la tradition des polars violents si populaires en Italie durant la décennie précédente. Avec Fabio Testi, un habitué du genre, ce métrage se distingue par la maîtrise technique de son metteur en scène et par une surenchère dans le sadisme.

Fulci remet ensuite le couvert de l'horreur zombiesque en retravaillant avec des collaborateurs ayant fait le succès de L'ENFER DES ZOMBIES : Dardano Sacchetti au scénario, Fabio Frizzi à la musique et Sergio Salvati à la photographie. Ce nouveau film, FRAYEURS, n'est pas produit par Fabrizio De Angelis, mais par la société de production italienne Medusa, ainsi que par Mino Loy et Luciano Martino (frère de Sergio Martino), deux producteurs alors impliqués dans le cinéma cannibale, avec par exemple LA SECTE DES CANNIBALES et CANNIBAL FEROX.

Fulci recrute trois comédiens principaux, avec Christopher George (LE SADIQUE À LA TRONÇONNEUSE), américain spécialisé dans les seconds rôles et les séries B ; l'italien Carlo De Mejo (qui tournera à nouveau avec Fulci pour LA MAISON PRÈS DU CIMETIÈRE puis LA MALÉDICTION DU PHARAON) et surtout l'anglaise Catriona MacColl. Cette dernière va jouer également dans L'AU-DELÀ et LA MAISON PRÈS DU CIMETIÈRE. Elle apporte aux trois films de Fulci un jeu naturel, crédible même dans des situations singulières, toujours juste et en phase avec le film. Elle est ainsi indissociable de la grande période gore de Lucio Fulci.

Aux côtés de ces vedettes, nous trouvons la blonde Janet Agren, qui sort de LA SECTE DES CANNIBALES, ainsi que Michele Soavi, pas encore réalisateur, qui fait l'acteur dans un petit rôle. Nous reconnaissons aussi Giovanni Lombardo Radice, jeune acteur spécialisé dans les personnages tordus et insolites ayant tendance à connaître des fins brutales, que nous croisons par exemple dans CANNIBAL FEROX et LA MAISON AU FOND DU PARC.

A Dunwich, une petite ville du Massachusetts, un prêtre se pend dans un cimetière. A New-York, une médium voit mentalement cette scène et en meurt au cours d'une séance de spiritisme. Un journaliste décide d'enquêter sur cette ville mystérieuse...

FRAYEURS a la particularité de se dérouler dans la ville de Dunwich, commune inventée par Howard Phillips Lovecraft et située aux alentours d'Arkham, autre cité imaginaire lovecraftienne située en Nouvelle-Angleterre. Dunwich apparaît particulièrement dans la nouvelle classique « L'abomination de Dunwich ».

Toutefois, les éléments du Mythe de Cthulhu cher à l'écrivain de Providence sont absents. La prophétie donnant lieu aux événements de FRAYEURS reposent sur un folklore chrétien blasphématoire, le suicide d'un prêtre malfaisant entrouvrant la porte des enfers. Dunwich est ici construite sur les ruines de Salem, la ville des sorcières.

Il y a pourtant bien des éléments assez lovecraftiens dans l'intrigue : une population de paysans dégénérés, un livre contenant des révélations... Mais il s'agit ici avant tout de s'éloigner de l'horreur antillaise de L'ENFER DES ZOMBIES pour renouer avec les souvenirs gothiques américains, comme Carpenter le fait la même année avec FOG.


Dans FRAYEURS, la séquence de l'enterrement vivant de Mary est mémorable et illustre bien le grand art macabre émanant du métrage. Les personnages pleurant du sang en présence de l'influence malfaisante du prêtre constituent aussi un détail horrifique remarquable. Ainsi, l'ambiance de FRAYEURS relève d'un gothique classique, avec cette ville nocturne inquiétante, hantée par le fantôme d'un prêtre maléfique, bref toute une atmosphère macabre classique directe et convaincante, devant beaucoup à la photographie de Sergio Salvati et à la mise en scène de Lucio Fulci. Les deux hommes donnent une homogénéité artistique forte et qualitative au métrage, un raffinement visuel inspiré qui unifie ce film à la narration pourtant éclatée et disjointe.

FRAYEURS est en effet tourné quelques mois après la sortie d'INFERNO de Dario Argento. Dans ce dernier, le réalisateur, inspiré par L'ANNÉE DERNIÈRE À MARIENBAD d'Alain Resnais, dote son métrage d'une structure narrative non-traditionnelle, libre, plus proche du poème et de la musique que d'un scénario classique de cinéma. Ce qui lui permet de pousser encore plus loin la liberté artistique que les arts de l'imaginaire offrent aux créateurs. Il poursuit ainsi une veine d'horreur poétique déjà initiée par Mario Bava avec LISA ET LE DIABLE.

Si L'ENFER DES ZOMBIES a encore un scénario linéaire, FRAYEURS se permet plus de libertés à son tour, avec des événements à l'enchaînement parfois arbitraires.  Fulci aligne les moments forts sur fond d'atmosphère prenante sans trop se préoccuper de la cohérence et de fil narratif. Le spectacle, l'intuition et l'émotion l'emportent sur la raison et la logique. Fulci perfectionne cette façon de faire dans son chef-d’œuvre L'AU-DELÀ l'année suivante.

Au-delà d'une horreur gothique classique et d'un déroulé non-conformiste, FRAYEURS se distingue par son Gore, sa très forte violence graphique. Ses péripéties donnent lieu à des moments ultra-violents frappants. L'un d'eux étant le meurtre de l'idiot du village à l'aide d'une perceuse industrielle. Un autre nous montrant une jeune femme vomir ses propres entrailles au cours d'une scène répugnante, très insistante par sa longueur !

FRAYEURS crée à Dunwich une ambiance pesante et sinistre, typique des films de Fulci. L'horreur est au premier degré. Il n'y a pas d'humour décalé pour adoucir les moments durs. Les rues sont parcourues par un vent malsain chargé de poussière. Fulci nous présente une communauté de paysans méchants et stupides. Les événements horrifiques sont tous efficaces et très originaux (une pluie de vers grouillants s'abat sur des personnages), tandis que le scénario réussit à maintenir un rythme terrifiant et insidieux. On ne s'ennuie pas une seconde, la musique, excellente, souligne l'efficacité de certains tours de force comme la découverte du sanctuaire funeste sous le cimetière.

FRAYEURS est vraiment un film angoissant, maîtrisé de bout en bout. Fulci y installe une ambiance gothique extraordinaire. Il s'agit bien d'un des chefs-d’œuvre de la grande époque du cinéma d'épouvante italien, un cinéma alors imaginatif, cruel et audacieux. Cette veine gothique ainsi initiée inspire particulièrement son metteur en scène puisque l'année suivante, il va aligner trois films de ce genre, dont deux de ses grands classiques, avec LE CHAT NOIR, L'AU-DELÀ et LA MAISON PRÈS DU CIMETIÈRE.

À sa sortie, FRAYEURS est présenté en version intégrale au Festival du Film Fantastique de Paris. Mais pour son exploitation en salles, la commission de censure française lui inflige des coupes lourdes dans ses scènes sanglantes, comme pour L'ENFER DES ZOMBIES. Ces deux films échappent néanmoins à l'interdiction complète infligée par exemple à ZOMBIE ou MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE par une censure française alors dépassée par l'explosion d'un cinéma d'horreur de plus en plus intense.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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