Eté 1984. A la suite de la disparition de jeunes adolescents, un groupe de 4 amis suspecte que leur voisin, un policier respecté de tous, pourrait être le tueur en série recherché. Ils décident d'opérer la surveillance requise.
Après avoir exploité la nostalgie années 80 en mode full force avec le post nuke TURBO KID, le trio de réalisateurs québécois RKSS, à savoir François Simard, Anouk Whissell et Yoann-Karl Whissell, rempilent avec une nouvelle odeur de nostalgie. On repart en 1984, avec ce long métrage SUMMER OF 84 tendance rétro-thriller, mais qui va tenter soigneusement d'éviter la redite. A savoir ne pas considérer les années 80 comme une cascade de références pop pour base de narration - mais comme un simple théâtre temporel de l'action.
Ceci posé, la nostalgie de l'enfance part sur de solides bases existantes. Inévitablement, cette ambiance de banlieue faussement tranquille de l'Indiana rappellera les productions Amblin des années 80, tout comme ses avatars récréatifs quelques décades plus tard - SUPER 8 sautant autant aux yeux que STAND BY ME, LES GOONIES ou même la série EERIE, INDIANA. En fait, le film pille tellement de références que cela en devient gênant par instants. Qu'il s'agisse de la bonne louchée de FENETRE SUR COUR, mais surtout de sa copie teenager DISTURBIA, on imagine mal comment le film aurait pu se faire sans la mode de STRANGER THINGS arrivée récemment sur le marché. Même la sympathique composition musicale par Le Matos respire les années 80, louchant vers (tiens) STRANGER THINGS, rendant hommage aux synthés de John Carpenter jusqu'à s'en approprier l'essence. Hommage ou autre chose ? A vous d'entendre.
Visuellement, le cadre en Scope apparait excessivement soigné. Qu'il s'agisse de la reconstitution d'époque : habits, détails de la vie quotidienne, décors, ambiance musicale, références populaires : tout y est, y compris les petits caméos de chacun des réalisateurs qui se sont fait plaisir. Ou des lumières, cadrages, choix de décors : on sent un amour du détail afin de donner un maximum à voir au spectateur. Pour l'ambiance 1984, les détails restent présents mais n'inondent pas l'inconscient collectif. On n'échappe pas au « Cruel Summer » de Bananarama ou aux t-shirts MTV, mais l'esprit en restera là. L'intérêt demeure ailleurs.
Les auteurs adoptent un rythme délibérément plus lent que celui de TURBO KID. Tout en suivant un parcours bien ordonné. Qu'il s'agisse de la forme du film ou de sa structure : une lente progression dramatique, une enquête d'ados pointant vers un final d'une noirceur finalement assez peu commune. En fait, on sent que les auteurs se rattrapent nettement sur le dernier quart du film qui projette les personnages tout comme les spectateurs vers un déchainement de violence inattendu.
SUMMER OF 84 fait mouche sur le relationnel entre les adolescents bourgeonnant et leur quotidien apathique. Leur désir d'ailleurs, de sensationnel - et donc d'obtenir bien plus que ce qu'ils espéraient. Un quadrilatère qui n'échappe cependant pas aux stéréotypes d'usage : le héros puceau, le geek, le rebelle et le bon gros de service. Très peu de distance accordée à ces clichés, si bien qu'on garde l'impression de suivre un chemin bien balisé. S'il réussit à peindre une adolescence perdue et une innocence souillée, le récit peine à dessiner la vie de chacun. Quelques brefs plans tentent de nourrir la rupture du ban familial, mais de manière tellement fugace qu'on ne s'y intéresse guère. Très dommage, car ajouté à l'énergie du quatuor, cela aurait permis au film de s'élever sans peine des séries B au kilomètre qui traitent plus ou moins des mêmes sujets.
Au final, SUMMER OF 84 se révèle une distraction sympathique, même si beaucoup trop longue. On ne sait, même après avoir écouté le commentaire, si les auteurs ont voulu rendre un hommage à un style de film (dé)passé, faire une satire de la banlieue US des années 80, ou un thriller sérieux... le principal souci reste qu'hormis un final à la menace glaçante et aux plans gore surprenants, le film n'est ni effrayant ni suffisamment drôle. Reste qu'un soin visuel essentiel, un méchant vicieux et des héros charismatiques rendent le film attachant - donc méritant le détour.
Après l'obligation de subir les films annonces du catalogue de l'éditeur, on arrive sur un menu fixe avec un accès au film, versions et suppléments. Vous qui aimez un accès par chapitre, vous oubliez. Il n'y en a pas de présent au menu, Même si le film demeure saucissonné en 10 portions. Le film est sur un BD 25, 1080p, au format 2.40:1 et d'une durée complète de 105mn52. Un débit moyen d'environ 27 Mbps. Comme la majeure partie du film se déroule de nuit, il fallait impérativement que le rendu visuel final soit optimal pour une bonne compréhension de la dramaturgie. Il s'agit effectivement du cas via les niveaux de noirs profonds, les contrastes réussis et les sources de lumières minimales (notamment lors de la découverte du cadavre) qui transparaissent agréablement. Les gros plans se révèlent saisissants dans les textures (visages, habits) et le naturel.
Dès le lancement de la piste audio DTS HD MA 5.1 anglaise, on remarque une précision remarquable des sons et divers bruitages qui ornent le générique de début. Multicanal en diable, stéréophonie : un mixage excessivement soigné. La musique composée par Le Matos s'avère remarquablement restituée, sans prendre le pas sur l'action. Des dialogues parfaitement audibles et surtout, une belle utilisation des canaux arrières.
Curieusement, le doublage français (également en DTS HD MA 5.1) est enregistré un ton plus haut pour l'ensemble des sons et dialogues. La version apparait plus puissante que sa consoeur anglophone, particulièrement pour les riches effets sonores et la partition électronique du Matos. Le menu offre soit la version française, soit la version anglaise sous-titrée. il faut préciser que les sous-titres sont optionnels, à retirer uniquement depuis votre télécommande.
En bonus, nous avons droit à un commentaire audio en français des trois réalisateurs, déjà présent sur le Blu ray US de chez Gunpowder & Sky. Y manque le commentaire audio en anglais qui n'est pas repris ici. S'ajoute une séquence de scènes ratées (« bloopers ») et quelques films annonce.
Le commentaire audio de RKSS apporte des précisions, avec pas mal d'interactions entre les trois auteurs, et quelques blagues privées. On sent la symbiose entre les trois compères. On y apprend rapidement que la scène initiale de début a été coupée au montage pour privilégier l'aspect cyclique du film (même début, même fin), privant le spectateur de la compréhension du premier meurtre. Quelques anecdotes sur le choix (justifié) de Rich Sommer et un bel avertissement de d'abord voir le film plutôt que d'écouter en premier le commentaire. Toujours bienvenu. L'influence du petit budget sur les restrictions de mise en scène, le clin d'oeil aux BANLIEUSARDS de Joe Dante, les contraintes de tournage dues à l'âge des acteurs, la complicité entre Rich Sommer et Graham Verchere... c'est généralement amusant et instructif.
On ne va pas le cacher, la discussion entre potes n'est cependant pas toujours en rapport avec ce qu'il se passe à l'écran. Beaucoup de blancs aussi (vers la 50e, 57e ou 85e minute, par exemple), et quelques soucis pour faire repartir la machine. Comme s'ils n'avaient plus rien à dire, un comble quand l'exercice réunit 3 personnes étant intervenues directement sur le film. Le commentaire en anglais présent sur le Blu Ray US n'étant pas repris ici, on ne peut effectuer de comparaison. Le ressenti oscille entre le frustrant et l'apport décontracté d'informations.
Attention : comme il s'agit de cinéastes canadiens, beaucoup d'anglicismes sont utilisés, il faudra donc maitriser un petit peu la langue anglaise pour comprendre ce qu'ils veulent dire (notamment le « killing fields » à la 94e minute, « les kids qui jouent au manhunt », ou aussi des termes techniques usités pendant le tournage). Une jolie conclusion par l'un des trois auteurs - il y a trois films : le script, le film qui est tourné et le film qui est monté, et le seul film que les spectateurs voient, c'est le troisième. Impossible de dire mieux !
L'arrivée de SUMMER OF 84 en Blu Ray français apparait totalement inespéré vu le marché actuel : c'est une bonne nouvelle ! Malgré nos quelques réticences, le Blu Ray possède suffisamment de qualités techniques, visuel comme audio, pour emporter l'adhésion. Les amateurs de nostalgie 80's seront à la joie et le commentaire audio apparait un indéniable atout. D'autant que très peu d'éditeurs français font le choix de cet exercice difficile mais apportant toujours un plus que les amateurs recherchent. On recommande.