Un engrais modifié génétiquement qui provoque la pollution des nappes phréatiques et contamine tout ! Un sanglier mutant qui attaque les humains ! Une traque en pleine nature et en pleine nuit ! Diable on serait tenté de crier de joie «Russell Mulcahy Power !» avec l'avènement d'un RAZORBACK 2 ? Non. Nous avons à faire à une authentique et tonique série B made in France avec monstre à la clé. A savoir PROIE, co-écrit et réalisé par Antoine Blossier, dont il s'agit du premier long-métrage.
Une famille de notables bourguignons effectue des recherches sur un engrais qui provoque une contamination globale. Entre d'étranges maladies de peau et des animaux retrouvés écrasés contre un grillage, le patriarche (Fred Ulysse), ses deux-fils (François Levantal et Joseph Malerba) et le beau-fils médecin (Grégoire Colin) vont à la battue au prédateur identifié comme étant un sanglier. De chasseurs, ils vont rapidement se retrouver à l'état de proie.
De monstres, on n'en verra que peu de bout hormis des gueules pleines de dents et des groins fureteurs. Il s'agit quelque part de cette absence de présence massive et entière qui sert le propos du film. Une chasse physique, de la rudesse des lieux aux âpres rapports entre la famille et le beau-fils. Le terme de proie peut ainsi aussi bien s'expliquer de par la nature de la bête chassée que de l'étranger à cette famille. En effet, Grégoire Colin joue un personnage qui s'apparente à une victime de famille de vautours. Entre sa fiancée (Bérénice Béjo) enceinte mais qui fait passer sa famille avant tout, son père (François Levantal) responsable de la pollution... C'est par ailleurs son instinct de survie qui va le faire surmonter les obstacles : des agissements familiaux aussi bien que des attaques du sanglier.
Cette dualité du scénario demeure l'aspect le plus intéressant, bien que la première partie réservée au blabla écologico-familial – sans parler d'une énième femme enceinte en danger- ne retient guère l'attention. C'est un peu le côté terroir qui plombe le film de par ses aspects «soap opera» chez les fabricants d'engrais. Les auteurs souhaitent donner une identité propre aux personnages et faire comprendre leurs motivations, mais on s'en fiche complètement. Ca reste très moral et stéréotypé, étant tous de parfaits salauds les uns envers les autres. Le scénario ne s'embarrasse pas de fioriture : on sait très bien où sont les méchants et où se situe le gentil. Prévisible. Et comme d'habitude, c'est à qui sera expédié ad patres en premier que le film va jouer. Il n'y a guère que la fin qui apporte une quelconque surprise dans ce département.
L'ambiance pourra paraître exotique aux spectateurs hors de nos frontières. Reste que la campagne bourguignonne ne possède rien d'érotique ou d'exotique en nos contrées. Il fallait donc pour Antoine Blossier choisir un angle d'attaque qui privilégie une tension et un visuel qui fasse oublier tout cela et se concentrer sur l'aspect monstrueux de l'ensemble. La solution choisie revêt un double tranchant. A savoir une caméra proche des visages qui alterne avec des plans larges du groupe d'humains en attente des attaques, le tout plongé dans des ténèbres qui ne permettent pas de déceler grand-chose. Puis la désintégration du groupe par des tensions internes avec film spectaculaire. Rien de novateur. Pire encore, la structure narrative du film rappelle furieusement PROPHECY de John Frankenheimer. La monstruosité connaît une origine via la pollution (la maladie de Minamata dans PROPHECY). On retrouve des embryons mutants morts (ou presque). Le héros se réfugie sous terre pour échapper à une attaque. Puis se retrouve dans une maison qui se trouve assiégée par le monstre... Les péripéties semblent étrangement similaires. Sans parler que le sanglier géant qui agresse l'être humain rappelle par trop le RAZORBACK de Russell Mulcahy. Pour l'originalité du propos, «même joueur, joue encore».
Comme nous sommes en plein film d'agression animale, les auteurs ont également choisi d'agresser le spectateur de manière sonore. Un mixage parfois assourdissant de couinements bestiaux, halètements ou cris vient rajouter au syndrome ambiant de plongée dans un monde inconnu. Tout devient bon pour provoquer une réaction. Resserrer l'action autour du groupe, le plonger dans les ténèbres et faire sursauter le chaland par tous les moyens. Peut-être aussi pour faire oublier le côté vain et déjà-vu de l'entreprise ? En même temps, l'aspect faisandé de l'ensemble reste par moments hautement jouissif dans la mise en scène de l'action. Même s'il faut dire qu'on ne voit pas grand-chose dans le dernier tiers du film. Délibérément sombre, la caméra est mobile mais abuse encore une fois de shakycam, une maladie très présente dans le film de genre français. Elle traque néanmoins la moindre source de lumière et de mouvement afin de là aussi surprendre son audience. Il s'agit peut-être là où la réalisateur réussit et rate en même temps son propos. L'aspect technique demeure éminemment réussi, génère par ailleurs quelques moments de tension. On ne nie pas la performance physique de Grégoire Colin, mais son interprétation comme le reste du casting adopte un style très fonctionnel et attendu, voire primaire. Si bien qu'hormis un certain crédit technique, on ne ressent guère autre chose à la vision du film.
PROIE (quel titre passe-partout !) emprunte une voie maintes fois usitée. Nous ne sommes pas chez Nu Image, mais le sujet aurait très bien pu s'y prêter! Le cinéma de genre français ne s'est certes pas beaucoup rendu sur le terrain des animaux déchaînés. Le projet comporte donc des risques, surtout aux vues des derniers résultats des films de genre français qui enfilent les contre-performances artistiques et publiques depuis presque une décade. Maintenant, qui va bien vouloir débourser une place de cinéma pour voir un sanglier mutant attaquer des bourguignons ? Car le plus inquiétant demeure que PROIE va visiblement sortir en salles. Sur le papier, de voir une vraie série B française s'épanouir sur grand écran, c'est excitant. A la vue mitigée du résultat, on ne peut avoir que très peur pour le distributeur et le film qui ne devra pas beaucoup compter sur les entrées afin de rentabiliser son produit. Dans les années 80, cela aurait été compréhensible. En 2011, ça tient un peu du suicide commercial. D'autant qu'il risque de pâtir de la concurrence d'un autre film portant le même nom, le nouveau thriller d'Eric Vallette qui sort lui aussi courant 2011.
Ca n'est pas gagné pour Antoine Blossier, qu'on attend toutefois au tournant.