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Critique du film
DEVIL 2010

 

Depuis combien de temps n'avait-on pas vu une bonne bondieuserie donneuse de leçon ? Visiblement trop peu vu le projet des «Night Chronicles» que M.Night Shyamalan a vendu à Universal. Le premier opus de ces séries B à budget réduit est donc DEVIL, réalisé par John Erick Dowdle (sinistre auteur d'EN QUARANTAINE), qui voit cinq étrangers coincés dans un ascenseur et dont on comprend rapidement que l'un d'entre eux est le diable. Pourquoi ? Parce qu'il veut s'amuser, pardi.

Un plan d'ouverture superbe qui donne vertige et malaise : voilà ce qu'on retiendra surtout de DEVIL. Généralement, lorsqu'un générique de film démarre par le plan aérien d'une ville, on sait déjà que le réalisateur manquera d'inventivité et se contentera d'illustrer son sujet. Ici, Dowdle choisit de montrer la ville sens dessus dessous. Etrange sensation, doublée d'un thème musical pulsateur composé par Fernando Velazquez (un spécialiste : L'ORPHELINAT, LES YEUX DE JULIA)... qui pille spectaculairement Bernard Herrman. Mais l'effet est réussi et l'impression renversante fonctionne. L'appétit du spectateur s'aiguise un peu plus avec un suicide étrange. Malheureusement, on sent poindre le sujet lourd. Le héros du film sera un flic alcoolo qui a perdu sa femme, son môme et par extension la foi. Aïe. Ca sent le déjà vu. M.Night Shyamalan ? Perte de foi ? SIGNES. Double Aïe.

On n'est pas contre un bon film de trouille avec les oripeaux religieux comme arrière-plan. Il n'y a pas meilleur générateur de foules incrédules dans un cinéma que la peur du Diable et ses exagérations à la EXORCISTE et autres MALEDICTION. Si c'est bien fait. Ici, ça n'est pas du tout le cas.

Le suicide sent déjà un peu le trajet balisé. Le flic y remarque un rosaire à la main. Le corps s'est écrasé sur un camion qui porte le nom de Bethléem. La famille du flic est morte à un endroit appelé Bethléem. Puis la perte de repères, le sentiment de culpabilité et la notion de pardon. On y ajoute l'inévitable agent de sécurité latino qui tombe en extase les bras en croix devant les moniteurs de surveillance, le passé douteux de chacun des étrangers enfermés et roulez jeunesse. On va avoir droit dans la deuxième partie du film à une spectaculaire leçon de morale en quelques règles basiques. Faisons le compte.

1. Tu as fait une mauvaise action ? Le diable va te coincer car tu es damné.
2. Tu es coincé dans un ascenseur avec une horrible musique de fond du genre The girl from Ipanema avec des lumières qui clignotent tout le temps ? Si tu ne t'es déjà par arraché les tympans et que tu as au moins volontairement abandonné ton sac poubelle sur le palier du voisin, tu viens de gagner un aller simple pour les nouveaux flippers qui viennent d'arriver en enfer.
3. Tu veux sauver ton âme ? Non ? Comment ça, non ? la réponse est forcément oui dans le cas présent.

Qui plus est, le concept de l'endroit clos n'est pas forcément nouveau : voir OUT OF ORDER de Carl Schenckel mais bien sur le LIFEBOAT d'Alfred Hitchcock, entre autres. Mais le pire reste que DEVIL ne veut pas utiliser l'espace de l'ascenseur comme terrain de jeu seul, mais va tenter de raccrocher le tout à une enquête policière dont les enjeux demeurent ridicules. Vue la tonalité du film, impossible d'y croire une seule seconde. La possibilité de l'atmosphère étouffante, de la montée de la pression se trouve évacuée de facto au profit d'effets-trouille éculés.

Quelques effets stroboscopiques, une musique tsoïng-tsoïng alternent avec un cadre plutôt bien utilisé. Une direction d'acteurs qui ne laisse aucune part à l'ambiguïté. Mark Messina (le flic) a l'air d'une endive et ce ne sont pas les atermoiements neo-badass d'un Bokeem Woodbine en mal de carrière qui va donner de l'épaisseur au tout. Comme on ne ressent rien pour quiconque dans ce fatras immobilier, ça n'aide pas à l'adhésion au film. En plus, on a à faire à un métrage pour ado. Donc adieu visuel des meurtres si ce n'est une succession de bruits hargneux et un morceau de verre planté dans un cou. Une très agaçante voix off veut impérativement prendre le spectateur par la main (heureusement que ce n'est pas un enfant, on aurait vu débarquer Yves Duteil) pour bien lui faire comprendre le caractère conte de fée de l'ensemble. Parfait pour les ados de Salt Lake City ou le redneck qui va une fois par an au cinéma. Pour le reste des spectateurs, on a déjà passé le stade de l'insupportablement mauvais.

Au final, il n'y a aucun mystère, aucune échappatoire. Tout est déjà prédigéré, prémaché : c'est bien le diable et rien d'autre. Le caractère très conventionnel des personnages qui ont tous quelque chose à se reprocher est alourdi par le côté prévisible de l'identité du diable en question. Et de tous les effets habituels vus depuis des décennies : c'est forcément accompagné d'un coup de tonnerre et d'éclairs, les yeux sont noirs, la voix caverneuse, etc, etc… mais déjà, on s'est enfoncé dans le fauteuil, soupiré une demi-douzaine de fois et on attend péniblement, la fin de cet outrage visuel, espérant vaguement une simili-surprise. Tout en sachant pertinnement qu'il n'y en aura aucune. Et ce n'est pas le plan de fin qui sonne la boucle bouclée qui viendra dire le contraire.

DEVIL est une collision entre l'absurde et le médiocre, qui possède un mérite : 80 minutes de durée. Une sensation d'un épisode mormon de la QUATRIEME DIMENSION allongé pour le cinéma. Si au moins on avait eu droit à quelques grossièretés, de la purée de pois cassés en vomi ou un crucifix entre les jambes d'un acteur. Le diable n'est plus ce qu'il était. Tout du moins aurait-il du prendre avec lui toutes les copies de DEVIL et les éjecter en enfer (s'il existe).

Même pas.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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